Intervention de Dominique Orliac

Séance en hémicycle du 28 novembre 2016 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Orliac :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après l’adoption en première lecture par le Sénat la semaine passée d’une version modifiée du texte, et après l’échec de la Commission mixte paritaire, notre Assemblée examine aujourd’hui en nouvelle lecture le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017. Je voudrais revenir sur certaines mesures qu’il renferme.

Le Sénat, concernant les plateformes collaboratives visées à l’article 10, ayant défini un seuil unique de recettes de 15 691 euros pour 2017 au-delà duquel une activité de location de courte durée de biens d’habitation meublés ou une activité de location de biens meubles est considérée comme une activité professionnelle, certains de mes collègues ont déposé un sous-amendement, qui a été déclaré irrecevable, afin d’abaisser ce seuil afin qu’il soit identique à celui aujourd’hui appliqué aux personnes exploitant des chambres d’hôtes.

Je tenais à rappeler, à ce propos, que notre groupe s’est majoritairement opposé à cet article en première lecture. De fait, si l’économie collaborative se développe de plus en plus, ces nouvelles façons de commercer chamboulent nos habitudes. Notre groupe a ainsi estimé que, s’il convient effectivement d’encadrer ces nouveaux modes d’économie collaborative, il faut le faire, non en adaptant notre législation actuelle, mais bien en créant de nouveaux articles de loi, mieux adaptés et mieux concertés.

Je veux également revenir sur l’article 16. Le Sénat, refusant la mise en place d’une contribution assise sur le chiffre d’affaires des fournisseurs de produits du tabac au motif que d’autres leviers d’augmentation fiscale existent ce domaine, a supprimé l’article 16. Or cet article, relatif à l’instauration d’un fonds dédié à la la lutte contre la prévalence tabagique, nous semble fort utile, notamment en ce qu’il s’inscrit dans des politiques publiques volontaristes visant à lutter contre le fléau du tabagisme. Un amendement de rédaction générale ayant été adopté en commission, c’est dans un esprit constructif que notre groupe proposera un sous-amendement tendant à repousser l’entrée en vigueur de ces dispositions, de façon que les acteurs concernés aient le temps de s’organiser. En effet, si cet amendement de rédaction générale était adopté, la navette parlementaire ne laisserait pas assez de temps aux acteurs pour mettre en oeuvre les dispositions qu’il contient.

S’agissant de l’article 33, notre groupe est satisfait que les dispositions intéressant les moniteurs de ski, introduites par le Gouvernement lors de la première lecture dans notre assemblée, aient été préservées au Sénat.

Pour ce qui concerne l’article 34 ter, le Sénat, lors de l’examen en séance, a reporté de trois mois la date d’entrée en vigueur de la liquidation unique des régimes alignés, la date initiale lui paraissant trop ambitieuse. Nous avions déposé un amendement contenant les mêmes dispositions lors de l’examen en commission en première lecture. Notre groupe est donc satisfait de la rédaction actuelle de cet article, même si la commission des affaires sociales a adopté un amendement de Mme la rapporteure Annie Le Houérou visant à revenir à la version votée par notre assemblée en première lecture.

À ce sujet, madame la ministre, je veux saisir l’occasion qui m’est donnée de rappeler vos déclarations lors de l’examen en séance au Sénat. Vous déclariez douter, en effet, de l’utilité d’un report de date, mais, au final, vous avez émis un avis de sagesse sur le report de juillet à octobre que nous souhaitons. Vous avez annoncé que vous prendriez un décret fixant l’échéance au 1er juillet 2017 mais que si, au printemps, il apparaissait que cette date n’était pas tenable, vous publieriez un décret modificatif pour la repousser au 1er octobre 2017. Nous souscrivons à vos voeux, tout en rappelant que, si ce décalage supplémentaire ne change rien – puisque la date d’entrée en vigueur est fixée par décret –, la rédaction du Sénat éviterait au législateur d’avoir à rediscuter dans l’urgence d’un nouveau report, et permettrait aux régimes d’être prêts en temps et heure pour le lancement de la LURA.

Au sujet des professionnels de santé, les sénateurs ont limité le dispositif expérimental d’administration du vaccin contre la grippe saisonnière par les pharmaciens aux personnes adultes bénéficiant d’un bon de prise en charge par l’assurance maladie. Sur ce point, notre groupe présentera un amendement visant à rétablir le périmètre fixé par l’Assemblée nationale, qui avait souhaité ouvrir l’expérimentation à toute personne adulte. En effet, l’intérêt de la vaccination par les pharmaciens est aussi d’atteindre d’autres populations que celles déjà visées, notamment l’entourage des personnes estimées à risques. C’est en vertu de la même logique de protection des personnes sensibles que le législateur a autorisé les sages-femmes à vacciner l’entourage du nourrisson et de la parturiente.

Nous nous félicitons aussi que les sénateurs aient précisé, à l’article 43, que le dispositif d’aide financière aux médecins qui interrompent leur activité médicale pour cause de maternité ou de paternité ne pouvait être réservé à certains médecins, en fonction de leur conventionnement ou de leur zone d’exercice. Ces mesures vont en effet dans le sens d’amendements que nous avions déposés en première lecture. Il est toutefois regrettable que d’autres professionnels de santé n’aient pas été intégrés dans cette mesure de justice sociale.

En outre, nous nous félicitons que le Sénat ait introduit un nouvel article 43 octies, issu d’un amendement de nos collègues du groupe radical du Rassemblement démocratique et social européen –, amendement qui reprend celui que nous avions déposé en première lecture. En effet, une anomalie demeure s’agissant la délivrance des lentilles de contact, moins encadrée que celle des verres correcteurs alors que les lentilles présentent davantage de risques de complications trophiques – traumatiques – infectieuses, du fait de leur contact direct avec l’oeil.

Or, si la délivrance de verres correcteurs est soumise à une prescription médicale et à la présentation d’une ordonnance en cours de validité, il n’en est pas de même pour les lentilles de contact correctrices : la prescription médicale est nécessaire chez le primo-porteur lors de l’adaptation, mais rien n’est indiqué pour la suite, l’opticien ayant seulement la possibilité d’accepter un renouvellement, sur la base d’une ordonnance médicale de moins de trois ans, pour les personnes de plus de seize ans. Au-delà des trois ans – ou en deçà si l’ordonnance n’est pas présentée –, rien n’oblige l’opticien à disposer d’une ordonnance en cours de validité pour délivrer les lentilles de contact correctrices. Le médecin a bien entendu la possibilité de s’opposer au renouvellement des lentilles par mention expresse sur l’ordonnance, mais quel sens sanitaire cela peut-il avoir si l’opticien peut ensuite se passer de l’ordonnance, donc se dispenser de vérifier s’il y a une opposition médicale ? Le nouvel article 43 octies répond à toutes ces questions.

Permettez-moi également de revenir sur l’article 51, relatif aux autorisations temporaires d’utilisation. Notre commission des affaires sociales a adopté un amendement de rédaction générale pour rétablir cet article, et le Gouvernement en a fait de même. Nous défendrons des sous-amendements à l’amendement du Gouvernement, afin que soit définie une modalité de calcul équitable pour le reversement de remises versées par l’industriel lorsqu’il commercialise un produit pris en charge en ATU et pour lequel un plafond de coût de traitement annuel par an et par patient est appliqué. Nous proposons de fixer l’entrée en vigueur de cette importante réforme du mécanisme des ATU et post-ATU au 1er janvier 2017, afin d’éviter une rétroactivité et d’assurer le respect des impératifs de sécurité et de prévisibilité juridique.

Nous souhaitons aussi, à travers un autre sous-amendement, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les premiers effets de la réforme du régime des ATU, y compris sur l’accès des patients aux nouvelles molécules, et ce dès le dépôt du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale. En effet, ce mécanisme, qui modifie très profondément l’économie générale du système, n’a pu être expertisé précisément quant à son impact sur les différentes parties. Il est donc essentiel de s’assurer que le nouveau système n’entraîne pas de pertes de chances pour les patients concernés.

Je veux également évoquer la suppression, par le Sénat, de l’article 52 bis, relatif à l’évolution des rémunérations des radiologues et à la tarification des forfaits techniques, sujets en principe d’ordre conventionnel. Comme beaucoup d’acteurs concernés, nous sommes satisfaits par cette suppression. Aussi notre groupe s’oppose-t-il à la réintroduction de cet article tel qu’il fut voté en première lecture dans notre chambre. L’amendement no 82 de la commission, de rédaction générale, ayant hélas toutes les chances d’être adopté, nous avons déposé un sous-amendement pour intégrer, dans les dispositions de l’article, les établissements de santé publics, privés non lucratifs et privés de statut commercial, qui exercent dans le domaine de l’imagerie, car ils peuvent aussi être concernés.

Enfin, et je termine sur ce point, notre groupe se réjouit de la suppression par le Sénat de l’article 57, lequel prévoyait un transfert vers la MSA de la gestion du service de l’allocation de solidarité aux personnes âgées – SASPA –, historiquement confiée par mandat de l’État à la Caisse des dépôts. Pour notre groupe, ces dispositions, décidées sans concertation préalable avec la Caisse des dépôts, sont difficilement compréhensibles, le bilan de la gestion actuelle ayant même été salué par l’État dans le cadre des négociations sur la future convention d’objectifs et de gestion du SASPA, qui viennent de s’achever. La qualité de cette gestion, notamment en matière de lutte contre la fraude, permet au Fonds de solidarité vieillesse, qui finance le SASPA, d’économiser chaque année l’équivalent de 20 millions d’euros. En ces temps d’économies budgétaires et de maîtrise des coûts, l’amendement no 87 de la commission nous semble donc tout sauf pertinent. Et ce ne sont pas la CGT, la CFE-CGC, la CFDT, FO, l’UNSA ou encore la FSU qui diront le contraire.

Aussi espérons-nous, madame la ministre, mes chers collègues, que le texte soit maintenu en l’état sur certains points, amendé et amélioré sur d’autres, et c’est dans un esprit constructif que nous abordons son examen en nouvelle lecture.

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