Intervention de Jean-Michel Baylet

Séance en hémicycle du 14 décembre 2016 à 15h00
Statut de paris et aménagement métropolitain — Présentation

Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales :

Madame la présidente, messieurs les rapporteurs de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames et messieurs les députés, apporter davantage de clarté dans l’exercice des compétences, accomplir un pas supplémentaire en faveur de la décentralisation et de la déconcentration, voilà comment pourraient être résumés les objectifs de ce projet de loi, qui s’inscrit pleinement dans la lignée des lois de rationalisation et de simplification territoriales portées par le Gouvernement tout au long de ce quinquennat.

Ce texte est donc structuré en deux titres : le premier est consacré à la réforme du statut de Paris ; le second aborde les thématiques relatives à l’aménagement du territoire en instaurant de nouvelles métropoles, et traite des questions relatives aux transports et à l’environnement.

Le 9 novembre dernier, le Sénat a délibérément choisi, à mon grand regret, une attitude d’opposition systématique et a même transporté, au sein de l’hémicycle du Palais du Luxembourg, les querelles internes du conseil de Paris. Il en est donc résulté une profonde altération du texte initialement présenté par le Gouvernement. Le projet de loi que nous allons examiner ensemble, réécrit par la commission des lois, s’inscrit à nouveau dans l’esprit de la réforme voulue par le Gouvernement : je ne peux que m’en réjouir.

La réforme du statut de Paris ne peut se comprendre qu’en rappelant son histoire politique et administrative totalement inédite. Si la ville est aujourd’hui proche du droit commun municipal – et l’essentiel du projet que je porte ambitionne de l’en rapprocher encore davantage –, elle en est restée aux antipodes pendant près de deux siècles.

En effet, depuis la Révolution française et jusqu’aux années 1970, Paris est totalement sous la tutelle de l’État. Paris est en effet sous surveillance car elle est rebelle et le foyer de nombreuses insurrections. Le pouvoir s’en méfie donc – au moins depuis Étienne Marcel – et se garde de la doter d’une municipalité élue et autonome. Il privilégie la constitution d’un statut particulier, pour ne pas dire d’exception.

En 1795, la loi du 19 vendémiaire an IV divise la ville en douze arrondissements, dotés chacun d’un maire et de deux adjoints nommés par le Gouvernement. Paris est alors dirigé par le préfet de la Seine, titulaire à la fois des fonctions préfectorales et municipales, et par le préfet de police, responsable du maintien de l’ordre.

Sous le Second Empire, en 1859, la loi d’annexion des communes limitrophes élargit le territoire parisien, portant à vingt le nombre d’arrondissements. En 1871, la IIIe République naissante consacre l’élection des maires des communes de plus de 20 000 habitants et la loi d’avril 1884 affirme les libertés municipales. Cependant, ces avancées démocratiques ne s’appliquent pas à Paris, sans doute du fait de la proximité de l’épisode dramatique de la Commune. Les maires y demeurent nommés par décret du Président de la République et sont placés sous l’autorité directe du préfet de la Seine. Il n’y a ni conseil municipal élu, ni clause de compétence générale. Cette situation se maintiendra jusqu’aux années 1960, au cours desquelles l’État et les élus auront la même volonté d’amener Paris vers le droit commun. Paradoxalement, la ville connaît un statut inédit par la loi de 1964, qui définit Paris comme ville-département.

La loi de décembre 1975 supprime quant à elle la tutelle de l’administration préfectorale et prévoit l’élection du maire de Paris au suffrage universel direct, comme l’ensemble des maires de France. Le terme de « statut » disparaît et l’article 2 indique que la ville de Paris est régie par le code de l’administration communale, sous réserve de dispositions spécifiques. Paris devient alors une collectivité territoriale à statut particulier, le conseil de Paris exerçant les attributions antérieurement dévolues au conseil municipal, d’une part, et au conseil général de la Seine, d’autre part.

Puis, la loi « Paris-Marseille-Lyon » de 1982, inscrite dans les grandes lois de décentralisation conduites par Gaston Defferre, crée dans ces trois villes des arrondissements, qui serviront de cadre aux élections municipales. Les arrondissements, conçus comme des instances de médiation entre la population et la mairie centrale, n’ont pas réellement de compétence : leur rôle est essentiellement consultatif. Ils devront attendre 2002 pour que s’opère un véritable mouvement de déconcentration.

Mesdames et messieurs les députés, le projet de loi que je présente aujourd’hui poursuit cette évolution institutionnelle et historique, dont je tenais à rappeler les grandes étapes afin de mesurer le chemin accompli et celui qu’il reste à parcourir.

À cette fin, le titre Ier comporte quatre grandes orientations : la fusion de la ville et du département ; le renforcement des pouvoirs des maires d’arrondissement ; la création d’un secteur électoral unique formé des quatre premiers arrondissements ; et, enfin, le renforcement des pouvoirs de police du maire.

S’agissant de la fusion de la ville et du département, le texte met fin à la superposition, sur un même territoire, de deux collectivités : la commune et le département de Paris. Un tel dessein, que je qualifierai comme relevant du simple bon sens, souhaité par la chambre régionale des comptes, a d’ailleurs trouvé grâce auprès du Sénat : c’est dire s’il fait consensus !

Le maintien du département, s’il n’a pas d’existence réelle pour les citoyens, se traduit tout de même par des coûts supplémentaires. Le Gouvernement a donc engagé cette réforme qui facilitera la vie des Parisiens, des entreprises et des associations et qui, à terme, générera des facilités de gestion par la suppression des deux budgets et l’unification des procédures de marchés publics.

La nouvelle collectivité à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution, sera dénommée « Ville de Paris » et exercera les compétences de la commune et du département à compter du 1er janvier 2019.

Le deuxième axe vise le renforcement des pouvoirs des maires d’arrondissement, initié par la loi de février 2002. Il conforte cet échelon de proximité en étendant leur délégation de signature au directeur général adjoint des services ; en les associant à l’approbation des contrats d’occupation et en leur confiant la possibilité de les accorder, dès lors que leur durée est inférieure à douze ans ; et en leur permettant de délivrer des autorisations d’étalage et de terrasse dans leur arrondissement.

J’entends de-ci de-là dire que ces transferts seraient insuffisants. Le Sénat est allé encore plus loin : il a opéré un renversement de logique en donnant une partie des pouvoirs de la commune de Paris aux arrondissements, alors même que ces derniers ne sont pas dotés de la personnalité morale – au mépris, donc, du droit constitutionnel. L’examen par votre commission a permis de revenir à la philosophie du texte initial : c’était nécessaire.

Ce texte prévoit également la fusion des conseils des quatre premiers arrondissements avec la création d’un nouveau secteur électoral. Cette disposition est destinée à renforcer la capacité d’action du secteur fusionné en lui permettant de mener des projets à hauteur des enjeux de la zone centrale de Paris et de répondre aux attentes des citoyens concernés.

Depuis la division de Paris en vingt arrondissements, en 1859, la représentativité électorale des Parisiens et leurs attentes en termes de services publics ont évolué. Leur carte doit donc s’adapter.

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