Intervention de Clotilde Valter

Séance en hémicycle du 19 janvier 2017 à 9h30
Création de l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes — Discussion générale

Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage :

Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie beaucoup pour vos interventions, dont je salue la qualité.

Je souhaite d’abord vous remercier, monsieur le rapporteur, pour la qualité de votre travail et la pertinence des questions que vous avez soulevées. Pour répondre à votre question, le dispositif prévoit en effet la possibilité, pour les régions, de subventionner les plateaux techniques dans le cadre du service d’intérêt économique général – SIEG – et de la mise à disposition de ces plateaux techniques pour les opérateurs de formation.

Monsieur Costes, votre intervention a certes soulevé des problèmes qui sont au coeur du débat, mais elle m’a paru présenter des contradictions. Vous avez salué la création de l’établissement public, vous avez indiqué que l’AFPA était un acteur incontournable de notre dispositif de formation, vous avez témoigné votre soutien aux personnels et à leur action dans les territoires, mais, dans le même temps, vous avez parlé de rendez-vous raté à propos du texte que nous vous demandons de ratifier.

Permettez-moi d’exprimer ma surprise, dans la mesure où tous les parlementaires qui se sont exprimés ont admis, comme le rapporteur l’a parfaitement expliqué, que le modèle économique de l’AFPA a été percuté par des transformations qui résultent de la décentralisation, laquelle, si mes souvenirs sont bons, est intervenue en 2004. De la même façon, l’avis rendu par le Conseil de la concurrence date de 2008. Ce n’est donc pas l’actuelle majorité qui était alors en responsabilité : c’en était une autre, dont vous êtes le porte-parole aujourd’hui. S’il était nécessaire de prendre des mesures, de faire preuve d’audace, de créativité et d’invention pour imaginer un nouveau dispositif, c’est bien au gouvernement et à la majorité de l’époque qu’il revenait de le faire.

Nous avons trouvé l’AFPA, en 2012, dans une situation tout à fait dramatique, puisqu’elle était au bord de la cessation de paiement, comme nous l’avons tous rappelé aujourd’hui. Depuis lors, les gouvernements successifs se sont attachés à redresser la situation de l’agence, notamment à travers l’engagement personnel de Jean-Marc Ayrault ; plusieurs textes ont été élaborés. Nous avons donc accompagné la transformation de l’AFPA qui, je vous l’accorde, n’est pas terminée, mais dans laquelle nous sommes tous engagés.

Par ailleurs, monsieur le député, vous posez la question de la gouvernance et de la place des régions. Je voudrais tout de même souligner que tout était ouvert. Le Gouvernement a fait le choix – je le revendique et le revendiquerai toujours – d’inscrire dans la loi et de défendre les missions de service public de l’AFPA. Un travail détaillé a été mené en ce sens, qui a été transcrit dans l’ordonnance. De ce point de vue, le Gouvernement a pris ses responsabilités jusqu’au bout.

Mais qu’est-ce qui empêchait les régions, qui en ont la compétence depuis les lois de décentralisation en matière de formation, de s’engager de la même façon que l’État et de confier au nouvel établissement public des missions de service public ? Rien, monsieur le député. À cet égard, puisque vous me poussez à m’exprimer sur ce sujet, je tiens à dire que je regrette profondément qu’elles ne l’aient pas fait : elles auraient tout à fait pu, au même titre que l’État, confier des missions de service public à l’AFPA, en accompagnant cette décision de subventions, comme le fait l’État. Cela aurait permis de garantir la pérennité de ces missions de service public.

S’agissant de la gouvernance, nous avons souhaité, dès le début, nous appuyer sur le quadripartisme, qui est aujourd’hui le cadre dans lequel s’exerce la compétence en matière de formation professionnelle dans notre pays. Et nous avons, dès le début, proposé une place aux régions. Un débat a eu lieu, dans lequel il ne m’appartient pas d’entrer, puisque le Gouvernement n’a pas à y prendre part, au sein de l’Association des régions de France, sur la pertinence d’une représentation des régions au conseil d’administration – question que vous avez vous-même soulevée dans votre intervention – dans la mesure où une partie de l’activité était soumise à la concurrence.

L’ARF a tranché cette question, et le Gouvernement a intégré au projet sa réponse, laquelle a d’ailleurs été formulée en deux temps : avant même la présentation de l’ordonnance, l’ARF a voté, le 5 juillet 2016, au CNEFOP, un texte qui prévoyait un accroissement de la place des régions au sein du conseil d’administration ; puis l’ARF a demandé d’accroître encore le nombre des administrateurs représentant les régions, qui est passé de quatre à huit. L’ARF a donc fait un choix et le Gouvernement, qui a échangé avec elle, l’a respecté. En ce qui concerne les missions de service public, je répète que, à titre personnel, je regrette la décision qui a été prise, car je pense qu’il y avait une place pour les régions. Nous n’avons pas saisi l’occasion ; j’espère qu’une autre se présentera à nouveau.

Vous posez, enfin, la question des sites et de l’immobilier, et vous estimez que, dans le dispositif que nous vous invitons aujourd’hui à valider, l’État ne respecte pas la compétence des régions.

Premièrement, je répète que, dans l’établissement public, tel qu’il est créé, l’État intègre les missions de service public qu’il finance. Les régions n’ont pas jugé utile de faire de même pour ce qui les concerne : libre à elles. Je respecte leur décision.

Deuxièmement, l’État apporte à l’établissement public une partie de son patrimoine qui équivaut à une dotation financière significative – de l’ordre de plusieurs centaines de millions d’euros.

Troisièmement, la loi prévoyait la possibilité, pour les régions qui le souhaitaient, de reprendre des sites installés sur leur territoire. En 2015, la région Basse-Normandie avait d’ailleurs, dans une délibération, décidé d’utiliser cette possibilité pour un site, mais le président de la nouvelle région Normandie est revenu sur cet engagement en 2016. Dont acte : libre à l’exécutif régional de prendre les décisions qu’il souhaite. La liste des sites transférés par l’État au nouvel établissement public a été rendue publique depuis le mois de juillet. Les régions avaient la possibilité d’engager avec l’État un processus de transfert des sites qui n’étaient pas dévolus et de les intégrer dans une stratégie territoriale. Un seul exécutif régional, que je souhaite saluer, s’est engagé dans ce processus, pour deux sites : celui de la région Bourgogne-France-Comté.

Vous considérez que l’État n’a pas respecté les régions mais, je le répète, l’État a pris ses responsabilités à l’égard de l’AFPA. Il a défini les missions de service public confiées au nouvel établissement et leur a affecté les financements correspondants – qui plus est, en les augmentant au passage, car ils s’élevaient jusqu’alors à 95 millions d’euros. Cela me permet de répondre à une question de Mme Fraysse : la dotation destinée à financer les missions de service public est votée chaque année par le Parlement, qui doit l’évaluer chaque année. La décision vous appartiendra donc, mesdames, messieurs les députés.

Je le répète, les régions avaient toute leur place dans le dispositif. Vous ne pouvez pas dire qu’elles n’ont pas été respectées. Libre à elles de prendre leurs responsabilités, qu’il s’agisse des missions de service public ou du transfert des sites. Je ne puis que regretter que les occasions n’aient pas été saisies.

De la même façon, il n’y a pas de recentralisation, dans la mesure où les missions de service public confiées par l’État à l’établissement public relevaient du ministère du travail – je pense notamment à la certification.

Madame Lagarde, je vous remercie pour votre intervention et votre soutien à ce texte et à la démarche du Gouvernement. Pour ce qui concerne l’adéquation des dispositifs de formation aux territoires et notamment à celui que vous représentez, la directrice générale est bien entendu à votre disposition, si vous souhaitez avoir un échange approfondi. Je tiens à vous rassurer sur le dispositif de formation « mobilité métropole », qui est bien évidemment maintenu. En outre, ma collègue Ericka Bareigts est particulièrement attentive au secteur de la formation professionnelle. Nous travaillons en étroite collaboration, tant sur le plan 500 000 formations que sur le présent dispositif, auquel elle a été pleinement associée. Elle fait de ce sujet l’une des priorités de son action au service des outre-mer. Les équipes de l’établissement public, comme celles du ministère, sont à votre disposition pour répondre aux problèmes spécifiques que vous rencontrez.

Monsieur Giacobbi, je ne peux que vous remercier de votre intervention. Sans vouloir prolonger les débats, je tiens à dire que nous sommes nombreux ici à partager vos préoccupations. Je suis heureuse que vous ayez insisté sur le fait que l’on n’accorde pas une importance suffisante à la formation dans notre pays. La préparation de l’avenir et la formation de tous dans tous les territoires doivent effectivement mobiliser les acteurs économiques, mais aussi les élus et l’ensemble des acteurs de notre pays. Il est important d’aider nos concitoyens à comprendre que, dans un contexte économique marqué par une transformation des métiers, c’est grâce à la formation qu’ils vont pouvoir s’adapter aux mutations économiques et que de belles perspectives professionnelles s’ouvriront.

Je me félicite donc de votre engagement dans ce domaine et souhaite qu’il soit partagé par un plus grand nombre d’acteurs : la formation, à commencer par celle des personnes qui sont le plus éloignées de l’emploi et de la formation, parfois en raison d’un sentiment d’échec lié à des difficultés rencontrées dans leur parcours ou leur formation initiale, doit devenir une priorité. C’est pourquoi le Gouvernement s’est attaché, notamment dans le cadre de la loi de 2014, que j’ai évoquée, à développer des processus d’accompagnement plus rapprochés – c’est l’objet du conseil en évolution professionnelle et c’est tout le rôle des différents opérateurs.

Madame Fraysse, merci pour votre intervention et votre soutien. Le Gouvernement partage vos préoccupations, qui sont précisément celles qui ont guidé le travail mené avec Myriam El Khomri. Vous avez évoqué la frontière floue, en matière de formation professionnelle, entre les demandeurs d’emploi qui relèvent du service public et ceux qui relèvent du secteur soumis à la concurrence. Nous nous interrogés sur ce sujet et, dans un premier temps, nous avions même élaboré un dispositif qui prévoyait la constitution d’une seule filiale pour l’EPIC, qui aurait été consacrée aux actions de formation à destination des salariés, considérant, au regard de l’absence de critères, que l’ensemble des actions de formation destinées aux demandeurs d’emploi pouvaient relever des missions de service public de l’établissement public.

Sur ce point, nous avons fait bouger les lignes, dès lors que la Commission européenne et le Conseil d’État, que nous avions interrogés, nous ont informés de l’impossibilité de traiter le sujet de cette façon. Nous partageons donc votre préoccupation et sommes particulièrement attentifs à cette question. Au demeurant, la définition actuelle des missions de service public et l’implantation géographique territoriale de l’établissement sont de nature à protéger plus particulièrement les personnes les plus éloignées de l’accès à la formation et à l’emploi et les territoires les plus touchés par le problème. Soyez assurée que nous serons très vigilants. Par ailleurs, je crois avoir déjà répondu à votre question relative à la dotation financière. J’ai également répondu en détail à votre interrogation sur le rôle des régions, en saluant l’initiative de la région Bourgogne-Franche-Comté.

Madame Le Roy, je vous remercie vous aussi de votre intervention. S’agissant de la transformation des métiers sous l’effet de la transition énergétique et numérique de notre économie, l’AFPA a bien évidemment un rôle à jouer et elle a d’ailleurs engagé un processus d’adaptation de ses formations à ces évolutions. Parmi les missions de service public, figure un dispositif de veille et d’incubation pour les formations correspondant à des besoins émergents, mais qui n’ont pas encore été exprimés par les entreprises dans les territoires, afin que l’établissement soit en avance de phase et prépare aux nouveaux métiers. Je crois que cela permet de répondre à vos préoccupations.

J’espère n’avoir rien oublié et vous remercie tous, mesdames, messieurs les députés, de votre attention.

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