Intervention de Pierre-Yves Le Borgn'

Réunion du 29 novembre 2016 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Yves Le Borgn', rapporteur :

Depuis sa création en 1949 au début de la Guerre froide, l'Alliance atlantique est une alliance défensive fondée sur le principe d'assistance mutuelle entre ses membres en cas d'attaque armée contre l'un d'entre eux. L'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) a survécu à la guerre froide car elle a su se transformer et ajouter à sa mission de défense collective, les opérations de gestion de crise et de stabilisation, et établir avec les pays tiers des partenariats. Elle est progressivement passée de 12 à 28 membres, après l'adhésion en 2009 de l'Albanie et de la Croatie.

Le projet de loi visant à autoriser la ratification du protocole au traité de Washington sur l'accession du Monténégro présente un enjeu limité. Le pays a une superficie de 13 800 kilomètres carrés et une population de 620 000 habitants. Il compte actuellement 150 Français recensés comme résidents, mais leur nombre est vraisemblablement plus proche de 500 ou 600. Environ 50 000 Français s'y rendent chaque année.

Ce texte est cependant important, car les autorités monténégrines, que j'ai pu rencontrer, souhaitent leur intégration dans la communauté euro-atlantique. Il envoie en outre un message de paix, de stabilité et de développement dans la région des Balkans occidentaux qui, traversée par plusieurs lignes de fractures très anciennes, n'a que trop souffert au cours du passé.

Le Monténégro a une identité propre qui lui vient de son histoire. Il est devenu indépendant en 1878 à la faveur du recul de l'Empire ottoman, a été uni à la Serbie en 1918 et, à la différence des autres pays de l'Ex-Yougoslavie, il n'a pas repris son indépendance de manière conflictuelle au début des années 1990, mais plus tard, de manière pacifique, en 2006, à la suite d'un référendum.

Dès 2006, le pays a manifesté sa volonté de se rapprocher de l'OTAN, a franchi différentes étapes et le Sommet du pays de Galles a ouvert avec lui un « dialogue renforcé » en vue de permettre aux membres de l'OTAN de se prononcer avant la fin 2015 sur son adhésion.

Le Monténégro a aussi manifesté, dans le cadre d'une démarche distincte, sa volonté de rejoindre l'Union européenne. Les négociations ont été ouvertes en juin 2012, sur la base d'une « Nouvelle approche » reposant en particulier sur des exigences renforcées en matière d'État de droit et lutte contre la criminalité organisée.

Les élections législatives du 16 octobre dernier ont confirmé ces choix. L'adhésion à l'OTAN, notamment, a été un enjeu électoral fort. Le parti DPS de l'ancien Premier ministre, M. Milo Djukanovic, a remporté plus de 40 % des voix, mais n'a pas obtenu la majorité au Parlement. Un Gouvernement de coalition a été constitué par M. Dusko Markovic avec les alliés traditionnels du DPS, autour d'une majorité solide favorable à l'adhésion à l'OTAN. Cette adhésion divise en revanche l'opposition, qui a été de ce fait dans l'impossibilité de s'unir.

Le texte du protocole est un texte de facture classique qui n'appelle aucune observation. Si 13 pays l'ont déjà ratifié, la presque totalité des membres de l'OTAN devrait l'avoir fait d'ici la fin de l'année, à l'exception des États-Unis, du Canada, des Pays-Bas et de l'Allemagne, qui devraient le faire en 2017. Ensuite, le Gouvernement de M. Makovic fera ratifier le texte par la voie parlementaire.

Avec un budget de défense de 47 millions d'euros, soit 1,25% du PIB, et 1850 personnels, le Monténégro a des forces de défense à proportion de sa taille, mais il est contributeur à certaines opérations de l'OTAN, notamment à Resolute Support en Afghanistan, ainsi qu'à l'opération de l'Union européenne au Mali et à des opérations de l'ONU. La coopération bilatérale avec la France, régie par un arrangement de 2014, est en plein essor.

Les conséquences de l'adhésion du Monténégro à l'OTAN sont modestes. Sa contribution aux financements communs devrait être de l'ordre d'un million d'euros, soit 0,027%. Il n'y a aucun projet de base ou de stationnement de troupe étrangères. Géographiquement, la continuité côtière sera assurée sur la totalité du littoral adriatique.

Il faut être clair. Cette adhésion n'a aucune implication sur les autres pays candidats, ni ceux des Balkans occidentaux (Ancienne république yougoslave de Macédoine – ARYM ; Bosnie-Herzégovine), ni la Géorgie, dont l'entrée dans l'OTAN n'est pas à l'ordre du jour, car elle ne fait pas consensus. Elle n'a aucune implication non plus sur le cas spécifique de l'Ukraine, qui n'est d'ailleurs plus un pays candidat depuis 2010.

L'adhésion du Monténégro ne peut non plus être vue comme une forme de provocation vis-à-vis de la Russie. Cette dernière a une position de principe, qui est opposée à l'élargissement de l'OTAN. Elle l'applique aussi au Monténégro, invoquant des liens historiques et une solidarité slave quelque peu idéalisée, mais les autorités russes ont indiqué qu'elles respecteraient la décision du pays. Le choix euro-atlantique du Monténégro lui a coûté à peu près la moitié du volume des investissements russes. Dans les heures précédant le dernier scrutin, une étrange tentative de coup d'État a été déjouée et elle impliquait des personnes d'origine serbes. Il y a des inquiétudes russe et serbe, mais à l'opposé, une volonté monténégrine majoritairement exprimée le 16 octobre de voir le pays opérer ce choix euro-atlantique. Il y a quelques semaines, M. Djukanovic a d'ailleurs indiqué dans les médias russes que l'intégration de son pays dans l'OTAN n'était pas une marque d'hostilité vis-à-vis de Moscou, mais bien la marque de l'adhésion du Monténégro aux objectifs, aux principes et aux valeurs de la communauté euro-atlantique.

L'adhésion du Monténégro à l'OTAN est par conséquent un bon choix, pour l'ensemble de la région, du point de vue de la stabilité et de la sécurité. L'adhésion à l'OTAN peut représenter pour les pays qui le souhaitent une première étape en vue d'une adhésion à l'Union européenne non seulement pour la sécurité, mais aussi pour la construction de l'État de droit qui est le réel défi qui se pose aux pays des Balkans occidentaux.

Depuis son indépendance il y a dix ans, le Monténégro a oeuvré très utilement pour la paix dans cette région dont je sais qu'elle reste troublée et que la paix y reste fragile. Le pays entretient de bonnes relations avec l'ensemble de ses voisins, même si c'est un petit plus dur avec la Serbie en ce moment. Ses objectifs de politique étrangère sont calés sur ceux de l'Union européenne.

Dans cet esprit, l'adhésion du Monténégro à l'OTAN apparaît être de l'intérêt de la France et de l'Europe, et doit donc être soutenue.

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