Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 29 novembre 2016 à 21h45
Sapeurs-pompiers professionnels et sapeurs-pompiers volontaires — Présentation

Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur :

ainsi qu’avec Catherine Troendlé, rapporteure du texte au Sénat. C’est là la preuve que, lorsque l’essentiel est en jeu, en l’occurrence la sécurité des Français et la défense de notre modèle de résilience, la représentation nationale se rassemble pour faire preuve d’unité et de responsabilité – et on ne peut que s’en réjouir. À mes yeux, c’est là une très belle marque d’estime et de reconnaissance pour les sapeurs-pompiers et pour l’action qu’ils mènent chaque jour pour nous protéger, pour sauver des vies, parfois même au péril de leur propre vie.

Depuis maintenant plus de quatre ans, le Gouvernement prend des mesures extrêmement ambitieuses pour conforter notre modèle de sécurité civile. Il l’a toujours fait dans le cadre d’un partenariat étroit, confiant et constructif avec l’ensemble de ses interlocuteurs institutionnels, syndicaux et associatifs.

Je remercie à cet égard le président de l’Association des départements de France, Dominique Bussereau, et le président de l’Association des maires de France, François Baroin, qui ont accepté de participer régulièrement à un comité des financeurs que j’ai créé en 2015 et dans le cadre duquel ont été prises de nombreuses décisions stratégiques pour l’avenir des services départementaux d’incendie et de secours. Je remercie également l’ensemble des organisations syndicales représentant les sapeurs-pompiers, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France et son président Éric Faure ainsi que l’Association nationale des directeurs de SDIS qui veillent à nous faire part régulièrement de l’état d’esprit de leurs collègues de terrain, de leurs espoirs et de leurs attentes. Ensemble, nous avons la volonté de faire progresser la sécurité civile en France.

En ce qui concerne les sapeurs-pompiers volontaires, qui assurent près de 70 % de l’activité opérationnelle, l’engagement national pour le volontariat signé en 2013 – Jean-Paul Bacquet y a fait référence – s’est concrétisé par la mise en oeuvre de vingt-quatre mesures facilitant le recrutement, la formation, la valorisation et la fidélisation des volontaires au sein des SDIS. Je veux croire en la dynamique de redressement du nombre de sapeurs-pompiers volontaires amorcée en 2014, après dix années de baisse continue. Si le nombre de sapeurs-pompiers volontaires a augmenté d’un peu plus d’un millier en 2014, je veux y voir le résultat de notre volonté commune d’atteindre cet objectif. C’est incontestablement le résultat d’un effort collectif, qu’il nous faut approfondir, amplifier et renouveler.

En ce qui concerne les professionnels, le Gouvernement a réformé, à partir de 2012, les catégories A, B et C de sapeurs-pompiers. Les filières du service de santé et de secours médical ont également fait l’objet de mesures de modernisation et de revalorisation des carrières, attendues depuis longtemps.

Pour tous les sapeurs-pompiers de France, nous avons développé des protocoles avec les forces de l’ordre pour prévenir et lutter contre les agressions et incivilités auxquelles ils font face quotidiennement. Je saisis cette occasion pour rappeler que, face aux provocations et aux violences, il n’y a qu’une réponse : la fermeté et la condamnation sans ambiguïté de cette atteinte aux hommes, aux femmes mais aussi aux valeurs qu’ils incarnent.

J’en viens à présent aux dispositions de la proposition de loi discutée ce soir. Je l’ai dit, celle-ci comporte deux réformes majeures pour les sapeurs-pompiers volontaires et professionnels.

La première est l’évolution du régime de la prestation de fidélisation et de reconnaissance servie aux sapeurs-pompiers volontaires après vingt années de service. Cette prestation a été créée en 2004 sur la base d’un système par capitalisation, auquel l’État contribuait chaque année à hauteur de 32 millions d’euros, les collectivités finançant le solde, chaque année plus important que l’année précédente, jusqu’à atteindre un montant de plus de 40 millions d’euros en 2015. En dix ans, ce sont 800 millions d’euros qui ont ainsi été épargnés sur un fonds qui ne décaisse qu’environ 1 % de cette somme chaque année.

Face au décalage exponentiel entre sommes cotisées et sommes effectivement reversées aux sapeurs-pompiers qui bénéficient de ce dispositif, l’ensemble des parties prenantes ont reconnu la nécessité de faire évoluer le dispositif en signant, en avril dernier, un pacte en ce sens. Ce pacte est traduit dans les dispositions de cette proposition de loi relative à la nouvelle PFR.

Je veux être extrêmement précis sur ce dossier techniquement complexe : le nouveau dispositif, qui repose sur le principe de la répartition, ne modifie ni les modalités de calcul des droits, ni leur montant, ni les conditions d’éligibilité. Il a été conçu pour permettre une continuité du versement des prestations aux bénéficiaires, sans aucune rupture de droits. La seule différence avec l’ancienne PFR est que les sapeurs-pompiers volontaires n’auront plus besoin de verser une cotisation de 57 euros par an pour bénéficier du dispositif.

L’État s’engage par ailleurs à contribuer à hauteur de 50 % au financement de la nouvelle PFR et la proposition de loi renforce les garanties de bon fonctionnement du régime grâce à la présence de l’État dans le conseil d’administration de l’association de la PFR, association qui aura par ailleurs une mission de contrôle de l’exécution du contrat confié au gestionnaire de la nouvelle prestation.

Pour les collectivités, ce dispositif rénové présente l’avantage de permettre des économies budgétaires conséquentes, de l’ordre de 40 millions d’euros par an sur leurs ressources propres, sans toutefois dégrader la qualité du service rendu aux sapeurs-pompiers volontaires.

C’est donc, mesdames et messieurs, une réforme particulièrement vertueuse et respectueuse des deniers publics qui vous est présentée ce soir. Cela compte dans un contexte où l’argent public est rare.

L’État a fait le choix – je veux être extrêmement clair sur ce point – de réinvestir en faveur de la sécurité civile l’intégralité des sommes économisées au titre de sa propre contribution au financement de la PFR, soit 32 millions d’euros. Je tiens par ces propos à sanctuariser cette position, non pas pour ce gouvernement mais pour tout autre qui pourrait lui succéder, quelle que soit sa sensibilité politique.

Le projet de loi de finances en cours de discussion sera amendé par le Gouvernement pour permettre l’inscription des crédits correspondants dans le budget du programme « Sécurité civile » porté par le ministère de l’intérieur.

Ces crédits permettront notamment de financer la création d’une nouvelle dotation d’investissement pour les projets structurants en matière de sécurité civile, abondée à hauteur de 25 millions d’euros en 2017.

Alors que notre pays est confronté à de nouveaux risques, à de nouvelles menaces, l’enjeu pour l’État est d’accompagner les services départementaux d’incendie et de secours dans les adaptations organisationnelles, technologiques et matérielles nécessaires pour relever ces défis. Dans un contexte où l’investissement des SDIS, notamment dans les moyens matériels dont ils ont besoin, ont diminué, la sanctuarisation de cet effort est une manière pour l’État de dire son engagement résolu.

L’une des priorités de ce fonds sera d’amorcer la création d’un nouveau système de gestion opérationnelle qui sera mis à disposition de l’ensemble des SDIS. Il facilitera la gestion des interventions courantes comme en temps de crise, favorisera l’interaction avec les forces de l’ordre et les acteurs médicaux. Le fonds accompagnera aussi la montée en puissance de capacités d’expertise et d’intervention nationales, sur des problématiques émergentes comme le secours à de nombreuses victimes en mer.

Les crédits anciennement affectés à la PFR serviront également à financer l’équipement et les interventions de la nouvelle réserve nationale d’experts de la sécurité civile dont j’ai annoncé la création en septembre dernier. Ces experts, mis à disposition des préfets sur des missions ponctuelles, apporteront leurs compétences en matière de gestion de crise et de retour à la normale et pourront également aider et conseiller les collectivités qui le souhaitent dans la gestion de problématiques complexes de sécurité civile. L’État pourra ainsi répondre mieux encore à une sollicitation récurrente des maires, souvent démunis face à l’ampleur de certaines crises.

Il s’agit là aussi pour le ministère de l’intérieur de réaffirmer sa volonté de voir l’État davantage engagé comme stratège dans la définition des grands dispositifs de sécurité civile qui ont besoin de la main de l’État, dans le respect des compétences des collectivités territoriales telles qu’elles sont définies notamment par les lois de décentralisation.

C’est grâce à tous ces dispositifs que l’État continuera à jouer le rôle qui est attendu de lui, celui de garant d’une réponse de sécurité civile efficace sur l’ensemble du territoire.

J’en viens à présent à la deuxième réforme majeure qu’introduit cette proposition de loi et qui concerne les sapeurs-pompiers professionnels.

Depuis près de quinze ans, les sapeurs-pompiers de France se voient promettre la création d’une catégorie A+ pour leur encadrement supérieur, afin que soient pleinement reconnues les responsabilités particulières qui leur incombent.

Les directeurs et directeurs adjoints des services d’incendie et de secours gèrent quotidiennement des établissements publics dont dépendent plusieurs centaines à plusieurs milliers de sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et personnels administratifs et techniques spécialisés. Ce sont des manageurs publics, à qui des budgets importants sont confiés, qui doivent avoir des compétences en matière financière, immobilière, dans le domaine des ressources humaines et des techniques d’information et de communication. On leur demande de travailler en coopération de plus en plus étroite avec les élus des conseils d’administration, le conseil départemental mais aussi les communes. On leur demande de conseiller les préfets et de coopérer avec les services de l’État, de développer des projets conjoints avec les associations agréées de sécurité civile. Surtout, ce sont des chefs de corps opérationnels, à qui l’on confie la vie de leurs hommes et celle de nos concitoyens. Quand un événement grave survient, à n’importe quelle heure, c’est eux qui prennent le commandement des opérations de secours sur le terrain et c’est sur eux que l’on compte pour conseiller les autorités sur les décisions vitales qui doivent être prises.

Rares sont les corps de métiers qui nécessitent une telle polyvalence, une telle disponibilité et qui comportent de telles responsabilités. Il est paradoxal de constater que, statutairement, on a longtemps refusé à cet encadrement supérieur la reconnaissance légitime qu’il attendait et les possibilités de carrière qui doivent en découler. Songez par exemple qu’aujourd’hui, le directeur du SDIS d’un département de plusieurs millions d’habitants n’a pas le droit à une mobilité dans le corps des administrateurs civils, ni dans celui des sous-préfets, ni dans une inspection générale, notamment au sein de l’inspection générale de l’administration. La fonction publique se prive de ces talents, décourage les meilleurs et dissuade les jeunes qui voudraient faire ce métier en leur refusant de vraies perspectives de carrière.

À mon arrivée au ministère de l’intérieur, ce dossier m’a été présenté comme un défi impossible à relever mais c’est précisément parce qu’il était difficile que nous avons décidé de le prendre à bras-le-corps et de le faire aboutir. Nous l’avons fait, nous tous, car sans la détermination des nombreux partenaires que j’ai cités en préambule de mon discours, rien de ce dont nous discutons ce soir n’aurait jamais été discuté devant la représentation nationale.

À l’heure où je vous parle, les dix-neuf textes réglementaires qui composent cette réforme ont été validés par les instances consultatives et ils seront examinés par le Conseil d’État avant la fin de l’année. Ce sont ces textes qui créent un concours d’entrée dans la nouvelle catégorie A+, qui prévoient une nouvelle formation adaptée aux enjeux opérationnels et managériaux de services d’incendie et de secours modernes et qui procèdent aux revalorisations indiciaires justifiées par ces enjeux.

La proposition de loi qui vous est soumise parachève ce dispositif par la création, en droit, des emplois fonctionnels de directeur et de directeur adjoint, auxquels elle garantit le maintien des avantages spécifiques aux sapeurs-pompiers, comme le bénéfice de la catégorie active.

Mesdames et messieurs les députés, en votant cette proposition de loi, vous ouvrirez une nouvelle page dans l’histoire de l’encadrement supérieur des SDIS.

Les autres dispositions de cette proposition de loi corrigent des situations qui se sont révélées, au fil du temps, problématiques pour le développement de notre modèle de sécurité civile.

Je ne veux pas m’y attarder, si ce n’est pour signaler que ce texte met fin, par exemple, à une interdiction véritablement absurde, faite à certains militaires retraités, de poursuivre leur engagement de sapeur-pompier volontaire, au motif qu’il ne peut être cumulé avec leur pension.

Le Gouvernement réaffirme que le volontariat n’est pas une activité rémunérée comparable à un emploi, que les volontaires ne sont pas des salariés et que l’engagement citoyen qui est le leur ne peut, en aucun cas, être assimilé à l’exercice d’une profession.

Et si nous devions, par facilité, nous mettre à substituer à des sapeurs-pompiers professionnels des sapeurs-pompiers volontaires en leur donnant tous les attributs du salariat, nous affaiblirions considérablement notre position devant les instances de l’Union européenne.

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