Intervention de Alain Ballay

Séance en hémicycle du 1er décembre 2016 à 9h30
Extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Ballay :

Il est incroyable de devoir encore rappeler cela en 2016 ! Aujourd’hui encore, notre société exerce une forme de culpabilisation des femmes qui veulent avorter. Le sujet reste parfois tabou. C’est intolérable ! Personne ne doit pouvoir continuer à dicter ce que les femmes doivent penser ou ressentir.

Quelle société voulons-nous ? Nous voulons une société où les femmes se sentent libres d’avorter : c’est leur droit et leur décision. Cette décision doit être respectée : les femmes ne doivent en aucun cas ressentir de la culpabilité ou même de la honte ! Nous voulons une société où les femmes revendiquent leur droit la tête haute. Nous voulons une société où les femmes sont libres d’exercer leur droit tout simplement. C’est pourquoi, en 2014, nous avons voté la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui prévoit l’élargissement du champ du délit d’entrave permettant de sanctionner les actions visant à empêcher l’accès à l’information sur l’IVG.

Aujourd’hui, nous examinons une proposition de loi qui étend ce délit d’entrave à la diffusion d’informations en ligne induisant en erreur sur l’IVG dans un but dissuasif. Pourquoi cet élargissement est-il aujourd’hui nécessaire ? D’abord, nous l’avons rappelé, parce que le droit à l’avortement est un droit fondamental qu’il faut garantir.

Ensuite, parce que le monde évolue et qu’en 2016, le combat se mène sur internet : une entrave à l’IVG sur internet, c’est le même délit. En 2016, nous n’avons plus affaire à des commandos violents, comme dans les années quatre-vingt. Les anti-IVG ont changé de méthode : désormais, ils ont recours au discours lissé, biaisé, tronqué, à l’usage habile du numérique et au lobbying actif. Ces pratiques exerçant des pressions psychologiques et morales sur les femmes enceintes se multiplient depuis quelque temps.

Pourquoi devons-nous voter cette proposition de loi ? Aujourd’hui, si on tape le mot « IVG » sur Google, on a accès à des sites internet anti-IVG qui ne se déclarent pas comme tels. Au contraire, ces sites prennent l’apparence de la neutralité ou de sites institutionnels. Mais leur objectif pernicieux est de dissuader les femmes de recourir à l’IVG. Ainsi, le deuxième site qui apparaît dans la recherche Google publie, après une entrée en matière très neutre, des témoignages d’expériences dramatiques.

Je vous en donne un échantillon pour vous donner une idée de la teneur du propos quand les masques finissent par tomber : « Je le regrette tellement ! Je n’aurais pas dû faire ça pour mon copain, ni ma famille ! Alors, les filles, avant de faire une grosse connerie, réfléchissez ! » « Ma mère me fait rentrer sur ordre de je ne sais pas qui à l’hôpital et ils me font une IVG de force. Je hurlais que j’étais tout à fait normale, ils m’attachent au lit et font ce qu’ils ont à faire. Je me réveille vidée, au bout de ma vie et là, le tunnel noir commence. » C’est sidérant ! Comment tolérer ces discours ? Mot pour mot, je vous retranscris ce que, tous les jours, les femmes peuvent lire simplement en ayant tapé le mot « IVG » sur Google, alors qu’elles veulent réfléchir librement. Nous sommes en 2016 et ces pratiques sont indignes.

C’est indigne car il s’agit là de manipuler la détresse, d’exploiter le drame et des souffrances humaines. Le but ici n’est pas d’informer mais véritablement de tromper. Nous sommes dans la manipulation. Il s’agit avant tout de distiller insidieusement un discours anti-IVG – but qui n’est, bien sûr, pas affiché. Ces sites avancent masqués car leur objectif est de culpabiliser les femmes. L’objectif de ces sites, c’est de les dissuader de recourir à l’IVG : rien d’autre !

Cette proposition de loi n’a pour objet ni de sanctionner le délit d’opinion sur internet, ni de restreindre la liberté d’expression, ni de censurer une pensée.

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