Intervention de Stéphane Mayer

Réunion du 30 novembre 2016 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Stéphane Mayer, président du groupement des industries de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres :

Deux de vos questions portent sur les PME. Au sein de la filière industrielle terrestre et du GICAT en particulier, les PME jouent un rôle très important. Elles représentent 80 % des membres du groupement et 10 % du chiffre d'affaires de la filière – 500 millions d'euros sur cinq milliards. Les donneurs d'ordres accordent beaucoup d'attention au développement de relations de qualité, car leur succès dépend de la pérennité, de la compétence, du succès et de la compétitivité de ces PME. Le pacte Défense-PME est une très bonne initiative, à laquelle Nexter adhère pleinement. Nous rendons compte régulièrement de la part occupée par les PME dans notre chiffre d'affaires d'achats et du respect des normes en matière de délai de paiement et de relations contractuelles équilibrées. Cette bonne initiative constitue un élément du succès de l'ensemble de la filière, et les PME le voient comme un outil de protection nécessaire contre les difficultés à exporter et les incertitudes liées à l'avenir — celles centrées sur le carnet de commandes, le financement et la trésorerie pèsent d'autant plus sur ces entreprises que leur taille fragilise. Il s'avère donc primordial que les plus grandes entreprises les fassent entrer sur les marchés étrangers et les aident à saisir toutes les opportunités de développement.

Les PME se montrent très dynamiques en matière d'innovation. Le GICAT joue un rôle fédérateur et a notamment créé une commission dédiée à la recherche et à la technologie, dans laquelle des acteurs de taille différente échangent sur leurs façons de coopérer et sur les priorités en matière d'études amont. Des PME innovantes développant des briques technologiques très intéressantes et des maîtres d'oeuvre gardant une capacité d'intégration et une vue d'ensemble participent actuellement à une étude portant sur les systèmes d'armes futurs, notamment le char de combat.

Effectivement, une PME est par nature financièrement plus fragile. Qui plus est, certaines banques commencent à faire preuve de réticences dans le financement des PME du secteur de la défense, à cause de certaines affaires retentissantes ayant eu lieu aux États-Unis et du comportement de certains acteurs des marchés financiers dans le domaine de la défense. Le financement est crucial pour que les PME innovent, produisent et exportent. Comme beaucoup d'entreprises manquent de capitalisation en France, je ne peux que saluer la création d'un fonds d'investissement qui viendra fédérer cette filière très éclatée. Que l'État et la DGA portent une telle initiative ne pourra que renforcer la filière de défense terrestre.

Je ne sais pas si le terme « inquiet » est approprié pour décrire notre sentiment vis-à-vis de l'évolution de la situation dans le Golfe : le royaume d'Arabie saoudite représente le troisième ou quatrième importateur mondial de matériel de défense, et comme les deux premières positions sont occupées par des pays, États-Unis et Chine, où les entreprises françaises ont peu de chances de remporter de grands contrats, le marché saoudien constitue pour nous un débouché important – il serait très préjudiciable de se priver des 45 % du chiffre d'affaires des membres du GICAT qui sont réalisés à l'export. Le Qatar est également un client important de l'industrie de défense française, avec des contrats signés et d'autres campagnes importantes en cours ; ce pays représente lui aussi un débouché industriel important, ainsi que des enjeux économiques et industriels majeurs : et nous parlons là des moyens de conserver notre outil de défense. Pour nos perspectives d'exportations, le Moyen-Orient s'avère l'une des premières zones du monde, aux côtés de l'Europe, où la compétition est rude avec les acteurs nationaux, et de l'Asie du Sud-Est. J'espère donc que les relations géopolitiques entre la France et les puissances du Golfe continueront d'offrir des débouchés à l'exportation pour nos industries.

La coopération bilatérale franco-britannique doit continuer en matière de défense malgré le Brexit, comme l'ont encore affirmé il y a deux semaines les deux ministres de la Défense, à l'occasion d'une rencontre tenue à l'ambassade du Royaume-Uni à Paris. Les deux pays sont très proches et développent depuis longtemps des programmes en commun ; des entreprises françaises – MBDA, Thales et Nexter – sont implantées au Royaume-Uni. L'entreprise que je dirige participe à un programme de canon franco-britannique qui équipera la France et le Royaume-Uni.

Le traité bilatéral avec le Royaume-Uni a renforcé l'efficacité de l'organisation industrielle de MBDA, ainsi que sa capacité à élaborer des programmes communs plus compétitifs et plus exportables. Il en est de même avec l'Allemagne, sachant que ce pays conduit parallèlement des coopérations bilatérales avec d'autres pays d'Europe. L'Italie, l'Espagne, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France ont les cinq plus gros budgets de défense en Europe, et les traités bilatéraux entre ces pays permettent de donner des outils et des moyens pour la consolidation de l'industrie de défense terrestre, aujourd'hui très morcelée. Les programmes communs et les accords d'exportation participent également de cet effort. La réussite des programmes communs de chars et d'artillerie entre la France et l'Allemagne nécessite la signature d'accords bilatéraux. Nous avons également le regard tourné vers l'Italie et nous nous demandons si la société Leonardo souhaitera s'inscrire dans un mouvement de consolidation. Les traités bilatéraux sont des outils souvent performants pour stimuler des programmes et la consolidation de l'industrie de défense : il est plus simple de se mettre d'accord à deux qu'à vingt-huit, surtout sur des sujets touchant à la souveraineté nationale.

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