Intervention de Élisabeth Guigou

Séance en hémicycle du 1er décembre 2016 à 9h30
Ratification du protocole au traité de l'atlantique nord sur l'accession du monténégro — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères :

L’intérêt de la France est que le Monténégro, comme tous les États des Balkans, se réforme et se stabilise durablement. Notre intérêt n’est pas que les Balkans soient à nouveau la proie de leurs vieilles querelles qui ont manqué de les détruire. Notre intérêt est qu’ils se modernisent et contribuent à notre propre sécurité, notamment en réduisant à néant les divers trafics dont ils sont encore le théâtre.

En deuxième lieu, il appartient principalement à l’Union européenne, comme le secrétaire d’État l’a souligné, d’accompagner les Balkans occidentaux sur la voie de la réforme et de la stabilité. Une perspective d’adhésion a été offerte à l’ensemble de ces pays en 2000 et, depuis l’adoption d’une « nouvelle approche » en 2012, l’Union met l’accent sur le renforcement de l’état de droit. Les négociations d’adhésion du Monténégro à l’Union européenne, ouvertes en 2012, permettent un suivi très étroit des progrès dans ce domaine, notamment s’agissant de la lutte contre la corruption, le blanchiment et le crime organisé.

Certes, je n’ignore pas toutes les difficultés qu’il y a pour l’Union à s’ouvrir à de nouveaux membres, compte tenu de la montée des populismes et de la multiplication des difficultés internes à l’Union. Mais nous ne pouvons pas renoncer à cette politique qui permet de sécuriser cette région et, par là même, d’accroître notre propre sécurité. Tout ce qui se passe dans cette région très proche a un effet quasi immédiat chez nous. Une récente visite que j’ai faite en Albanie m’a d’ailleurs permis de vérifier à quel point la politique européenne contribuait fortement au progrès de ces pays. Rappelons qu’en 2009, la commission des affaires étrangères présidée alors par Axel Poniatowski avait approuvé l’accession de l’Albanie à l’OTAN.

En troisième lieu, je veux souligner, après le secrétaire d’État, qu’il n’y a pas d’automaticité entre l’adhésion à l’Union européenne et l’adhésion à l’OTAN, mais cette dernière peut contribuer aussi à conforter les réformes et à stabiliser les Balkans occidentaux. C’est dans cette perspective, essentiellement, qu’il convient d’apprécier l’adhésion du Monténégro à l’OTAN. Elle est complémentaire, mais bien distincte, de la politique de l’Union, ce qui appelle un renforcement de la coopération entre les deux organisations comme le sommet de Varsovie l’a clairement affirmé. Le principal intérêt de la politique d’élargissement de l’OTAN dans les Balkans, et peut-être même le seul, est d’encourager les candidats à respecter les valeurs démocratiques et l’état de droit, et à entretenir des relations de bon voisinage avec leurs voisins. Le Monténégro s’est engagé dans cette voie. C’est une première raison d’approuver ce projet.

En quatrième lieu, cet élargissement, contrairement à d’autres, ne présente à mes yeux aucun risque stratégique sérieux.

Tout d’abord, le Monténégro, en dépit de ses liens réels avec la Russie, n’a jamais été intégré au territoire russe, ni pendant la période soviétique ni avant. C’est pourquoi les autorités russes ont exprimé leur opposition à cet élargissement, le rapporteur l’a rappelé, mais ont aussi déclaré officiellement qu’elles respectaient la décision des autorités monténégrines. Nous n’avons, me semble-t-il, aucune raison de douter de leur parole.

Lors des dernières élections législatives, ce sujet a largement occupé le débat. Les autorités du Monténégro ont insisté sur le fait que cette intégration n’était pas une marque d’hostilité à la Russie. L’opinion publique monténégrine semble largement acquise à cette entrée qui ne devrait être ni une source de conflit avec la Russie ni une source de conflit interne. Au contraire, on peut en attendre un renforcement de la coopération régionale, donc une consolidation de la paix dans une zone qui a été durement éprouvée dans le passé.

Enfin, nous devons aussi conforter l’unité des Européens au sein de l’Alliance atlantique. Cette décision a été prise par les Alliés lors du sommet de l’OTAN de Varsovie. Elle a été préparée depuis 2009 par le franchissement de diverses étapes saluées à chaque fois unanimement. Elle a été fortement souhaitée par nos alliés européens, en particulier par l’Allemagne.

En revanche, le sommet de Varsovie n’a enregistré aucune autre avancée quant à la politique d’élargissement de l’Alliance. Le recentrage de l’Alliance sur la défense collective et sur les mesures de réassurance n’a pas conduit les Alliés à stigmatiser la Russie comme une menace. Même si l’Alliance a clairement condamné les agissements de la Russie en Ukraine, la porte du dialogue avec la Russie reste, elle aussi, ouverte. L’ensemble des décisions prises au sommet de Varsovie est donc très satisfaisant et correspond à nos conceptions stratégiques.

Compte tenu de tous ces arguments, notre pays n’a donc aucune raison majeure de s’opposer à l’adhésion du Monténégro à l’OTAN. Au contraire, je crois vraiment que cette adhésion est conforme à ses intérêts.

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