Intervention de Sandrine Doucet

Séance en hémicycle du 29 novembre 2016 à 15h00
Victimes de la répression de la commune de paris — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Doucet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous partageons cette après-midi un moment très émouvant et c’est un grand honneur pour moi que de venir plaider la cause de toutes ces victimes et de tous ces prisonniers qui subirent la répression de la Commune de 1871. Beaucoup d’exécutions eurent lieu, beaucoup de condamnations furent prononcées, des dizaines de milliers de personnes durent fuir la France pour se réfugier dans différents pays d’Europe. Cette histoire-là n’est pas seulement parisienne, elle est aussi nationale et européenne.

Permettez-moi, à ce stade, d’aborder le sujet par un fait anecdotique donnant la preuve que nous parlons ici à l’âme des Européens. Il y a une trentaine d’années, un film danois, Le Festin de Babette, réalisé par Gabriel Axel, racontait l’histoire d’une restauratrice parisienne ayant dû fuir la répression de la Commune et se réfugier au Danemark. Ce récit est tiré d’une nouvelle de Karen Blixen, qui s’est penchée sur l’histoire de la Commune. C’est bien l’Europe intellectuelle, cultivée, qui s’est intéressée à cet événement, qui s’en est emparée, qui lui a donné une dignité. L’on trouve ici le destin d’une femme bouleversé par l’histoire, comme le fut celui d’une autre femme, citée à plusieurs reprises à cette tribune : Louise Michel, qui a poursuivi son oeuvre émancipatrice d’enseignante dans la déportation, en Nouvelle-Calédonie, après avoir milité, aux côtés d’autres femmes, pour l’égalité salariale, l’éducation, l’émancipation. Nous sommes ici pour leur rendre hommage.

En tant que Bordelaise, je me sens quelque peu légitime à vous parler de la Commune. Dans un quartier populaire de Bordeaux, celui de Bacalan, deux rues se croisent : la rue Paul Lafargue et la rue Auguste Blanqui. Paul Lafargue, gendre de Karl Marx, vint à Bordeaux parler de la Commune, mais il ne croisa pas Auguste Blanqui, emprisonné très tôt, car Thiers savait que c’était lui, le chef que la Commune avait beaucoup cherché et dont elle avait besoin. Quelques années plus tard, Auguste Blanqui fut le premier député socialiste de la Gironde, et j’ai l’immense honneur de lui succéder.

Mais laissons les honneurs à ceux qui les ont mérités en subissant la répression et, hélas ! les exécutions. Nous sommes ici aujourd’hui pour leur rendre hommage. Nous sommes les humbles successeurs de ceux qui, dès 1876, parlèrent au nom de ces communards.

Évidemment, nous avons cité Victor Hugo. Résidant à Bruxelles au moment de la répression, il y accueillit tous les réfugiés parcourant toute l’Europe.

Vient ensuite Gambetta, à partir de 1876. Il a une vision plus politique car il est à la tête d’un pays à la recherche de son unité, au temps de l’exode rural et de l’industrialisation. La France est fracturée par cet épisode haineux qui a eu lieu en 1871. Il doit permettre à la République de se reconstruire, à la nation de se réconcilier, mais aussi au pays de se réunir, sous les mêmes valeurs, les mêmes intérêts. Il faut montrer une République sage, modérée, mais qui s’empare des valeurs d’émancipation et des progrès sociaux permis par l’industrialisation et le développement démocratique.

La Commune est un épisode révolutionnaire, social et urbain, dans une France rurale qui doit retrouver son unité républicaine. Les lois d’amnistie font partie de celles qui instaurent la République dans le paysage français, ce que l’historien Maurice Agulhon appelait « la République au village » : ce sont les lois relatives à l’école obligatoire, laïque et gratuite, les lois en faveur de la liberté de la presse, les lois qui obligent chaque commune à construire les lieux représentant les valeurs de la République, à savoir les mairies et les écoles.

Nous sommes ici non pas pour refaire l’histoire mais pour continuer à dire ce combat pour les valeurs. Les quatre points de la résolution que nous votons aujourd’hui nous rappellent notre devoir universel et intemporel de républicains français, inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il s’agit évidemment de reconnaître des travaux d’historiens, et ainsi de reconnaître l’oeuvre de raison et de vaincre l’obscurantisme, les préjugés, les jugements sans recul. Cette reconnaissance trouve acte dans les programmes d’histoire, notamment dans les nouveaux programmes de collège, qui ont pour thèmes la IIIe République, la condition féminine au XIXe siècle, bref, l’histoire de l’émancipation.

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