Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 18 janvier 2017 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Je voudrais d'abord remercier Guy Teissier et Jean Glavany pour leur grande lucidité et leur grande précision dans l'analyse. Je souhaiterais comme Mme Lebranchu que ce rapport ait la plus grande visibilité possible, parce que cette analyse conditionne notre sécurité. Jacques Bainville racontait il y a longtemps la fable suivante, que je cite dans mon dernier livre : une femme dans le désert mange son repas et jette des noyaux de dattes, quand un génie arrive et lui dit que l'un de ses fils a reçu un noyau dans l'oeil et va mourir et que donc elle doit payer. Les peuples prennent des décisions, les jettent dans le vent de l'histoire et les payent bien plus tard. Quand je vois ce qui est en train de se passer au Maghreb j'en veux terriblement à tous ceux qui nous ont engagés dans cette aventure, de la Restauration à Napoléon III en passant par Jules Ferry : la fameuse mission civilisatrice. Elle se termine aujourd'hui par des régimes tenus par des gouvernements – disons les choses gentiment – autoritaires, souvent kleptocrates, qui ont raté les expériences postcoloniales d'indépendance et dont le seul avenir pour les enfants une fois diplômés est de partir ou bien de s'engager dans le terrorisme, comme en témoigne le nombre calamiteux d'engagements de plusieurs milliers de jeunes Tunisiens ou Algériens dans Daech et chez Al - Qaida. C'est juste terrible pour l'avenir de ces nations. Alors qu'est-ce qu'on fait ?

D'abord je note qu'il y a des pays qui ne s'en occupent pas. Les pays du Golfe ne s'en occupent absolument pas et il n'y a pas l'ombre d'un investissement dans des pays où ils pourraient faire la différence en dehors de construire des mosquées. Donc tout repose sur nous les Français et les Européens. Deuxièmement, Mme Guigou a dit que le Maghreb est un pont vers le Sahel, mais je crains que l'on ait un pont du Sahel vers l'Europe et pas l'inverse, avec la pression migratoire qui est derrière. Il y aura bientôt 200 millions de Sahéliens et on va avoir un problème migratoire majeur avec le Sahel et l'Afrique du Nord, qui va conditionner la sécurité et le devenir de nos pays. Depuis quarante ans au moins 5 millions de musulmans sont venus pour l'essentiel d'Afrique du Nord et cela continue à s'accroître tous les ans. Cela pose des problèmes de cohésion sociale, de sécurité publique et cela devient une urgence nationale. Cela devrait d'ailleurs nous amener à réfléchir davantage au rôle de la langue française qui pour ces jeunes est souvent le seul passeport possible vers un avenir. Est-on sûr que la stratégie de la francophonie est dans l'intérêt du pays ? C'est une question que je pose.

J'aurai quatre questions précises. Comment gèrent-ils les retours de djihadistes et avons-nous des relations sérieuses de coopération contre le terrorisme avec ces gouvernements ? Quid du cannabis qui tient l'économie du Maroc et en partie de l'Algérie. Pierre Vermeren, que je respecte beaucoup, a écrit un article sur l'économie du cannabis. C'est dommage que cette législature se termine car c'est un vrai sujet pour notre commission de savoir, au-delà des débats nationaux sur la pénalisation ou dépénalisation, comment gérer toute une économie de trafic liée à l'immigration et au terrorisme, qui commence dans le Rif et se termine à Anvers. Qu'en est-il des accords de réadmission ? On a publié hier des chiffres sur la baisse des reconduites, qui s'explique par le fait que ces pays, une fois qu'ils ont exporté leurs jeunes, ne veulent plus les reprendre. Quid donc des accords de réadmission et de leurs liens avec la politique d'aide au développement européenne ? Enfin, quid de la politique de natalité ? Le seul pays qui a eu une politique de contrôle des naissances est la Tunisie de Bourguiba, ce qui se voit dans les chiffres de la croissance, et pas les autres.

Voilà trois-quatre sujets prioritaires. Je ne vois pas cela en termes de mission civilisatrice ou même de politique d'influence, je vois ce voisinage comme un problème majeur pour la sécurité nationale dans les années qui viennent. C'est un problème majeur et on a intérêt à le regarder sous cet angle de la sécurité nationale et d'arrêter de se payer de mots. L'analyse de Jean Glavany passant en revue Essebsi, Bouteflika et Mohammed VI, la maladie, l'âge, en somme la faiblesse des gouvernants de ces pays est éclairante. Nous ne pouvons pas apporter de solutions. Il n'y a pas de solution localement. Cela veut dire que les conséquences sécuritaires pour nous sont considérables. Je vous remercie pour votre travail. Sur ces sujets on ne peut qu'avoir un consensus bipartisan, mais il y a un vrai problème pour la sécurité de notre pays.

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