Intervention de Serge Bardy

Séance en hémicycle du 29 novembre 2016 à 15h00
Sociétés mères et entreprises donneuses d'ordre — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Bardy :

…permet de débloquer des situations et de faire avancer les choses. Je remercie Danielle Auroi et Philippe Noguès, qui ont suivi le dossier dès le stade de son élaboration, bien avant même la catastrophe du Rana Plaza au Bangladesh, ainsi qu’Annick Le Loch, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques en première lecture, et Anne-Yvonne Le Dain, au sein du groupe SER. Je tiens également à remercier chaleureusement la société civile, car ce texte est le fruit d’un travail de concertation étroite entre le Parlement, la société civile – ONG et syndicats – et le monde universitaire. Cette méthode devrait d’ailleurs nous inspirer et être reproduite plus souvent.

Je tiens notamment à souligner le pragmatisme dont ont fait preuve les ONG, loin de la caricature que l’on voudrait faire de la société civile, qu’on qualifie de naïve ou de « bisounours ». Elles ont su accepter les compromis et se ranger derrière un texte dont chacun s’accorde à dire qu’il est, quoi qu’on en dise, assez éloigné des idéaux de la toute première version. Je tiens également à m’associer personnellement aux remerciements exprimés par le rapporteur à l’endroit du Gouvernement et à toute l’équipe de M. le ministre, qui ont agi pour que cette proposition de loi puisse être examinée aujourd’hui.

Venons-en au fond et aux raisons qui nous poussent aujourd’hui à adopter ce texte. Je ne reviendrai pas sur son contenu, car le rapporteur l’a déjà fait. Cette proposition de loi est une première traduction législative d’une préoccupation partagée par tous les acteurs, publics comme privés : la responsabilité sociale des entreprises, qui consiste à identifier, prévenir et, le cas échéant, réparer les dommages sociaux, sanitaires et environnementaux, ainsi que les atteintes aux droits de l’homme susceptibles de résulter des activités économiques des entreprises.

La France est pionnière dans le monde sur ces sujets et nous pouvons être fiers de nos entreprises, qui, dans l’ensemble, sont souvent en avance par rapport à leurs homologues d’autres pays. En ce qui concerne les droits de l’homme et la RSE, un corpus international de normes s’est peu à peu constitué au niveau international, notamment autour des principes directeurs de l’OCDE et de l’ONU, sans oublier les conventions internationales de l’Organisation internationale du travail – l’OIT. Il appartient aux États de rendre effectifs ces principes et de leur donner toute leur portée en adaptant en conséquence les règles nationales.

C’est précisément l’objet de la présente proposition de loi. Nous pouvons nous permettre de le faire, car nos entreprises sont en avance. La grande majorité des entreprises françaises sont mûres et n’auront pas de difficultés à mettre en oeuvre le plan de vigilance que cette proposition de loi les invite à élaborer. Au contraire, il est grand temps de valoriser les nombreuses entreprises engagées depuis longtemps dans des démarches vertueuses et qui ont déjà largement intégré les droits humains dans leur modèle économique.

En outre, l’économie française se distingue par un capitalisme de grandes entreprises – c’est un fait, et cela nous oblige. C’est aux pays dans lesquels les grandes entreprises européennes ont leur siège qu’il revient d’agir. Mais cette première proposition de loi est une étape sur un chemin encore long. Ce texte va-t-il permettre de régler tous les problèmes ? Assurément non. Probablement n’aurait-il d’ailleurs pas suffi à prévenir le drame du Rana Plaza, ni à mieux indemniser les victimes. Mais il envoie très clairement un message positif et va contribuer à tirer les standards des pratiques sociales et environnementales des entreprises vers le haut. C’est une étape importante, dont nous ne devons pas minimiser la portée, malgré la tentation naturelle d’en vouloir plus, dès aujourd’hui.

Avant de vous inviter à adopter ce texte, j’aimerais terminer, chers collègues, par un témoignage. Président du groupe d’amitié France-Équateur à l’Assemblée, je me suis rendu en Amazonie équatorienne, dans le cadre d’une visite officielle, en 2014. J’ai moi-même constaté les dégâts environnementaux dus à l’exploitation pétrolière de Texaco-Chevron, qui a opéré en Équateur entre 1964 et 1990. Dans la zone concernée, l’eau n’est pas potable. Il suffit, comme je l’ai fait moi-même, de passer sa main dans l’eau d’un puits pour observer la substance huileuse en surface. La justice a-t-elle été rendue ? Non ! Vingt-six ans plus tard, les populations locales attendent toujours que des mesures de dépollution soient mises en oeuvre.

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