Intervention de Stéphane Mayer

Réunion du 30 novembre 2016 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Stéphane Mayer, président du groupement des industries de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres :

Merci, Madame la présidente, de m'accueillir pour évoquer l'industrie de défense terrestre et le GICAT.

La défense terrestre constitue elle aussi, est-il besoin de le rappeler, une industrie souveraine et stratégique. L'actualité des opérations extérieures (OPEX) ou des opérations conduites sur le territoire national (OPINT) montre à l'envi que la lutte antiterroriste ou la guerre se gagnent au sol, en combat rapproché. Le nombre d'hommes et de matériels engagés dans ces opérations en est l'illustration.

Il s'agit d'une industrie très innovante et de très haute technologie ; des investissements en recherche et développement (R&D) sont consentis, de nouveaux programmes sont en cours de développement. Certains visent à remplacer des matériels très anciens, comme le véhicule de l'avant blindé (VAB) dont on vient de fêter les quarante ans. Mais il s'agit aussi de placer l'armée de terre dans une nouvelle ère de combat collaboratif, de protection des soldats, d'échange de données, bref, de projeter, dans le cadre d'un véritable bond technologique, notre armée de terre vers une capacité très supérieure. Bien évidemment, l'industrie y contribue, à travers notamment le programme SCORPION.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, il n'est pas inutile de rappeler quelques chiffres clés du secteur.

Le GICAT compte environ 200 adhérents. Parmi les grandes entreprises, figurent Thales, Safran, plus particulièrement sa division électronique et défense, MBDA, Airbus, dans ses composantes Airbus défense et Airbus Helicopters, ainsi que Nexter. Quelque 20 % des entreprises du groupement sont de taille intermédiaire, dont certaines très dynamiques, innovantes et en phase de croissance, dont Bertin Technologies ou ECA Group, notamment dans le domaine des robots. Mais notre groupement compte par ailleurs 70 % de PME, qui vont de la toute petite entreprise jusqu'à la PME engagée dans les technologies de pointe. Enfin, nos rangs comportent quelques instituts de recherche et groupements-associations.

Le GICAT représente la défense terrestre et aéroterrestre, comme en témoigne la présence d'Airbus Helicopters, mais aussi la sécurité, qui constitue le second pilier de notre groupement ; plus de la moitié de nos adhérents sont engagés dans les deux secteurs, du fait de la proximité entre défense et sécurité.

En croissance, le chiffre d'affaires du groupement et du secteur est passé de 5 milliards en 2014 à 5,8 milliards en 2015, dont 45 % à l'export ; autrement dit, cette industrie contribue au volume global des exportations de la France. Les secteurs d'activité se répartissent en 33 % pour l'électronique et les systèmes, 25 % pour les services, environ 25 % pour les véhicules blindés et l'armement et 18 % pour l'aéroterrestre.

Les prises de commandes pour 2016 ont atteint 5,5 milliards d'euros, dont 2,8 milliards à l'export. Le groupe représente environ 20 000 emplois directs et, si l'on reprend les ratios habituels, autant d'emplois indirects – emplois pour la plupart hautement qualifiés, que ce soit en bureaux d'études ou en chaînes d'intégration et d'assemblage de véhicules complexes. Sans oublier le service qui, par nature, est tout à la fois qualifié et non délocalisable.

Le bilan des réalisations de l'actuelle loi de programmation militaire (LPM), qui couvre la période 2014-2019, est globalement positif ; nos industriels sont généralement satisfaits de la trajectoire suivie, et le projet de loi de finances (PLF) pour 2017 conforte ce sentiment.

Au cours des années 2014-2015, auront été livrés les derniers véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI), qui portent la capacité française à 630 véhicules, quatorze hélicoptères Tigre, et le système d'information et de combat (SIC) du programme SCORPION. L'effort se poursuit avec la livraison prévue d'équipements complémentaires pour l'armée de terre : sept hélicoptères Tigre, six NH 90 supplémentaires, 800 véhicules blindés légers (VBL) régénérés, et 11 000 fusils d'assaut « arme individuelle future » (AIF), en accompagnement du redimensionnement des forces opérationnelles terrestres à 77 000 personnes.

De son côté, le programme SCORPION est indispensable à la modernisation de notre armée de terre afin de faire face aux enjeux et conflits de demain.

Il s'agit d'un programme de remplacement de véhicules anciens, voire très anciens comme le VAB, par un des deux véhicules du programme SCORPION, le Griffon, le Jaguar, remplaçant pour sa part les AMX 10 RC et Sagaie, également vieux de plusieurs dizaines d'années. Qui plus est, dans sa première phase, le programme SCORPION prévoit la remise à niveau des chars Leclerc afin de les rendre compatibles avec les nouveaux outils de communication prévus.

Il s'agit donc d'un renouvellement, mais aussi de la projection de l'armée de terre dans une sphère de nouvelles technologies de combat collaboratif faisant appel à des communications en temps réel entre les véhicules ainsi que vers les postes de commandement. Demain, cette communication concernera les hélicoptères et les avions, à mesure que les éléments seront équipés d'outils de combat collaboratif : transmission vidéo de la situation, en temps réel, amélioration des capacités de décisions, outils d'aide à la défense des véhicules et de leurs occupants, moyens de détection des menaces, assistance à la mise en oeuvre des répliques, bref, tout ce qui projettera notre armée – et, à l'export, celles qui voudront bien s'en équiper – vers une nouvelle ère de modernité.

Il faut d'ailleurs au passage saluer l'action des pouvoirs publics, et singulièrement du ministère de la Défense, qui a permis la signature et la mise en oeuvre de ce programme en 2014, et souligner encore la très bonne qualité de la relation tripartite liant la direction générale de l'armement (DGA), l'armée de terre et notamment sa section technique qui contribue à faire valoir le point de vue de l'utilisateur, et l'ensemble des industriels impliqués, à commencer par les trois membres du groupement momentané d'entreprises (GME) constitué à cette occasion : Thales, Renault Trucks Defense et Nexter.

Le programme SCORPION représente un enjeu industriel important de six milliards d'euros de prise de commande, à l'origine de la création d'un millier d'emplois en phase de développement, et 1 700 emplois dans la phase de production. Ainsi le plan d'embauche net de l'entreprise Nexter s'élèvera à 180 personnes pour la seule année 2017, grâce à l'entrée en production prochaine du programme SCORPION et à quelques perspectives à l'export.

La livraison des véhicules, prévue sur quinze ans, commencera à la fin de l'année 2018 avec les trois premiers Griffon, durera jusqu'en 2033, ce qui signifie que les véhicules dont on vient de fêter les quarante ans auront cinquante-six ans ; ce qui n'est pas sans conséquence sur leur emploi et le coût de leur maintenance. Du coup, l'armée de terre, et son chef d'état-major l'a souligné, souhaite que le programme soit accéléré afin de raccourcir le délai de livraison. Ce qui répondrait à ses besoins opérationnels, lui permettrait de s'équiper plus rapidement et de disposer d'un parc plus homogène, de former rapidement ses personnels, mais aussi de réformer plus tôt des matériels dépassés et coûteux en maintenance.

Après avoir consulté les trois acteurs du GME, mais également les centaines de sous-traitants et PME impliqués dans ce programme, et sachant que les capacités installées étaient très supérieures à la cadence d'approvisionnement de l'armée de terre et aux prévisions d'exportations, les industriels ont répondu que, sous réserve de commandes et d'une certaine anticipation, l'ensemble des livraisons pourrait être terminé en 2026 plutôt qu'en 2033. Ce qui implique d'achever le développement, de commencer la montée en cadence — phase qui comporte une mise en route des chaînes assez complexes —, et au lieu de produire comme prévu de dix Griffon et deux Jaguar par mois, de parvenir à un doublement des cadences afin de raccourcir la durée totale de livraison.

L'impact sur le coût de MCO serait favorable : Nexter a ainsi estimé que le remplacement d'un AMX 10 RC par un Jaguar fait chuter de 30 % les frais d'entretien ; des gains pourront également être réalisés en matière d'obsolescence : des matériels comprenant un certain contenu civil afin de bénéficier de coûts de production moindres permettent de réaliser des gains supplémentaires s'ils sont livrés plus tôt.

Sans pour autant appeler de mes voeux une renégociation du contrat, je crois objectivement que produire plus d'équipements au même moment est gage d'efficacité industrielle, et probablement de compétitivité accrue. Toutefois, si le ministère de la Défense est d'accord et les industriels capables, les mêmes sommes d'argent, diminuées des coûts de MCO, devront être engagées et payées sur une période plus courte. Ce qui soulève évidemment une question d'ordre budgétaire qui reste à résoudre, compte tenu des autres besoins du budget de la Nation en général et de la défense en particulier.

Par ailleurs, il faut dès à présent préparer une étape 2 du programme SCORPION, et inscrire dans les prochains cycles quinquennaux de la LPM les travaux qui compléteront les équipements de l'armée de terre dans le programme SCORPION. Il s'agit de continuer à équiper des nouveaux standards de communication et d'échange de données les véhicules qui ne le seront pas, notamment les VBCI, qui, compte tenu de leur livraison jusqu'en 2015, ne sont pas équipés des radios CONTACT et autres systèmes embarqués sur les nouveaux véhicules.

Cette deuxième étape porte aussi sur les nouvelles technologies comme la réalité augmentée, l'intelligence artificielle équipant ces matériels, mais aussi sur la R&D dans le domaine de la robotique dont les résultats sont prometteurs, afin de compléter l'armement des véhicules terrestres habités.

C'est donc toute l'évolution de ces programmes qui doit être anticipée afin de préparer l'avenir.

Les évolutions constatées des années 2015 et 2016 dans le domaine du MCO correspondent aux attentes des industriels ; à cet égard, je tiens à souligner la qualité du dialogue établi entre la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT), le service de la maintenance industrielle terrestre (SMITer) et les industriels du GICAT qui y contribuent.

Les futures réflexions portant sur la programmation militaire devront prendre en compte trois nouveaux éléments dans le MCO : l'arrivée des nouveaux équipements, les contrats d'équipement prévoyant déjà un engagement des industriels sur les coûts de MCO pour les premières années, ce qui constitue un avantage pour le ministère de la Défense ; la remontée des activités d'entraînement dans le cadre du nouveau format de 77 000 hommes de la force opérationnelle terrestre ; enfin, dans le cadre de la réflexion stratégique de l'armée de terre et du plan « Au Contact », l'accompagnement par les industriels de l'évolution de la transformation du soutien voulue par les intéressés afin d'améliorer la coopération et la répartition des tâches entre la maintenance d'État et la maintenance assurée par l'industrie.

Par ailleurs, les ruptures temporaires de capacité, autrement dit les « trous capacitaires », doivent être comblées, compte tenu des arbitrages arrêtés au cours des années, voire des décennies précédentes, un certain nombre de programmes n'ont pas été lancés. Cette situation a conduit à devoir remplacer au plus vite des véhicules arrivés à bout de potentiel afin de maintenir nos capacités. C'est le cas des véhicules blindés légers (VBL), qui doivent être remplacés par un véhicule d'aide à l'engagement (VBAE), dont le programme a été repoussé à la deuxième étape du programme SCORPION, mais qui reste un besoin important pour l'armée de terre, des poids lourds de six tonnes, des engins de combat du génie, des capacités dans le domaine de la mobilité, du renouvellement des anciens canons automoteurs AUF-1 d'appui feu, qui pourraient avantageusement être remplacés en complétant le parc de CAESAR, sans oublier le rattrapage nécessaire dans le domaine des besoins en Command, Control, Computers, Communications and Intelligence (C4I).

Il faut enfin restaurer notre capacité d'aéromobilité et d'aérocombat avec le lancement d'un nouveau programme d'acquisition de systèmes d'armes d'hélicoptère léger de transport militaire autour du concept du H160 militarisé, proposé par Airbus Helicopters, le lancement d'une nouvelle version du NH90 pour les forces spéciales, et d'une nouvelle version du Tigre, dite standard 3.

J'ai évoqué la nécessité d'investir dans la recherche et technologie (R&T) terrestre ; l'industrie se réjouit évidemment du niveau d'investissement en études amont – 720 millions d'euros, plus les subventions ; toutefois, la part du terrestre est toujours minoritaire, avec 60 millions pour les études amont, soit 10 % du total. De l'avis du GICAT, cette part nécessite d'être renforcée afin de préparer SCORPION étape 2 et les briques technologiques nécessaires. Autrement dit, nous devons nous atteler aux programmes futurs afin de maintenir notre industrie et notre défense au plus haut niveau souhaité.

L'objectif souhaité par plusieurs groupements industriels de porter à un milliard d'euros le montant consacré aux études amont est pleinement soutenu par le GICAT, avec une demande particulière pour la R&T terrestre dont la part devrait être portée de 60 millions à 100 millions d'euros afin de développer des démonstrateurs pour SCORPION étape 2 et commencer à travailler sur ce qui viendrait après, c'est-à-dire les programmes futurs pour de la décennie 2030, autour des deux concepts appelés à remplacer le char Leclerc et le système d'artillerie CAESAR en France, mais également, puisqu'il s'agit de programmes franco-allemands, ouverts à d'autres pays européens, le char Leopard et le système d'artillerie Panzerhaubitze 2000 (PZH 2000) : je veux parler du futur système majeur de combat terrestre (Main ground combat system — MGCS) et du CIFS (Common indirect fire system), système d'artillerie du futur.

La dimension européenne de ces programmes a été inscrite dès le début de leur conception dans le dialogue franco-allemand et autour du rapprochement qui a donné lieu à la naissance du groupe KNDS (KMW + Nexter Defense Systems). Ce qui m'amène à conclure sur quelques enjeux européens et internationaux pour l'industrie de défense terrestre.

L'export de défense connaît une période exceptionnelle ; l'armement terrestre y contribue puisque l'export représente 45 % de notre chiffre d'affaires, soit 2,3 milliards d'euros sur un total d'exportation de 16 milliards d'euros. La part de l'armement terrestre dans l'export n'est pas majoritaire, mais il faut conserver à l'esprit que les matériels concernés ne sont pas toujours aussi complexes et coûteux que les équipements aéronautiques et navals.

Rapportés à nos effectifs, ces 45 % représentent 9 000 emplois directs ; l'export est donc tout aussi vital pour l'industrie de défense terrestre que pour l'industrie de défense en général.

Le secteur de l'armement terrestre en Europe a une caractéristique importante : il est encore extrêmement morcelé. Et compte tenu des restrictions d'accès à certaines technologies – je ne parle évidemment pas des technologies de combat collaboratif, de communication, de blindage ou de munitions intelligentes telles que celles que nous développons dans un programme comme SCORPION –, nous nous retrouvons, pour exporter un simple véhicule blindé, exposés à une concurrence extrêmement forte de la part d'un grand nombre de pays autrefois dits émergents, et dont l'industrie entre désormais dans la compétition. Certes, leurs produits n'ont peut-être pas le même niveau de qualité et de sophistication que les nôtres, mais ce sont tout de même des véhicules blindés… Et désormais, on en trouve du Turquie, en Corée ; même les pays du golfe Persique cherchent de plus en plus à faire émerger leur propre industrie.

Pour notre secteur terrestre comme pour toute notre industrie de défense, nous avons besoin de préserver notre compétitivité, nous avons besoin de conserver une supériorité technologique afin de convaincre nos clients que nos véhicules sont meilleurs que ceux de nos concurrents étrangers, et nous avons bien sûr besoin de l'implication et du soutien des pouvoirs politiques. Et nous l'obtenons, même s'il est évidemment fonction de l'importance des contrats. Or les contrats de l'industrie de défense terrestre sont, en moyenne, de moindres dimensions que les contrats de l'industrie navale ou aéronautique ; il n'en demeure pas moins qu'ils atteignent souvent plusieurs milliards. Nous avons besoin de tout le soutien du ministère de la Défense, de « l'équipe de France » à travers tous ceux qui coopèrent à nos programmes, de l'armée de terre pour tout ce qui touche à la formation et à l'assistance à l'emploi de nos véhicules, ainsi que de la DGA et de sa composante internationale pour nous soutenir, nous assister et mettre de place tous les liens nécessaires, au-delà du simple acte commercial.

Une des réponses au morcellement de l'industrie de défense et à son besoin de compétitivité, c'est la consolidation. Trois adhérents du GICAT sont déjà des groupes internationaux ; Thales est même un modèle un peu particulier, puisque d'ores et déjà très profondément et structurellement multinational et implanté dans plusieurs pays. Airbus Helicopters est depuis le début des années quatre-vingt-dix un groupe franco-allemand, et développe des programmes d'hélicoptères franco-allemands. MBDA, a commencé en 1996 en devenant franco-britannique et a progressivement étendu ses alliances et son implantation industrielle – et les programmes de missiles qui vont avec – dans quatre pays. En 2016, le traité franco-britannique a permis à MBDA de franchir un nouveau pas dans l'efficacité opérationnelle en créant les centres de compétence et la spécialisation des pays.

Dans le secteur des véhicules terrestres en revanche, l'industrie européenne est encore très en retard par rapport à ces mouvements qui ont commencé il y a vingt ans. À ce morcellement s'ajoute une multitude de programmes, conçus sur des bases nationales, numériquement plus faibles, et qui se font concurrence à l'export… On compte presque une dizaine d'engins de combat 8 x 8 en Europe, alors que, malgré plusieurs tentatives avortées, nous manquons de programmes communs destinés dès leur conception à plusieurs armées, qui aurait permis des rapprochements stratégiques.

Une exception toutefois mérite d'être saluée : le rapprochement opéré entre Nexter et l'industriel allemand Krauss-Maffei Wegmann (KMW), réalisé grâce à l'action déterminée de l'État, à l'époque actionnaire unique et toujours principal client de Nexter. KNDS, pôle de regroupement franco-allemand en premier lieu, entend aller plus loin et poursuivre une stratégie de consolidation industrielle en Europe : il a été conçu dès le départ, dans sa structure, son organisation et sa répartition des pouvoirs pour être capable d'accueillir d'autres acteurs.

Faut-il rappeler les avantages d'une consolidation industrielle ?

Le premier, c'est l'effet d'échelle pour les programmes : si deux pays parviennent à fabriquer le même hélicoptère, le même missile, le même avion de combat ou le même char, les coûts de développement, par simple effet arithmétique, s'amortissent sur des volumes de fabrication plus importants. Lorsqu'on fabrique 800 chars au lieu de 400, non seulement les coûts sont plus bas pour le contribuable et pour le budget de l'État, mais la compétitivité à l'export s'améliore.

L'effet de compétitivité et de taille permet aussi de créer des entreprises plus efficaces, de futurs champions face à une concurrence mondiale où évoluent de nouveaux arrivants, mais aussi des acteurs extrêmement puissants comme les Américains, qui, par la taille de leur marché national, ont des volumes beaucoup plus élevés. Lorsque nous les rencontrons sur les marchés à l'export, ou même en Europe, comme au Royaume-Uni, ils constituent des concurrents particulièrement sérieux.

L'effet d'échelle permet de maintenir dans le ou les pays concernés les compétences stratégiques indispensables à leur indépendance et leur stratégie de défense à un coût plus abordable. On peut essayer d'entretenir à grands frais des arsenaux dans un seul pays, mais ce sera beaucoup plus coûteux que d'imaginer de répartir ces compétences dans un ensemble plus grand et plus compétitif, à cheval sur plusieurs pays.

Le développement de programmes communs et d'équipements aussi proches que possible, voire identiques, entre plusieurs armées européennes, constitue un vecteur qui permettra à terme — ou dès à présent, en fonction des décisions politiques, comme le montre l'initiative franco-allemande dans le domaine des avions de transport — de réaliser des opérations plus efficaces, plus aisées, grâce à des matériels communs, mais aussi aux services qui vont avec : rechanges et chaînes logistiques de déploiement de matériel. C'est donc un pas ou un outil au service d'une future Europe de la défense.

Les programmes du futur char de combat ainsi que du futur système d'artillerie, qui s'inscrivent parfaitement dans cette stratégie, et pour lesquels KNDS est un candidat naturel, constituent une opportunité opérationnelle pour la France et l'Allemagne ainsi qu'une opportunité industrielle pour notre groupe. Cela suppose évidemment de résoudre quelques éléments qui ne le sont pas encore totalement, car les actionnaires ont décidé de commencer l'alliance sans attendre le programme ; il faut encore travailler à l'expression commune de besoins entre la France et l'Allemagne, et pourquoi pas, l'élargir à d'autres pays européens. Cela suppose aussi de travailler, autour de ce programme ou dans un cadre plus large, à une forme de convergence portant sur les capacités d'exportation de ces matériels en fonction des politiques respectives des deux pays. Pour l'heure, compte tenu des différences d'organisation de nos deux ministères de la Défense, un accompagnement politique nous semble nécessaire pour dynamiser et accélérer le dialogue entre les services français et allemands.

En réponse à votre question, Madame la présidente, j'indiquerai que la stratégie de consolidation européenne de KNDS ne doit pas s'arrêter aux deux acteurs Nexter et KMW. La structure a pour stratégie d'accueillir d'autres acteurs, soit dans d'autres pays, soit au sein de deux pays d'ores et déjà partenaires.

Il n'appartient pas au GIGAT de s'exprimer au sujet du projet de cession de parts annoncé par Volvo. Néanmoins, le groupement ne peut qu'encourager une solution de nature plutôt industrielle, qui renforcerait le secteur industriel terrestre français, notamment en liaison avec les programmes stratégiques que constituent SCORPION – dans lequel Renault Trucks Defense est impliqué – VBCI et CAESAR, auxquels Renault Trucks Defense participe également dans les domaines du maintien en condition opérationnelle, mais aussi de l'export.

Le GICAT encourage aussi cette stratégie de consolidation industrielle propre à conforter le secteur. A contrario, le GICAT ne souhaite pas l'irruption dans le paysage de l'industrie de défense française d'un éventuel concurrent étranger dans le secteur des véhicules de défense terrestre, susceptible d'entrer dans les programmes stratégiques importants sur lesquels Renault Trucks Defense travaille : CAESAR, VBCI et les véhicules Griffon et Jaguar du programme SCORPION. De même, le GICAT encourage des solutions de consolidation industrielle, plutôt que d'éventuelles solutions financières dont l'objectif serait la création de valeur et ne serait pas tourné vers l'industrie et nos clients. Je répète que le GICAT s'inscrit dans une logique de consolidation et privilégiera toute solution industrielle propre à renforcer le secteur industriel de défense terrestre français, comme cela a très clairement été indiqué par le ministre de la Défense devant l'Assemblée nationale au moment de l'annonce de ce projet de cession.

Je ne connais toutefois pas la position de chaque adhérent du GICAT ; Nexter, que je connais mieux, s'exprimera lorsque ce projet deviendra plus concret.

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