Intervention de Jean-Pierre Lacroix

Réunion du 30 novembre 2016 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Jean-Pierre Lacroix, directeur des Nations unies, des organisations internationales, des droits de l'homme et de la francophonie au ministère des affaires étrangères et du développement international :

Quant à l'efficacité des Nations unies, c'est un vaste sujet. Les Nations unies constituent un instrument dont l'activation ne peut être efficace que lorsque la volonté politique des États membres est au rendez-vous.

J'observe tout de même que les Nations unies ont obtenu l'année dernière deux succès dans des domaines importants. D'abord, l'accord de Paris : la France y a joué un rôle essentiel, mais dans le cadre de l'ONU, dont le secrétaire général nous a d'ailleurs apporté une aide décisive. Ensuite, les objectifs de développement durable figurant dans le programme adopté en septembre 2015. Celui-ci définit une stratégie mondiale pour le développement qui permet aux différents pays d'élaborer ensuite leur propre politique dans ce domaine en bénéficiant d'un suivi et de la garantie que leurs partenaires partagent leurs priorités, notamment les partenaires financiers et les grandes institutions financières internationales.

En outre, l'action des Nations unies a permis de résoudre plusieurs crises. En Côte d'Ivoire, l'opération onusienne quittera le territoire au début de l'année prochaine, car le pays a retrouvé la stabilité ; ce changement est lié à l'action de la France, mais celle-ci ne pouvait absolument pas agir seule – comme au Mali, pour des raisons politiques et de capacité. Le Libéria voisin a lui aussi connu une évolution positive ; la situation reste délicate, mais il va être possible de laisser partir les casques bleus et parler d'un succès, à l'aune de ce pays très fragile. Haïti, qui a de grandes difficultés, a néanmoins progressé considérablement, notamment grâce aux Nations unies. Le passé fournit bien d'autres exemples : l'Angola, le Cambodge, etc.

Je le répète, quand la volonté politique est là, quand les membres du Conseil de sécurité ou de l'Assemblée générale partagent un même objectif, les Nations unies peuvent être efficaces.

À quel point ? Il existe évidemment des lourdeurs bureaucratiques, des déficiences au niveau de la machine elle-même, des opérations de maintien de la paix, ou résultant d'un manque de coordination. Ce sera d'ailleurs l'un des grands défis qu'António Guterres devra relever – même si Ban Ki-moon a déjà fait des efforts pour moderniser la maison et les opérations de maintien de la paix – et cela fait partie de ses priorités.

Plus généralement, ses priorités seront celles que la réalité du monde lui imposera : les grandes crises que nous avons évoquées, non seulement au Moyen-Orient, mais en Afrique où, dans plusieurs cas, les Nations unies sont lourdement impliquées sur le terrain et conduisent de nombreuses opérations de maintien de la paix dont certaines n'ont plus d'orientation politique. Ce problème préoccupe beaucoup António Guterres, car il menace grandement les ressources et, à terme, la crédibilité des Nations unies.

La présence à la tête des Nations unies d'un secrétaire général fort, d'un interlocuteur qui sera reconnu comme crédible et utile par les chefs d'État et de gouvernement, peut représenter un véritable atout. Je viens de le dire : sans volonté politique commune, nous ne progressons pas dans le règlement des crises. Or le secrétaire général peut justement jouer, dans certaines limites, le rôle de go-between de luxe entre les dirigeants des principaux protagonistes des crises, grâce à sa connaissance approfondie des priorités de chacun et à la légitimité que lui confère l'organisation. C'est un aspect essentiel de son rôle, qui occupera certainement la majeure partie de son temps.

S'agissant des enjeux globaux, notamment le climat et le développement, ce qui compte pour lui est de réussir à donner aux Nations unies un rôle moteur dans la mise en oeuvre des décisions prises. La mission des Nations unies dans ces domaines consiste d'abord à aider les pays, surtout les plus faibles, à mettre en place les stratégies nécessaires pour atteindre les objectifs fixés, ensuite à mobiliser les acteurs non étatiques, la société civile, les entreprises. Le rôle de l'organisation résulte également de l'expertise de ses différentes agences, qu'il convient toutefois de bien utiliser et coordonner – c'est aussi un axe essentiel aux yeux du secrétaire général.

Une autre plate-forme, quasiment devenue le quatrième pilier des Nations unies – aux côtés de la sécurité, du développement et des droits de l'homme –, est le défi humanitaire que représente la crise des migrants et des réfugiés. D'abord, comment les Nations unies réagissent-elles à leur afflux ? Dans ce domaine, Guterres est particulièrement qualifié par son expérience à la tête du Haut Commissariat pour les réfugiés, et il a une réflexion très aboutie sur la nécessité de trouver de nouvelles sources de financement et de mieux connecter l'action en faveur du développement international et l'action humanitaire, beaucoup moins bien dotée. Cette idée se fonde sur le constat qu'à l'évidence, la situation de nombreux réfugiés est durable : les problèmes des populations de réfugiés qui existent depuis dix ou vingt ans, voire trente ans, doivent être traités comme des problématiques de développement. Guterres est le mieux placé pour préparer la transition nécessaire vers ce nouveau mode d'action.

Par ailleurs, la question des migrants et des réfugiés a fait l'objet de deux réunions internationales qui se sont tenues aux Nations unies en septembre. La première, organisée à l'initiative des Américains, visait à obtenir des contributions au financement et à l'accueil, notamment. La seconde, qui a eu lieu à l'Assemblée générale, avait pour but de lancer la préparation de textes internationaux et de pactes sur la question. L'idée est d'essayer de déterminer des stratégies internationales consensuelles à ce sujet : il ne s'agit pas de réécrire le droit international humanitaire, mais de faire en sorte que les États du monde s'accordent sur une stratégie pour traiter les différents aspects de cette crise, à l'horizon de deux ou trois ans à partir de septembre 2016. Nous allons naturellement apporter à cette entreprise une contribution résolue.

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