Intervention de François Pupponi

Séance en hémicycle du 8 décembre 2016 à 15h00
Favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de la propriété — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous vivons effectivement un moment particulier tant pour la Corse, certains l’ont dit et j’y reviendrai, que pour la République.

C’est peut-être la première fois en quelques siècles que nous allons pouvoir aborder sereinement, sans passion, avec raison, la résolution d’un problème simple : celui du désordre foncier en Corse que, depuis 1801, la République n’a pas été capable de régler.

J’ai essayé de comprendre pourquoi nous n’avons pas su apporter collectivement une solution juridique satisfaisante pour résoudre une question douloureuse qui pèse sur l’économie corse, dégrade le foncier, ruine des villages entiers que le désordre foncier livre à l’abandon, et constitue l’un des principaux fléaux de l’île.

C’est peut-être parce qu’en 1801, André-François Miot, constatant le désordre foncier corse, a rédigé et publié ses fameux arrêtés visant à résoudre le problème par des mesures fiscales. Or, depuis plus de 200 ans, les uns et les autres n’ont pas imaginé d’autres solutions que les exonérations fiscales, ce qui a fait naître, comme l’a rappelé Paul Giacobbi, les fantasmes tenaces sur la volonté des Corses d’échapper à l’impôt ou sur leur désir d’échapper aux règles de la République.

Mais en quoi les Corses seraient-ils responsables du fait qu’en 200 ans aucune loi n’ait pu régler le problème ? Ils n’y sont pour rien si la République n’a pas su leur donner un cadre juridique.

Depuis quelques années, d’éminents juristes ne se lassent pas d’expliquer aux uns et aux autres que le problème vient non du droit fiscal mais du droit civil, que face à l’absence de titres sur les biens, il faut favoriser le titrage, que l’outil fiscal ne peut être au mieux qu’un moyen d’y parvenir, mais qu’il ne constitue pas la solution.

Il nous a fallu du temps pour que nous puissions l’entendre. Je salue l’initiative de Camille de Rocca Serra qui, avec d’autres, a déposé cette proposition de loi visant à mettre en oeuvre une solution simple. Favorisons le titrage. Profitons de la fiscalité pour le faire. Avec le temps, car on ne fait pas table rase de deux siècles en quelques mois, nous réglerons ainsi le problème.

Le Premier ministre Manuel Valls nous a entendus. Il a demandé aux élus de Corse – et il m’a fait l’honneur de m’associer à cette démarche – de trouver une solution consensuelle. La collectivité territoriale s’est saisie de ce sujet majeur pour l’avenir de l’île. Je salue la présence dans les tribunes des présidents Jean-Guy Talamoni et Gilles Siméoni.

Avec les élus de l’île, nous avons su trouver un consensus, ce qui était finalement assez simple. Monsieur le ministre, il a suffi de quelques minutes pour que vous tombiez d’accord avec nous, tant nous étions convaincus que les solutions étaient limpides et faciles à mettre en oeuvre, car elles étaient le fruit d’une réflexion partagée pendant des années.

Je vous sais gré d’avoir compris, dès que vous avez pris vos fonctions, l’importance de ce texte et son caractère symbolique. Les Corses ont été capables de se fédérer, de s’unir pour faire adopter une position consensuelle. Il faut le souligner : au cours de l’histoire, quand les Corses ont été unis et solidaires, ils ont rapidement convaincu leurs interlocuteurs que, dans l’intérêt de l’île, on peut trouver des solutions satisfaisantes.

Nous avons eu un débat sur le délai. Très vite, les élus vous ont fait part de leur opposition. Dix ans, cela peut paraître long, mais c’est aussi le temps nécessaire pour éviter que 200 ans d’histoire ne se répètent. Que représente ce laps de temps s’il permet enfin aux Corses de disposer d’un foncier titré, de sortir de l’indivision et, devenus propriétaires titrés de leurs biens, de mettre enfin en oeuvre des projets de développement grâce aux outils juridiques dont ils disposeront ?

Tel est le sens de la proposition de loi. Le fait qu’elle soit signée par l’ensemble des groupes constitue un beau symbole. Nous ne sommes pas très nombreux dans l’hémicycle, mais nous représentons chacun nos groupes.

Si nous votons ce texte, non seulement nous accomplirons une oeuvre majeure pour l’avenir de l’île, mais nous ferons aussi en sorte qu’après 200 ans d’errements, de balbutiements, d’erreurs, de faux débats et de fantasmes, la République ouvre enfin les yeux pour apporter une réponse satisfaisante à cette île qui nous tient tant à coeur.

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