Intervention de Pierre Morel-A-L'Huissier

Séance en hémicycle du 24 novembre 2016 à 15h00
Statut de l'île de clipperton — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morel-A-L'Huissier :

La France est riche de nombreux territoires ultramarins, situés aux quatre coins du monde, qui participent grandement de la diversité de notre nation, de notre culture, et qui sont le reflet de notre histoire. Notre cher collègue Philippe Folliot s’est penché sur l’histoire d’une toute petite île, oubliée de tous et perdue au beau milieu du Pacifique Nord, découverte au début du dix-huitième siècle par un navigateur français, revendiquée au milieu du dix-neuvième siècle par Napoléon III, occupée par les Mexicains au début du vingtième siècle, puis définitivement revenue sous souveraineté française à la suite d’un arbitrage international au début des années 1930.

Profondément isolée, l’île de Clipperton est située à 1 100 kilomètres à l’ouest de côtes mexicaines ; la première île la plus proche se situe, sauf erreur, à 1 000 kilomètres et les terres françaises s’en rapprochant le plus sont les îles Marquises, à 4 000 kilomètres – je m’y rendrai prochainement.

Si cette île inhabitée apparaît dérisoire par sa superficie – 2 kilomètres carrés de terres émergées ! –, elle représente cependant un territoire bien plus important si l’on considère qu’elle procure une souveraineté sur une zone maritime de près de 434 000 kilomètres carrés, soit plus que la zone économique exclusive de la France métropolitaine, qui est de 349 000 kilomètres carrés. Je partage donc totalement l’avis de notre collègue Folliot lorsqu’il dit que l’île de Clipperton représente un intérêt géostratégique évident pour la France.

Je tiens en outre à souligner l’intérêt scientifique de l’île. Sur cette planète Terre où l’on trouve de moins en moins de territoires vierges de toute occupation ou modification humaine, l’île de Clipperton peut être un emplacement fixe de très haute qualité pour les relevés et mesures océanographiques, atmosphériques et biologiques.

Il s’agit de surcroît de l’une des zones les plus riches au monde en thonidés et en nodules polymétalliques – sources potentielles de ressources minérales stratégiques, telles que le cuivre ou le nickel –, ce qui en fait un territoire très convoité par le Mexique, les Mexicains se disant favorables à une restitution de l’île au Mexique, malgré l’arbitrage international de 1931. Si la souveraineté française n’est pas, pour le moment, directement remise en cause par le gouvernement mexicain, il pourrait en aller différemment si le pays connaissait des évolutions politiques.

Face à cette menace potentielle, ou face à des situations inhabituelles comme la présence d’étrangers ou la commission d’une infraction grave sur l’île, nous ne sommes pas suffisamment armés juridiquement. Bien que l’île figure dans la Constitution française à l’article 72, alinéa 3, il existe autour de son administration et des règles qui la régissent un flou juridique, qui ne peut perdurer.

Notre ami Philippe Folliot a largement étudié la question, s’emparant du sujet avec la ferveur que nous lui connaissons. Il a formulé plusieurs propositions concrètes au Premier ministre à travers un rapport très documenté. Certaines de ces préconisations ont d’ores et déjà été mises en oeuvre, comme la destruction du stock de munitions laissées par les Américains en 1944. D’autres doivent l’être dès que possible – c’est l’objet même de cette proposition de loi.

Il s’agit d’abord de créer un statut ad hoc pour l’île, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les terres australes et antarctiques françaises, les TAAF.

Il s’agit ensuite de créer un conseil consultatif, composé de neuf personnalités connaissant bien l’île, et qui pourra se réunir par téléconférence entre la Polynésie et la Métropole.

Cette évolution, en plus de sécuriser juridiquement l’île, ne coûtera rien à l’État puisque la représentation de la nouvelle collectivité sera assurée par le bureau des TAAF à Paris.

Enfin, il s’agit de faire évoluer le nom de l’île, pour lui accoler « La Passion », nom qui lui avait été initialement donné par le navigateur Michel Dubocage et qui illustre bien le combat que mène notre rapporteur pour cette petite parcelle de France au bout du monde.

Je le remercie vivement d’avoir sorti l’île de La Passion-Clipperton de l’abandon dans lequel l’État l’a trop longtemps laissée. Le groupe Les Républicains votera avec enthousiasme cette proposition de loi, qui sera probablement adoptée de manière consensuelle.

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