Intervention de Claude Goasguen

Réunion du 23 novembre 2016 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Goasguen :

… mais entre la loi sur les collectivités locales et le statut de l'arrondissement, actuellement inexistant, il y a ce que l'on appelle en droit public la personnalité morale – que reconnaissait le premier projet de loi de Gaston Defferre. L'arrondissement avait été reconnu comme entité juridique n'ayant pas, bien entendu, la totalité du pouvoir de la collectivité locale – notamment sur le plan fiscal – mais, n'ayant pas non plus le statut que nous connaissons, celui dans lequel l'arrondissement est res nullius. Si vous saviez, madame la maire, ce que c'est qu'être maire d'arrondissement aujourd'hui, compte tenu de la gestion de votre municipalité et de votre administration – très compétente, d'ailleurs –, vous vous apercevriez que je suis très souvent pris à partie concernant vos propres décisions car les gens considèrent souvent que le maire d'arrondissement et le maire de Paris, c'est la même chose ! Heureusement, j'ai un organe assez fort pour me distinguer, dans la presse et ailleurs, sinon nous serions considérés quasiment comme des adjoints – comme sous Jacques Chirac, qui leur en avait d'ailleurs donné le titre... J'ai quelquefois beaucoup de mal à expliquer que ce n'est pas moi qui suis responsable de la propreté dans mon arrondissement. Quand on lit avec attention ce qui se passe au sein du conseil de Paris, on s'aperçoit que la politique qui est actuellement mise en place n'est pas du tout la même que celle de Bertrand Delanoë. Celui-ci, dans les dernières années de son mandat, était réellement favorable à une décentralisation. Au contraire, nous sommes aujourd'hui aux prises avec une véritable recentralisation car, en réalité, les pouvoirs des conseillers d'arrondissement n'existent pas, par manque de moyens financiers et du fait du statut des personnels.

Parlons justement de ce statut. Vous n'hésitez pas à le modifier quand il s'agit du personnel communal ou du personnel départemental - vous allez d'ailleurs bien vous amuser quand vous découvrirez les différences de primes entre ces personnels... Cela prouve donc qu'en réalité on peut modifier un statut. Je comprends que vous ne veuillez pas le faire dans la mesure où les syndicats sont contre. Mais cela fait que nous assistons à une politique de centralisation.

Non seulement ce projet est centralisateur mais, en outre, il ne tient pas compte de la nécessaire ouverture de la capitale sur le Grand Paris. Je rappelle que le Paris actuel a été construit par Napoléon III et que le périphérique correspond parfaitement à la circonférence établie sous le Second Empire. Or, de l'eau a coulé sous les ponts depuis lors ! Paris est désormais une ville qui étouffe dans son périphérique. Cela ne veut pas dire qu'il faille supprimer Paris, mais que le problème du Grand Paris devient majeur. Ce Grand Paris ne se trouve pas dans la métropole. Vous nous dites que vous voulez, par la fusion entre le département et la commune, constituer un territoire, mais les autres territoires de la métropole ont 200 000, 250 000, 300 000, 730 000 habitants pour le plus peuplé d'entre eux – soit l'équivalent de trois arrondissements parisiens. Votre projet va donc entraîner la constitution d'un seul territoire de deux millions d'habitants face à douze territoires de 200 000 à 700 000 habitants. Je rappelle que le Grand Paris ne réunit que 3,5 millions d'habitants, quand le Grand Londres en comporte 10 millions. Il faudra donc, un jour ou l'autre, examiner la question du Grand Paris. À titre personnel, je ne suis pas hostile à une réforme de l'élection du conseil régional, car le Grand Paris va s'imposer au-delà de la métropole actuelle. L'élaboration de la loi NOTRe a été perturbée par des résultats électoraux imprévus, si bien que la Métropole est un peu bancale. Si la création de cette dernière est une bonne chose, Paris reste, à l'intérieur de son périphérique, centralisé voire hypercentralisé.

J'ai le sentiment que la loi que vous nous proposez, madame la maire, est provisoire et sera remise en chantier rapidement. La nécessité de concevoir un statut de Paris qui soit moderne et qui lutte à la fois contre la centralisation et contre l'étouffement de la capitale est tellement forte que si une nouvelle majorité parlementaire est élue, l'une de ses priorités sera probablement d'établir un nouveau projet, différenciant Paris de Lyon et de Marseille et conférant à la capitale une modernité qu'elle n'a plus. J'espère que le débat, que vous nous imposez aujourd'hui assez précipitamment et en fin de législature, aura lieu cette fois en début de législature et que nous pourrons y participer dans un meilleur esprit. Ma déclaration n'est pas contre vous, Anne Hidalgo – vous savez à quel point je vous estime : elle est favorable à la modernité de Paris et à son ouverture sur le Grand Paris, et vise à lutter contre la centralisation. Mais je serai peut-être plus virulent en séance publique… (Sourires.)

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