Intervention de Clotilde Valter

Séance en hémicycle du 19 janvier 2017 à 9h30
Création de l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes — Présentation

Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, l’année 2017 constitue un tournant important pour l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes. Depuis 1946, l’AFPA n’a cessé d’agir au service des politiques de l’emploi et de la formation, que ce soit dans les moments difficiles – comme celui de la reconstruction – ou dans les périodes au cours desquelles la montée du chômage a fait émerger des problématiques et des enjeux nouveaux pour cet établissement. Elle est reconnue pour ses compétences, pour son expertise, mais aussi pour le rôle qu’elle a joué – et qu’elle joue encore – afin de garantir l’égalité d’accès aux qualifications, y compris pour les personnes les plus éloignés de l’emploi et de la formation, et ce quel que soit le territoire.

Fragilisée par la décentralisation de la formation professionnelle et par son ouverture à la concurrence, l’AFPA s’est trouvée confrontée à des difficultés majeures à la fin des années 2000, notamment en 2010. Convaincu de la nécessité de disposer, dans les territoires, d’un opérateur public au service de tous permettant aux personnes qui en ont le plus besoin d’accéder à la qualification, à la formation et de revenir vers l’emploi, le Gouvernement a choisi, depuis 2012, d’accompagner l’évolution de l’AFPA afin qu’elle puisse répondre aux enjeux actuels et, en s’appuyant sur ses points forts, assurer un service public au bénéfice de la collectivité nationale. C’est cette transformation qu’opère l’ordonnance du 10 novembre 2016, que le Gouvernement vous propose de ratifier en adoptant le présent projet de loi.

Le projet du Gouvernement s’appuie sur un constat : pour des raisons tant économiques que juridiques, il est indispensable de faire évoluer en profondeur le statut de ce qui est, depuis l’origine, une association.

Tout d’abord, on constate une déstabilisation du modèle économique de l’AFPA – j’ai évoqué les difficultés rencontrées par l’association et les évolutions très importantes qu’elle a connues dans les années 2000 et au tournant de l’année 2010. Ainsi, la compétence des conseils régionaux en matière de formation professionnelle a été progressivement renforcée, avant de devenir exclusive : ce transfert de compétence a rendu difficile, voire impossible la poursuite du mode de financement antérieur de l’AFPA, dont les recettes étaient presque exclusivement constituées de crédits budgétaires de l’État. De même, la nécessité pour les prestataires de services de formation de respecter le droit de la concurrence a placé l’AFPA au même niveau que ses concurrents – une évolution à laquelle elle n’était pas préparée, c’est le moins qu’on puisse dire.

Par conséquent, l’AFPA a subi des pertes de parts de marché et une réduction de son chiffre d’affaires. À partir de 2009, elle a connu une période très difficile de déséquilibre financier croissant qui a fini par menacer son existence même. À la fin de la précédente législature, l’AFPA était au bord du défaut de paiement, sans vision stratégique et sans perspective ni espoir de redressement, ceux qui étaient députés à l’époque s’en souviennent.

À ces considérations économiques, se sont ajoutés des impératifs de nature juridique qu’il ne faut pas négliger car ils ont une place très importante, nous aurons l’occasion d’en reparler. Puisque, au sein de cette structure, se conjuguent des activités relevant du domaine concurrentiel et des missions de service public – que l’État doit financer et auxquelles le Gouvernement, vous l’imaginez, attache une importance considérable –, il était important de distinguer entre les deux. La transformation de l’association en établissement public industriel et commercial – EPIC – permettait précisément de résoudre cette difficulté en distinguant clairement les missions de service public des activités soumises à la concurrence, qui relèvent des filiales.

Une fois posé le constat de l’impossibilité du statu quo, le Gouvernement a décidé, pour ne pas laisser péricliter l’AFPA, de s’engager de façon extrêmement ferme, forte, déterminée dans un processus de transformation profonde, qu’il a accompagné depuis 2012, en plusieurs étapes, avec le souci de maintenir le potentiel humain et technique, le savoir-faire et les valeurs de l’AFPA, au service des politiques de formation dans notre pays. Je veux rappeler l’absence de signal positif de la part des pouvoirs publics à l’égard de ce formidable outil et de ces personnels, entre 2009 et 2012, période particulièrement difficile, vous vous en souvenez. En 2012, prenant résolument le contre-pied de la majorité précédente, qui avait mené droit aux difficultés, le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault, sur la proposition de Michel Sapin, alors ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, s’est résolument engagé, pour les raisons stratégiques que je viens d’évoquer, dans ce processus de transformation et a affirmé sa volonté de développer un projet pérenne permettant la refondation de l’AFPA.

Cette démarche a été confortée au plan juridique par la loi du 17 août 2015, portée par François Rebsamen, qui inscrit l’AFPA dans le périmètre du service public de l’emploi, en pleine cohérence avec les objectifs politiques du Gouvernement. Elle lui confie des missions de service public et autorise le Gouvernement à engager le processus de transformation de l’association en EPIC.

L’ordonnance du 10 novembre 2016, vecteur de cette transformation, constitue l’aboutissement du processus d’accompagnement de l’État. Elle est le fruit d’un long travail d’expertise juridique, économique et immobilière, du dialogue social interne à l’AFPA, d’échanges avec les acteurs de la formation, ainsi que d’échanges intenses – je tiens à le souligner, et nous y reviendrons – avec la Commission européenne afin de construire un projet en conformité avec le droit européen.

Le positionnement de l’établissement public au sein du service public de l’emploi repose sur une définition extrêmement claire des missions de service public, financées par l’État à hauteur de 110 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2017.

Ces missions sont décrites dans deux articles complémentaires de l’ordonnance.

Le premier réaffirme la compétence historique de l’AFPA comme acteur de la politique de certification et le sens même de son utilité sociale dans la lutte contre les inégalités d’accès à la formation, qu’elles soient sociales, territoriales ou encore liées au genre, nous ne voulons pas le négliger.

Le second identifie, parmi les missions de service public déjà présentes dans le programme d’activité de service public de l’association, celles dont le développement revêt une importance clé dans le monde d’aujourd’hui pour la compétitivité de notre économie et la réponse aux besoins de formation des personnes, lesquels s’inscrivent, ne l’oublions pas, dans le développement économique de nos territoires : une mission d’incubateur des formations aux nouveaux métiers et nouvelles compétences ; une mission de veille et d’expertise pour anticiper l’évolution des besoins en compétences ; une mission d’appui au conseil en évolution professionnelle, dont vous connaissez, vous qui avez voté la loi du 5 mars 2014, l’importance pour accompagner les personnes qui en ont le plus besoin pour définir leur parcours personnel de formation.

Les autres activités de l’établissement ne bénéficieront pas de dotations de l’État et s’exerceront dans le cadre de deux filiales : l’une consacrée à la mission de service public concurrentiel de formation des demandeurs d’emploi ; l’autre, à la mission de formation des salariés. Conformément au droit commun, ces filiales relèveront pleinement du droit des sociétés.

Les conventions et accords collectifs applicables avant la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance s’appliqueront à l’ensemble des personnels de l’établissement. Il est en outre prévu de négocier une convention collective permettant la constitution d’une unité économique et sociale, dotée d’un comité central d’entreprise commun à l’établissement et à ses filiales.

Outre la définition des missions de l’établissement et la clarification apportée sur celles qui relèvent du service public non concurrentiel, celles qui relèvent du service public concurrentiel et celles qui ne relèvent pas du service public, l’ordonnance fixe les modalités de gouvernance. Dans le respect du quadripartisme, au coeur de la loi du 5 mars 2014, mais aussi de la nature de l’établissement public, placé sous la tutelle de l’État, le conseil d’administration associe dix-huit représentants de l’État, huit représentants des conseils régionaux, huit représentants des partenaires sociaux et deux représentants des salariés de l’EPIC, ainsi que quatre personnalités qualifiées. Il est dirigé par un directeur général, nommé après avis du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, le CNEFOP. La première directrice générale a été nommée en conseil des ministres le 7 décembre dernier et a pris ses fonctions au 1er janvier 2017, date d’entrée en vigueur du statut d’établissement public.

Enfin, l’ordonnance règle la question du patrimoine immobilier de l’AFPA en organisant les conditions du transfert vers l’EPIC, lors de sa création, de biens de l’État utilisés jusqu’à présent par l’AFPA. Ces dispositifs se sont concrétisés par la dévolution, au 1er janvier, de 116 sites de l’État vers l’EPIC, en conformité avec les exigences posées par la Commission européenne. Cette dévolution permettra à l’EPIC d’assurer une présence sur tout le territoire, comme le nécessite l’exercice de ses missions de service public, j’y insiste.

En plus de ces 116 sites, l’EPIC continuera à exercer son activité dans ceux placés sous un statut juridique différent ; ceux-ci pourront ainsi mieux s’inscrire dans les projets stratégiques qu’ils définiront.

L’ordonnance soumise à la ratification du Parlement est donc un texte équilibré, solide, respectueux des compétences des conseils régionaux et des partenaires sociaux, pleinement inscrit dans le cadre quadripartite fixé par la loi de 2014 pour les politiques de formation, et conforme au droit européen de la concurrence, j’y insiste.

Le conseil d’administration de l’AFPA a approuvé la dissolution de l’association lors de sa réunion du 22 décembre 2016. L’EPIC a été officiellement créé le 1er janvier. Pour autant, beaucoup reste à faire pour le nouvel établissement, notamment la mise en oeuvre du processus de transformation, afin que le dispositif entre pleinement en vigueur.

Dans un cadre ainsi rénové, clarifié, il appartient à la direction de l’établissement et à sa communauté de travail de bâtir un projet de développement régional, site par site, région par région, et à l’échelle nationale. Dans la continuité de l’action engagée depuis 2012, le Gouvernement et l’État seront aux côtés de l’établissement pendant cette phase de démarrage et de consolidation à venir.

Le Gouvernement, je le souligne, n’a pas choisi la voie de la facilité mais celle d’une ambition stratégique, avec des objectifs politiques extrêmement forts, sur des missions de service public clairement définies, prenant en compte les valeurs et les acquis de cet acteur historique, qui a marqué l’histoire de la formation professionnelle et permis, on ne le rappellera jamais assez, à des personnes éloignées de la formation et de l’emploi de retrouver un parcours professionnel.

Nous avons confiance dans la solidité du modèle qui a été construit, comme nous avons confiance dans l’expertise et l’expérience des salariés de cet établissement, qui, grâce au présent projet de loi, entrent dans une nouvelle période et voient s’ouvrir de nouvelles perspectives, mieux adaptées à notre temps, aux enjeux économiques, sociaux et territoriaux du monde d’aujourd’hui.

Cette transformation est une opportunité considérable pour conforter la cohésion sociale et territoriale en matière de formation, réaffirmer le volonté de porter une attention à tous les publics sur tous les territoires, marquer la confiance de l’État dans ce nouvel opérateur contribuant au service public ainsi qu’à ses salariés, et se tourner maintenant vers l’avenir.

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