Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du 28 novembre 2016 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

L’Union nationale des associations familiales estime à 160 000 le nombre de familles vivant sous le seuil de pauvreté. Alors, où est la redistribution ?

Je persiste pour ma part à dire qu’avec vos différents coups de rabots, abaissements successifs du quotient familial, fiscalisation des majorations de pensions pour les familles nombreuses, hausse des droits de mutation, modulation à la baisse des allocations familiales, prime à la naissance divisée par deux et versée deux mois après la naissance de l’enfant, diminution de 50 % de la prestation d’accueil du jeune enfant, baisse du complément de libre choix d’activité, réforme du congé parental dont nous allons commencer de mesurer les effets désastreux au mois de septembre 2017, qu’avec l’ensemble de ces mesures donc, ce sont plus de 8 milliards d’euros qui auront été retirés aux familles et que vous utilisez pour combler les déficits que vous avez vous-mêmes créés !

Nous persistons, pour ce qui nous concerne, à dire que la politique familiale doit être une politique de compensation de l’arrivée d’un enfant dans un foyer. Ce n’est pas à la politique familiale d’assurer la redistribution des richesses, c’est à l’impôt de le faire ! C’est en tout cas notre conception de la politique familiale, celle vers laquelle nous reviendrons lors de la prochaine alternance politique.

Enfin, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 prévoit une série de mesures pour le moins incongrues. Je vois mal ce qu’elles viennent faire dans un tel texte : du fait de leur importance, et aussi de leurs conséquences, elles auraient dû faire l’objet d’un projet de loi spécifique. Je pense notamment à la remise en cause de l’ACCRE, l’aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise : vous décidez de la soumettre à des conditions de ressources alors même que l’objectif de cette mesure est la création d’emplois. Au lieu de les encourager, vous découragez les demandeurs d’emploi. C’est tout le contraire de ce qu’il faut faire : encore un bien mauvais signe !

Vous décidez de vous attaquer à l’économie collaborative, alors que nous aurions dû prendre le temps de tirer les conclusions du rapport de notre collègue Terrasse. Je sais bien, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, que vous nous avez répondu en première lecture que ce n’est pas parce qu’il y a un rapport que le Gouvernement est obligé de suivre ses conclusions. Je serais tenté de partager votre point de vue, mais une utilisation éclairée dudit rapport pour préparer un projet de loi spécifique sur l’économie collaborative nous aurait sans doute permis de prendre de meilleures décisions.

Je souhaiterais aussi aborder la question de la location de biens meublés, et plus particulièrement de la location de gîtes ruraux. Je ne comprends pas que le Gouvernement insiste pour imposer aux loueurs de biens meublés ou aux loueurs de biens de consommation courante une affiliation au régime social des indépendants – le RSI. Les gîtes ruraux, les résidences de tourisme social et familial et bien d’autres en feront les frais, alors que nous savons tous qu’une fois les charges payées et les emprunts remboursés, leur compte est fréquemment déficitaire.

Oui, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, il faut sans doute réglementer l’économie collaborative afin qu’elle ne crée pas de concurrence déloyale pour d’autres activités traditionnelles du même type, mais ce n’est pas avec un dispositif aussi général que vous y parviendrez. Je peux vous assurer que vous êtes loin d’imaginer tous les problèmes auxquels vous allez être confrontés dans son application !

En conclusion, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je serais tenté de vous dire qu’au cours de ces cinq années, vous n’aurez ni sauvé le passé, ni préparé notre avenir. Notre Sécurité sociale est certes coûteuse et complexe, mais elle ne doit pas nous faire oublier qu’un déficit des comptes sociaux permanent et banalisé, tel que nous le connaissons, est une anomalie et une injustice pour les générations futures. Et lorsqu’un système devient inéquitable, il n’est plus soutenu par nos concitoyens.

Notre Sécurité sociale doit relever les nouveaux défis qui se présentent à elle. Or votre politique tout au long de ces cinq années n’a pas contribué à sa modernisation ; elle a dégradé son esprit de solidarité, auquel nous sommes pourtant tous ici attachés. Le restaurer sera un défi pour les années à venir. Nous savons que notre réussite dépendra de notre capacité à dire à nos concitoyens la vérité sur les mesures nécessaires. Nous y sommes prêts – même si nous connaissons les difficultés à surmonter.

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