Intervention de René Dosière

Séance en hémicycle du 8 décembre 2016 à 15h00
Autorités administratives et publiques indépendantes — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRené Dosière :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, la multiplication des autorités administratives indépendantes répond à une double préoccupation : protéger les droits et libertés du citoyen conformément à une aspiration grandissante face au poids de l’administration et au développement de certaines technologies et renforcer la régulation des divers secteurs de la vie économique ouverts à la concurrence dans le cadre préconisé par l’Union européenne. Ces instances, qui constituent des autorités et non des pouvoirs, peuvent émettre des avis, réaliser des médiations, résoudre des conflits, formuler des injonctions et, dans certains cas plus limités, prononcer des sanctions. Ni politiques ni judiciaires, ces autorités sont administratives et disposent d’une indépendance garantie, quoique relative.

Dans le rapport que notre collègue Christian Vanneste et moi-même avions publié sur ce sujet il y a quelque temps, nous insistions sur la légitimité et le périmètre des AAI dont le développement s’analyse comme un démembrement de l’État ou un encadrement du pouvoir législatif, voire un empiétement sur l’autorité judiciaire. S’agissant des libertés publiques, leur création résulte généralement de la volonté d’échapper au soupçon de partialité qui pourrait peser sur une administration très dépendante de l’exécutif. En matière de régulation de la vie économique, les AAI semblent constituer une réponse mieux adaptée et plus réactive qu’une administration trop souvent impuissante et lente. C’est dire que leur utilité est désormais démontrée ! Néanmoins, la multiplication des AAI doit à l’évidence être maîtrisée afin d’éviter les doublons inutiles et dispendieux. C’est pourquoi nous avions préconisé certains regroupements objectifs auxquels je demeure personnellement attaché.

La deuxième observation que nous formulions insiste sur le fait que, dans une période où l’argent public devient rare dès lors que la loi de finances a fait l’objet d’une modernisation profonde dans le cadre de la nouvelle constitution financière que constitue la loi organique relative aux lois de finances – LOLF –, les AAI ne sauraient échapper aux contraintes financières qui s’imposent aux administrations de l’État et à ses opérateurs. À cet effet, elles doivent rationaliser leurs moyens en fonction de leurs objectifs. La troisième observation consistait à déterminer comment garantir leur indépendance sans pour autant en faire un quatrième pouvoir. La réponse est claire : il convient de les mettre sous la protection du Parlement, par le biais de la nomination de leurs responsables en amont et d’un contrôle annuel en aval. Force est de constater, pour le regretter, que notre assemblée n’a pas toujours été en mesure d’assurer pleinement son rôle légitimement prééminent dans un régime démocratique. Le texte dont nous discutons aujourd’hui constitue cependant un progrès en ce sens.

Enfin, les deux types reconnus d’autorités administratives n’ont pas le même rapport au temps. La protection des droits et libertés revêt un caractère structurel pour la démocratie et doit bénéficier de la pérennité. En revanche, les autorités intervenant dans le domaine économique, a fortiori dans le cadre de l’ouverture des marchés à la concurrence, doivent jouir d’une souplesse adaptée à des situations conjoncturelles. C’est la raison pour laquelle il faut régulièrement, tous les cinq ans, procéder à une évaluation de leur utilité et, le cas échéant, remettre en cause leur existence ou leur fonctionnement. Les deux propositions de loi adoptées par le Sénat, ordinaire et organique, relatives aux AAI et API sont donc bienvenues. La proposition de loi ordinaire, qui a vocation à fixer leur statut général, affirme la compétence exclusive du législateur pour les créer, en fixe la liste dans une annexe et établit un socle de règles communes relatives à la déontologie de leurs membres et de leurs personnels ainsi qu’à leur organisation et à leur fonctionnement.

Elle est accompagnée d’une proposition de loi organique, nécessaire pour adapter les dispositions de rang organique découlant du statut général, notamment celles relatives aux modalités de nomination à la présidence de ces autorités en application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, et à certaines incompatibilités électorales et professionnelles. Les travaux menés au Sénat au cours de deux lectures et à l’Assemblée en première lecture ont permis de rapprocher les points de vue. En effet, trois articles de la proposition de loi organique et quinze des vingt-neuf articles de fond de la proposition de loi ordinaire ont déjà été adoptés conformes. Je souligne le travail important et efficace de notre excellent rapporteur, Jean-Luc Warsmann, pour harmoniser les points de vue divergents qui se sont exprimés et résister aux multiples pressions qui n’ont pas manqué de surgir.

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