Intervention de Anne Hidalgo

Réunion du 23 novembre 2016 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Anne Hidalgo, maire de Paris :

Vous avez raison. Mais la Commune a conforté la volonté du pouvoir central de ne pas donner la possibilité au peuple de Paris d'élire un maire, car c'était considéré comme dangereux... De ce fait, nous avons une organisation particulière dans un certain nombre de domaines. Certaines compétences relèvent de l'État alors que, dans beaucoup d'autres villes, elles relèvent de la municipalité.

En matière de compétences, notre objectif a été simple : nous rapprocher le plus possible du droit commun des autres villes, à une exception près - la police municipale.

Nous avons un débat sur ce sujet avec nos collègues de l'opposition parisienne qui, elle, est favorable à la création d'une police municipale. Pour ma part, je ne souhaite pas aller jusque-là car je pense, a fortiori dans le contexte de menace terroriste que nous vivons, que l'organisation de la coopération entre ville et préfecture est aujourd'hui satisfaisante.

Même si l'on se rapproche du droit commun pour certaines polices spéciales, liées par exemple à l'insalubrité, Paris reste la capitale de la France, et abrite de nombreuses institutions, nationales ou internationales. Une grande part, pour ne pas dire l'essentiel, de l'activité de la police nationale est concentrée sur la vigilance que requiert la présence de ces grandes institutions, qu'elles soient politiques, économiques ou médiatiques. Si je n'ai pas voulu aller jusqu'à créer une police municipale, c'est que je pense que ce statut de capitale de la France nous amène à travailler en étroite collaboration avec la police nationale.

Au cours des années 2015 et 2016 qui ont été particulièrement difficiles, cette collaboration avec la préfecture de police – comme avec le Parquet sur les aspects terroristes – a constitué un atout. Nous avons organisé l'Euro 2016, qui fut une grande réussite : chacun était à son poste et chacune des institutions – qui auraient pu avoir tendance à être en compétition – a dialogué avec l'autre sans rencontrer de difficulté.

La coproduction et la coopération sont organisées de façon très claire, à partir de la subvention que la ville verse à la préfecture de police. Cette subvention importante, proche de 300 millions d'euros, finance la part de l'activité de la police nationale qui a une incidence directe dans la vie et la sécurité des Parisiens. En revanche, j'ai souhaité que certaines polices spéciales, qui sont aujourd'hui du côté de l'État, que ce soit à la préfecture de région ou à la préfecture de police, reviennent du côté de la ville – avec, bien sûr, des transferts des personnels.

Il en sera de même des compétences en matière de circulation et de voirie. Nous sommes une ville, je suis décentralisatrice – comme Pierre Lellouche – et j'estime que le maire doit pouvoir assumer et décider sur ces sujets-là.

La question des compétences constitue donc le deuxième axe de ce projet de loi. Reste le troisième, à savoir la question des arrondissements et de l'organisation territoriale de Paris.

Avant même les élections de 2014, le Conseil constitutionnel avait été consulté sur la répartition des conseillers de Paris en fonction de la population des arrondissements, sur l'équilibre et la justesse de la représentation des élus parisiens. Prenez le plus petit arrondissement de Paris, le 1er arrondissement, qui compte 17 000 habitants ; il y a cent cinquante ans, il en comptait 150 000, tandis que le 15e arrondissement, qui était alors naissant et comptait à peine 15 000 habitants, en a aujourd'hui 235 000 !

Le Conseil constitutionnel a été de nouveau consulté lorsque nous avons eu à décider de la représentation du conseil de Paris, donc des Parisiens, au sein de la Métropole du Grand Paris. Il a formulé un certain nombre d'avis, que nous avons bien sûr retenus, notamment sur la question de la représentation des Parisiens en fonction de l'arrondissement dans lequel ils résident.

Nous avons souhaité travailler à un regroupement. Plusieurs hypothèses étaient possibles. Certains pouvaient imaginer un jeu de « chamboule-tout », consistant à découper les arrondissements, supprimer les frontières actuelles et ne pas respecter les limites des quartiers. Nous n'avons pas du tout fait ce choix. Nous avons fait un choix pragmatique, guidé par l'idée de regrouper plusieurs arrondissements – comme on l'a fait à Marseille ou à Lyon – sans que cela ait d'incidence sur les équilibres politiques et démocratiques de la ville.

Plusieurs hypothèses ont été étudiées par le groupe de travail qui a réuni l'ensemble des groupes politiques de l'Hôtel de ville – du moins ceux qui l'ont souhaité.

On pouvait, par exemple, se donner pour but – par exemple en regroupant le 8e arrondissement avec le 9e ou le 10e – d'aboutir à des arrondissements de taille à peu près identique. On pouvait aussi adopter une attitude plus mesurée, en se bornant à prendre en compte une certaine réalité, à savoir l'unité du coeur de Paris, constitué des 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements. D'ores et déjà, une partie de la vie démocratique et culturelle s'organise de façon regroupée dans ces arrondissements : autour d'un conservatoire commun ; autour de grands projets, comme celui des Halles, qui concerne ces quatre arrondissements et qui a donné lieu à la consultation de leur population. Il y avait donc une logique et une réalité qui justifiaient que nous travaillions sur cette hypothèse, qui est celle que je défends et que je présente.

Je sais qu'il y a, ici et là, des velléités d'aller plus loin. Mais si l'on s'attaque à d'autres arrondissements, à d'autres regroupements, on risque de toucher aux équilibres politiques de la capitale, et ce n'est pas du tout ce que nous souhaitons. D'ailleurs, le Conseil d'État lui-même, dans un avis très explicite, considère que le regroupement que nous défendons est un « plus » démocratique pour la représentation des Parisiens.

Si la loi est votée, ces quatre arrondissements deviendront autant de secteurs, et les habitants garderont naturellement leur code postal. D'ici à 2020 – date de la prochaine élection municipale – nous travaillerons avec les habitants, pour que la qualité du service de proximité soit au rendez-vous.

Avant de répondre à vos questions, je voudrais aborder un dernier point, auquel Jacques Chirac, Jean Tiberi, Bertrand Delanoë et moi-même avons toujours été très attachés : l'unité et le statut de Paris. Au moment où l'on fait la métropolisation, Paris doit garder l'unité de son statut. Celle-ci ne doit pas être mise en échec par les transferts de compétences envisagés entre mairie centrale et mairie d'arrondissements.

L'unité de Paris tient à un certain nombre d'éléments : la collecte de l'impôt, qui se fait à l'échelle de la commune, c'est-à-dire Paris ; le statut du personnel de la ville de Paris, qui est un statut parisien, et non un statut d'arrondissement.

D'autres éléments, importants à rappeler, n'empêchent pas la déconcentration. D'ailleurs, nous proposons le transfert d'un certain nombre de compétences supplémentaires aux arrondissements. Mais l'unité est pour nous un repère, comme elle le fut pour mes prédécesseurs.

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