Intervention de Pierre Morel-A-L'Huissier

Séance en hémicycle du 8 décembre 2016 à 15h00
Autorités administratives et publiques indépendantes — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morel-A-L'Huissier :

Madame la présidente, madame et monsieur les secrétaires d’État, monsieur le rapporteur, cher Jean-Luc Warsmann, mes chers collègues, ces deux propositions de loi, organique et ordinaire, relatives aux autorités publiques indépendantes et aux autorités administratives indépendantes reviennent en seconde lecture au sein de notre assemblée et je souhaite féliciter les deux rapporteurs, M. Warsmann à l’Assemblée nationale et M. Mézard au Sénat, pour leur excellent travail et leurs efforts de conciliation afin de faire aboutir ce dispositif ô combien essentiel pour notre démocratie.

Je souhaite brièvement rappeler que les autorités administratives indépendantes font partie de notre paysage institutionnel. Depuis la création de la CNIL en 1978, leur importance, tant quantitative qu’en termes de prérogatives, n’a cessé de croître. Il existe aujourd’hui plus de quarante AAI, qui forment une mosaïque aux contours flous et régissent des pans entiers des politiques publiques, dans des secteurs aussi divers que les marchés financiers, le numérique, les données personnelles, la bioéthique, l’audiovisuel. Elles jouent un rôle prépondérant dans l’administration publique depuis trente ans, sans qu’aucun corpus juridique ni déontologique commun ne soit venu clarifier le cadre de leur existence. Il était temps d’agir, d’autant que, dès 2001, le Conseil d’État, dans son rapport public, a alerté sur les raisons parfois confuses de la création de certaines autorités.

Ce glissement a été favorisé par plusieurs lacunes. La première est l’absence d’un statut général s’appliquant à toutes les AAI et fixant des règles précises de création de ces autorités. Actuellement, si les AAI sont souvent créées ex nihilo par la loi, elles sont parfois reconnues comme telles a posteriori par le juge administratif, le juge constitutionnel, ou même la doctrine.

Par ailleurs, il n’y a pas de règles de déontologie communes à l’ensemble des AAI ni de définition claire des incompatibilités qu’implique l’appartenance à ces entités. Pourtant, la raison d’être de plusieurs d’entre elles est de réguler un secteur donné de la société, sur lequel elles exercent une autorité non négligeable.

Enfin, il n’existe pas non plus de règles de fonctionnement des AAI. Cette dernière lacune a été pointée du doigt par la commission d’enquête sénatoriale sur les autorités administratives indépendantes, qui a intitulé son rapport « "Un État dans l’État" : canaliser la prolifération des autorités administratives indépendantes pour mieux les contrôler », lequel a conduit au dépôt des deux propositions de loi au Sénat. Clarifier les règles de gestion des finances et du personnel ne serait en effet pas inutile.

Nous avons aujourd’hui une occasion unique de combler ces lacunes, et le chemin parcouru en deuxième lecture au Sénat nous donne toutes les raisons d’espérer un dénouement positif. À ce stade, un large consensus a été trouvé sur des points clés du dispositif : le principe de création d’une liste limitative des AAI et des API, la prévention des conflits d’intérêts, le renforcement des règles de transparence.

En revanche, il nous faudra trouver un point d’accord sur certaines questions qui restent en suspens : la liste précise des AAI, à laquelle a été réintégré en commission des lois le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires ; la liste des autorités dont la nomination du président est soumise à un contrôle parlementaire, dont M. le rapporteur a souhaité retirer l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, la Commission d’accès aux documents administratifs et la CNIL ; les régimes d’incompatibilité du mandat au sein d’une AAI ou d’une API, où il apparaît nécessaire de rétablir l’incompatibilité avec les fonctions de magistrat de l’ordre judiciaire.

Pour finir, je souhaite insister sur un aspect à mes yeux essentiel : en rendant réellement indépendantes les AAI et les API, ces textes nous permettent in fine de garantir le bon fonctionnement démocratique de nos institutions, en toute transparence. Or cette indépendance passe nécessairement par un contrôle rapproché du Parlement sur toutes les AAI : dans la mesure où ces dernières ne procèdent pas du suffrage universel, ce contrôle par la représentation nationale est la condition sine qua non de leur légitimité démocratique. Ce contrôle est d’autant plus important que certaines autorités disposent d’un pouvoir normatif important en tant que régulateur sectoriel et d’un pouvoir para-juridictionnel, puisqu’elles peuvent prononcer des sanctions. Leur indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif doit donc être étroitement surveillée.

Je souhaite que le débat qui s’ouvre aujourd’hui nous permette de finaliser les derniers ajustements, dans l’esprit de bonne intelligence et de conciliation qui a prévalu au sein des deux chambres depuis le début de l’examen de ces deux textes, et je fais confiance à Jean-Luc Warsmann pour nous éclairer jusqu’à son terme.

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