Intervention de Bernard Deflesselles

Séance en hémicycle du 11 janvier 2017 à 15h00
Débat sur les négociations internationales relatives au changement climatique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Deflesselles :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous me permettrez d’adresser un clin d’oeil à mes complices, Jérôme Lambert et Arnaud Leroy, avec lesquels, depuis quelques années, nous commettons ces rapports sur les négociations internationales.

Une question nous interpelle aujourd’hui : où en sommes-nous après les COP de Paris et de Marrakech ? Les points positifs de l’Accord de Paris ont été rappelés : un excellent travail diplomatique de la France ; un excellent travail du ministère de l’environnement ; une adhésion quasi-totale de plus de 180 pays sur les 194 de la communauté internationale ; une vraie prise de conscience au niveau mondial ; une ratification rapide, ce qui n’était pas forcément attendu.

Il faut également relever ses points faibles : en examinant la somme des INDC – Intended nationally determined contributions –, qui sont, dans le langage onusien, les feuilles de route que chaque pays a bien voulu faire remonter au niveau national, le réchauffement ne serait limité que de 3 ou de 3,5 °C. Nous sommes donc très loin de l’objectif des 2 degrés voire des 1,5. Par ailleurs, malheureusement, le traité n’est pas contraignant juridiquement. Il y a peu de contrôles et, évidemment, pas de sanctions. C’est un problème qu’il nous faudra régler.

À Marrakech, la COP22 avait pour ambition de mettre en oeuvre l’Accord de Paris. Si l’on a noté quelques avancées sur l’organisation de cette mise en oeuvre, deux objectifs importants n’ont pour l’instant pas été atteints : l’obligation de revisiter très vite ces INDC – l’urgence ne nous permet pas d’attendre 2023 – et celle de sécuriser les financements, ce qui n’a été fait qu’en partie. Nous sommes en effet très loin des 100 milliards de dollars par an en 2020, puisque le rapport de l’OCDE, même s’il a été fort contesté, n’en annonce, peu ou prou, que 67. C’est un résultat mitigé. Il va nous falloir redoubler d’efforts à Bonn, lors de la COP23.

Aujourd’hui, le taux de CO2 continue d’augmenter. En 2016, cela représente 41 milliards de tonnes. En 2030, ce sera, si nous ne faisons rien, 55 milliards de tonnes. Or, pour limiter l’augmentation de la température en dessous de 2 ° C, il ne faut pas dépasser 41 à 42 milliards de tonnes. L’écart est donc très important.

Par ailleurs, il y a eu un record de chaleur en 2016, qui a été l’année la plus chaude depuis 1880 – première année où des relevés internationaux ont été effectués. Les seize dernières années ont également été les plus chaudes depuis 1880.

Pour avoir une vision claire de l’état des négociations internationales, il faut observer les positions des États-Unis, qui produisent 15 % des émissions. M. Trump a fait des déclarations pendant sa campagne électorale ; maintenant, il passe aux actes, c’est-à-dire aux nominations, et ce sont des nominations de climatosceptiques : M. Rick Perry, secrétaire à l’énergie, voulait supprimer ce ministère ; M. Scott Pruitt, qui sera le patron de l’Agence américaine de protection de l’environnement, attaquait celle-ci en justice il y a quelques mois ; M. Ryan Zinke, responsable des réserves naturelles au ministère de l’intérieur, est favorable aux forages et aux pipelines de tous genres ; M. Thomas Pyle, auteur du programme énergétique de l’administration Trump, a également été nommé. Voilà la réalité, mes chers collègues ! Ce sont ces nominations, et non plus les déclarations en campagne électorale, dans lesquelles il nous expliquait que le problème venait de la Chine qui voulait combattre les entreprises américaines.

Ils ne préparent rien de moins que l’abrogation des décrets Obama, qui imposaient des limites aux émissions des voitures et aux centrales électriques, la relance des centrales au « charbon propre » et explorent les voies légales pour pouvoir se retirer de l’Accord de Paris.

On nous explique que cela n’est pas possible avant quatre ans, mais il existe bien une possibilité : sortir de la convention des Nations unies. Si par malheur les États-Unis en sortaient, ils pourraient se retirer de l’accord de Paris sous un an ! Voilà la réalité des faits. Nous devons donc être de la plus grande vigilance.

En conclusion, je ne me dirai ni pessimiste ni optimiste ; simplement réaliste. Depuis une quinzaine d’années, on observe une vraie prise de conscience au niveau international ; mais, bien qu’universelle, elle a du mal à se traduire dans les faits. La route est longue, mais la pente est rude !

1 commentaire :

Le 12/01/2017 à 12:36, Laïc1 a dit :

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Quand l'Amérique de M. Trump aura pris quelques mégas cyclones dans la figure dûs au réchauffement climatique, il finira bien par changer d'avis... Quand il aura compris que le coût des destructions est plus élevé que les gains engrangés par les lobbies du pétrole de schiste et autres, il reviendra vite à la raison.

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