Intervention de Laurent Marcangeli

Séance en hémicycle du 8 décembre 2016 à 15h00
Favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de la propriété — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Marcangeli :

Je salue tout particulièrement le travail de mon ami Camille de Rocca Serra, rapporteur du texte. Durant nos travaux, il a su mener une réflexion précise, experte. Il a été patient. Il a su faire bouger les lignes. Nous devons toutes et tous l’en remercier. Je tiens également à remercier Me Marie-Anne Pieri, ici présente, qui a été à ses côtés pendant la rédaction du texte.

Au-delà des parlementaires, cette proposition de loi est le fruit d’un travail collectif qui a rassemblé les forces vives et l’ensemble des élus de la Corse, de toutes les sensibilités. Elle a fait l’objet d’un consensus, consacré par le vote de l’Assemblée de Corse. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour saluer tous les élus de Corse présents à l’Assemblée nationale, ce qui prouve leur volonté de réussir et d’aboutir dans l’intérêt de tous et par-delà les clivages politiques. C’est un message que nous devons envoyer à nos concitoyens, qui nous ont confié les responsabilités que nous exerçons.

Je salue également Me Alain Spadoni et Louis Orsini. Les travaux qu’ils ont menés depuis de nombreuses années et leurs réflexions ont été précieux afin d’améliorer le texte.

Enfin, je remercie le Gouvernement, qui a été à l’origine de ce travail et qui a accepté de nous accompagner dans l’élaboration du texte. Tout à l’heure, monsieur le ministre, vous avez parlé d’un vote de sagesse favorable. Merci d’avoir accompagné de manière amicale la démarche que nous avons initiée.

La vie politique est parfois le théâtre de petits affrontements, souvent vains et stériles. Nous pouvons donc aujourd’hui nous réjouir d’avoir su faire prévaloir l’intérêt général, d’avoir su nous rassembler autour de ce texte. C’est pour moi, et ce sera à l’avenir pour l’ensemble des Corses, un grand motif de satisfaction. Toute la Corse parle d’une seule voix dans cet hémicycle : nous pouvons en être fiers.

Si la représentation nationale décide d’adopter ce texte, comme nous le souhaitons, nous pourrons mettre fin à un problème qui pèse lourdement sur notre territoire depuis longtemps. Il y a en effet, un peu partout dans notre pays, mais surtout en Corse et dans les territoires ultramarins, un certain désordre cadastral et foncier, dû à l’absence de titres de propriétés.

Cette situation représente pour nos concitoyens une source d’insécurité juridique importante ; elle a de plus un impact particulièrement négatif sur notre économie. Ses conséquences sont nombreuses : désertification de l’intérieur de notre île, délabrement de nos territoires ruraux, conflits dans les familles touchées par ces désordres, difficultés pour l’administration fiscale, dans le recouvrement de l’impôt. Vous l’aurez compris : il s’agit là d’un frein considérable au développement de tout un territoire.

Le Cap Corse, la Castagniccia, l’Alta Rocca, sont à ce titre particulièrement concernés. Mais les zones urbaines ne sont pas épargnées ; je pense, à cet égard, à la ville d’Ajaccio dont je suis maire. Les villes sont également touchées, avec les conséquences économiques et sociales que vous pouvez tous imaginer.

Par le passé, un certain nombre de mesures fiscales ont été prises, afin de tenter de régler cette situation de désordre. Force est de constater qu’elles n’ont pas produit les effets attendus : il faut donc, aujourd’hui, modifier le code civil pour préparer, dans les meilleures conditions, l’entrée dans le droit commun.

Cette proposition de loi a donc pour but de favoriser et d’accélérer la reconstitution de ces titres de propriété, ainsi que la résorption de l’indivision, grâce à différents dispositifs incitatifs de nature civile ou fiscale. Une partie de ces dispositifs concerne spécifiquement la Corse ; les autres sont de droit commun. Ils s’articulent autour de trois axes : rendre plus performant le processus de titrisation des biens dépourvus d’acte de propriété ; faciliter l’accomplissement d’actes de conservation et de gestion des biens ; adopter une fiscalité spécifique incitative.

L’article 1er vise à consacrer l’acte de notoriété acquisitive en inscrivant dans la loi une pratique qui ne faisait l’objet jusqu’ici que d’une circulaire. Il s’agit de sécuriser juridiquement – de manière temporaire, certes – une pratique à laquelle les notaires de Corse ont été encouragés depuis 1983, afin de faciliter cette reconstitution.

L’article 2 prévoit d’assouplir les règles de majorité requises pour l’accomplissement de certains actes. Un amendement sera défendu tout à l’heure pour le parfaire.

L’article 3, de nature fiscale, s’inscrit toujours dans cette logique de reconstitution des titres. Il s’agit de proroger pour dix ans une disposition prévue par le projet de loi de finances pour 2015, qui avait institué un abattement des droits de mutation à titre gratuit lors de la première mutation postérieure à la reconstitution d’un titre de propriété. Il s’agit aussi de rendre cette disposition plus attractive, en faisant passer le taux d’abattement de 30 % à 50 %.

L’article 4 vise, quant à lui, à proroger de dix ans l’exonération partielle, à hauteur de 50 % des droits de succession, sur les biens immobiliers situés en Corse. Il ne nous paraît pas possible, en effet, d’entrer dans le droit commun dès le 31 décembre 2017, alors que le GIRTEC n’a pas achevé son travail de reconstitution.

Enfin, l’article 5 prévoit l’exonération temporaire, pour une durée de dix ans, des droits de partage sur les actes de partage de succession des immeubles situés en Corse. Cette mesure vise, elle aussi, à desserrer les freins aux règlements successoraux, qui favorisent le maintien dans l’indivision.

Vous le voyez, mes chers collègues : il s’agit d’un texte à la fois cohérent et équilibré.

Il faut bien comprendre que cette démarche n’a en aucun cas pour but de conserver un privilège, comme certains cherchent – malheureusement – à le faire croire. Non, telle n’est pas la volonté des rédacteurs de ce texte ! Les Corses sont des citoyens et des contribuables comme les autres : nous l’affirmons ici avec force. C’est précisément pour cela qu’ils ont droit, comme les autres citoyens, à un traitement égal de la part des lois de la République. Rappelons-le : le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur traite de façon différente des situations que l’histoire, et nos lois, ont rendues différentes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion