Intervention de Arnaud Richard

Séance en hémicycle du 10 janvier 2017 à 15h00
Débat sur les politiques publiques en faveur de l'accès aux droits sociaux

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales – chère Catherine –, mes chers collègues, l’accès aux droits sociaux fait l’objet d’un débat récurrent dans notre pays, ce que justifie son caractère crucial pour le maintien de la cohésion sociale. Parallèlement, le sujet du non-recours à des droits pourtant légitimes questionne le coeur même de notre politique sociale, l’effectivité, voire la pertinence de nos politiques publiques. Sur ce thème si difficile, je tiens à saluer le travail remarquable réalisé par nos collègues Giselle Biémouret et Jean-Louis Costes au sein du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques et la qualité de leur rapport.

Vivre dignement est une exigence qui se trouve au coeur de notre modèle républicain et c’est pour cette raison que notre société a développé, au fil des décennies, des mécanismes de solidarité. Il est de la responsabilité de chacun d’entre nous que les personnes frappées par les aléas de la vie puissent être accompagnées et recevoir de quoi subvenir à leurs besoins.

Pourtant, dans ce domaine plus qu’ailleurs, madame la secrétaire d’État, il ne suffit pas d’énoncer une mesure pour que celle-ci soit concrètement appliquée. Alors que de nombreux dispositifs sociaux sont mis en place, beaucoup de ceux auxquels ils s’adressent n’y ont pas accès et continuent de vivre dans la précarité.

Pourquoi certaines personnes ne demandent-elles pas à bénéficier des aides auxquelles elles sont pourtant éligibles ? Cette question cruciale doit nous alerter, sachant que, pour un certain nombre de prestations sociales, le taux de non-recours peut dépasser les 30 à 40 % évoqués par Giselle Biémouret et atteindre, par exemple dans le cas de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, 65 % ou 70 %.

Déficit d’information, complexité d’accès, le non-recours tient à de nombreux facteurs et ce n’est pas un phénomène récent. Comme le précise le rapport de nos collègues, la prise de conscience de l’absence d’automaticité de l’accès aux droits sociaux a émergé il y a plusieurs années au sein de la Caisse nationale des allocations familiales. Malgré les quelques études consacrées au sujet, on sait en définitive peu de choses sur le taux de recours aux minimaux sociaux. Ceux-ci ne sont jamais évalués sous l’angle de leur performance – je sais que le mot peut choquer, mais je l’emploie dans un sens positif –, pas plus dans le projet de loi de finances que dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il est regrettable que l’État ne soit pas capable de dire quelle est l’efficacité des importants crédits alloués à ces prestations qui, je le rappelle, sont passées de 17 à 24,5 milliards d’euros entre 2008 et 2014, soit une progression de plus de 43 % en euros courants.

Aussi, on ne peut que rejoindre les auteurs du rapport quant à la nécessité d’une évaluation annuelle du non-recours pour chaque prestation, et surtout de son coût. Nous ne le dirons jamais assez, le non-recours ne permet pas d’économiser de l’argent ; bien au contraire, il coûte très cher, comme en témoigne, par exemple, l’augmentation de la fréquentation des urgences hospitalières.

Une fois ce constat posé, quelles sont les pistes à retenir pour assurer l’effectivité de l’accès aux droits ?

Les rapporteurs l’ont rappelé, le manque d’information est une réalité, liée principalement au fait qu’il revient au citoyen de s’informer de ses droits et non à l’administration de les détecter et de les activer. Or, si les « non-demandeurs » ont des profils divers, ils ont un trait commun : la vulnérabilité sociale. Il est donc essentiel de sensibiliser les différents acteurs, notamment les élus locaux, aux enjeux de l’accès au droit et d’approfondir la formation des travailleurs sociaux. Aujourd’hui, les discours suspicieux sur la fraude sociale et l’assistanat occultent le sentiment d’humiliation, voire la honte qu’on éprouve quand on doit franchir la porte d’un service d’aide et présenter à un agent administratif les justificatifs prouvant qu’on est désormais un pauvre. Pour accompagner ces procédures, il nous faut développer une information simple et non stigmatisante à destination en priorité des personnes les plus défavorisées.

Depuis longtemps, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants propose la création d’une allocation sociale unique qui soit modulable, contrôlable et plafonnable. Aussi nous ne pouvons que soutenir la proposition des auteurs du rapport de revoir l’architecture des minima sociaux et de mettre en place des prestations plus générales.

Sur ce sujet ambitieux, espérons que les prochaines échéances électorales seront l’occasion de confronter les différents points de vue.

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