Intervention de Laurence Rossignol

Séance en hémicycle du 26 janvier 2017 à 9h30
Extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse — Présentation

Laurence Rossignol, ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes :

La proposition de loi que vous examinez ce matin a pour but de défendre ce droit fondamental des femmes à disposer de leur corps contre tout ce qui peut porter atteinte à son libre exercice, c’est-à-dire les informations mensongères distillées sciemment pour dissuader les femmes d’avorter.

Toutes les grandes modifications législatives apportées à la loi Veil ont été l’expression de cette exigence. Permettez-moi, à nouveau, de les rappeler, car chacune a constitué une avancée essentielle dans la consolidation de notre arsenal juridique : en 1979, la pérennisation des dispositions de la loi de 1975 dépénalisant l’avortement ; en 1982, la couverture des frais médicaux afférents à l’IVG ; en 1993, la création d’un délit d’entrave à l’IVG ; et, enfin, en 2001, l’allongement du délai légal de dix à douze semaines de grossesse et l’assouplissement des conditions d’accès à la contraception et à l’avortement pour les mineures.

Dans le droit fil de cette histoire, le Gouvernement a, depuis 2012, pris plusieurs mesures fortes afin de faciliter les démarches des femmes qui choisissent d’interrompre leur grossesse. Je dis bien « faciliter », et je l’assume, car nous avons la responsabilité de lever tous les obstacles qui peuvent restreindre ou empêcher l’exercice d’un droit qui est reconnu à toutes les femmes, quelle que soit leur situation sociale ou géographique.

Qu’on en juge : depuis 2012, nous avons supprimé la notion de détresse ainsi que le délai de réflexion d’une semaine préalable à l’intervention, organisé la prise en charge à 100 % des frais du parcours de l’IVG et développé, grâce à la possibilité donnée aux sages-femmes de pratiquer des IVG médicamenteuses et aux centres de santé de réaliser des IVG instrumentales, l’offre de proximité.

Nous avons, en outre, créé un délit d’entrave à l’accès à l’information sur l’IVG dans la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui a renforcé les dispositions prévues par la loi du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d’ordre social, dite loi Neiertz.

Conformément aux recommandations formulées par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, nous nous sommes, grâce à la création de nouveaux outils, attachés à faciliter l’accès des femmes à cette information essentielle.

Tout d’abord, un site internet – ivg.gouv.fr –, a été mis en ligne à l’automne 2013. Il est régulièrement enrichi de nouveaux contenus et offre aujourd’hui l’information la plus complète, la plus précise et la plus objective possible sur l’avortement. Nous veillons à ce qu’il soit directement et très facilement accessible via les moteurs de recherche à partir des différents mots-clés régulièrement utilisés.

Un numéro national d’information – 0 800 08 11 11 –, anonyme et gratuit, est par ailleurs accessible six jours sur sept. Depuis son ouverture, il reçoit environ 2 000 appels par mois.

Enfin, une grande campagne d’information sur l’avortement – « IVG, mon corps, mon choix, mon droit » – a été lancée en 2016 et largement relayée. Toutes ces mesures ont permis de sécuriser l’exercice du droit des femmes à disposer de leur corps. Mais, on le voit bien, nous ne sommes pas pour autant au bout du chemin. Les nouveaux modes de communication à l’ère numérique sont autant de brèches, dans lesquelles la désinformation s’insinue au nom du droit à l’information. Si nous n’agissons pas, ces brèches vont devenir des failles.

Je remercie par conséquent Bruno Le Roux, à l’époque président du groupe socialiste, écologiste et républicain, Catherine Coutelle, Catherine Lemorton, Maud Olivier et leurs collègues d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi visant à étendre le délit d’entrave à l’IVG, déjà existant, à internet.

Je l’ai dit et je le redis aujourd’hui, puisque la pédagogie est l’art de la répétition : il n’y pas d’autre enjeu, ici, que de garantir la fiabilité et la qualité des informations qui y sont délivrées.

Cette exigence constitue une urgence, à l’heure où plus de la moitié des femmes entre quinze et trente ans utilisent la toile pour s’informer sur les questions de santé, et où 80 % des jeunes jugent crédibles les renseignements qu’ils y recueillent. Il n’est donc pas acceptable ni tolérable de laisser plus longtemps des groupuscules anti-IVG y mener leur propagande, en trompant délibérément les jeunes filles et les femmes en diffusant de fausses d’informations.

Je tiens à le répéter, une fois encore : ces activistes ont parfaitement le droit d’être hostiles à l’avortement, de le dire, de l’écrire, de le revendiquer sur internet, dans la rue ou ailleurs. Cela relève de la liberté d’opinion et d’expression, qu’il n’est pas question de restreindre, contrairement à ce que certains essaient de faire croire. Ce texte n’y porte d’ailleurs nullement atteinte.

C’est bien à la désinformation orchestrée sur l’internet par les lobbies anti-choix que cette proposition de loi entend s’attaquer. C’est bien le mensonge et la manipulation des esprits organisés sur ces plateformes et ces lignes d’écoute qu’elle vise à sanctionner.

Les débats que nous avons eus ici et au Sénat le mois dernier ont donné un coup de projecteur salutaire sur les méthodes nouvelles développées pour décourager les femmes d’avoir recours à l’avortement. Les opérations de testing menées par des journalistes, et même par une élue Les Républicains, se sont multipliées au cours des dernières semaines. Elles ont parfaitement montré comment ces activistes instrumentalisent la vulnérabilité de certaines femmes, confrontées à une grossesse non désirée, pour les convaincre de renoncer à y mettre un terme.

Sur ces plateformes et les numéros verts auxquels elles renvoient, tout est pensé pour détourner les jeunes filles et les femmes des outils objectifs et officiels de communication,…

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