Intervention de Valérie Corre

Séance en hémicycle du 1er février 2017 à 15h00
Obligation de casier judiciaire vierge pour les candidats à une élection — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Corre :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous examinons deux propositions de loi capitales sur les plans éthique et politique. Il s’agit d’instaurer une obligation de présenter un casier judiciaire vierge pour toute candidature à un mandat électif.

Je suis particulièrement fière de pouvoir voter ces dispositions et à mon tour je souhaite remercier la rapporteure de sa persévérance sur le sujet. Je suis particulièrement fière en tant que citoyenne tout d’abord, car nous ne pouvons accepter que, dans une démocratie moderne et responsable, des élus ayant été condamnés pour atteinte à la probité soient en charge de la rédaction et du contrôle de la loi ou de la direction d’une administration locale.

Je suis fière en tant que députée ensuite, car je suis révoltée que notre travail et notre rôle de parlementaires soient trop souvent abîmés dans l’opinion publique par le manque de probité de certains élus. Les exemples sont certes très limités, parfois d’actualité, mais ils rejaillissent sur l’ensemble des élus locaux et nationaux et affaiblissent notre démocratie.

Je suis fière enfin, en tant que rapporteure thématique du projet de loi égalité et citoyenneté, car les deux textes dont nous débattons aujourd’hui reprennent aussi la substance d’un amendement, déposé dans le cadre de ce projet, visant à rendre inéligible tout élu condamné pour harcèlement sexuel – disposition qui n’avait pu être adoptée en raison d’une rédaction imparfaite.

Concrètement, par leur adoption, ces deux propositions de loi rendront impossible toute candidature à une élection de la part d’une personne dont le bulletin no 2 du casier judiciaire portera la mention d’une condamnation pour un délit d’ordre sexuel, un manquement au devoir de probité, des délits financiers ou tout délit de fraude fiscale.

Bien sûr, ces cas sont exceptionnels et il faut le préciser ici. Ces dispositions pourraient avoir l’air superflues : le bon sens laisserait supposer que tout candidat condamné pour ces motifs n’envisagerait pas de déposer sa candidature, voire qu’il n’aurait aucune chance de remporter une consultation électorale. Malheureusement, des exemples contraires existent, parfois au sein même de cet hémicycle.

Au cours des élections municipales de 2001, qui avaient vu un certain nombre d’élus condamnés lourdement par la justice retrouver leur mairie, la presse avait même trouvé une expression : « la prime à la casserole ». À l’époque, les soupçons ou les condamnations pesaient moins lourd que les pratiques clientélistes. Je parle au passé : est-ce raisonnable ou bien résolument optimiste ?

Depuis lors, les cas de corruption ou de condamnation d’élus, sans que la carrière politique des intéressés s’en trouve entravée, ont continué à apparaître ; ils ont peu à peu, sur le plan national, érodé la confiance que portent les Français à l’ensemble de la classe politique et, plus généralement, à nos institutions.

Ainsi, alors que le Front national est loin d’être épargné par les affaires financières, et ce dès les premières municipalités conquises en 1995, et jusqu’au scandale des assistants parlementaires au Parlement européen, c’est l’extrême droite qui prospère lorsque la démocratie s’affaiblit.

Aujourd’hui, le contexte politique est mouvant, tendu, et les Français ne pardonnent plus les écarts. Ils ont raison : à nous de ne pas laisser les partis populistes être les seuls à répondre à leurs attentes ou de leur laisser croire qu’ils le font. Le même constat peut d’ailleurs se faire aux États-Unis, mais aussi en Italie, où le Mouvement cinq étoiles prospère, et en Espagne, pays qui se trouve, d’un point de vue politique, dans une impasse. Partout, dans les démocraties occidentales, une même volonté d’exemplarité et de transparence se fait sentir.

Rendre obligatoire la présentation d’un casier judiciaire vierge pour se présenter à une élection est une mesure démocratique, car l’exemplarité est une des conditions de la représentativité. En tant qu’élus, nous avons un devoir absolu d’exemplarité. Nous représentons nos concitoyens et nous leur devons cette exemplarité. Comment représenter fidèlement ses concitoyens lorsqu’on a soi-même été condamné ?

C’est une mesure de justice et d’égalité, car on exige déjà cette condition pour candidater au sein de la fonction publique. Comment justifier qu’aujourd’hui, en raison d’une condamnation pour atteinte à la probité, un citoyen ne puisse intégrer une administration, mais qu’il soit en mesure d’en prendre la direction à l’issue d’une élection ?

Ces deux propositions de loi, qui concernent l’ensemble des échéances électorales – du mandat local à celui de Président de la République –, s’imposent donc inévitablement à nous. Le fait que nous votions ces dispositions ce soir à l’Assemblée nationale symbolise notre volonté commune de changer définitivement un certain nombre de pratiques politiques, même si l’on peut considérer que ces mesures arrivent un peu tard.

Saisissons-nous donc de ces dispositions législatives comme d’une étape pour poursuivre l’assainissement des règles de fonctionnement de la vie politique entamé depuis 2012. Poursuivons dans cette voie, afin de ne pas laisser le peuple français se faire déposséder de son régime politique et des valeurs qui fondent la démocratie représentative.

1 commentaire :

Le 02/02/2017 à 12:02, Laïc1 a dit :

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"afin de ne pas laisser le peuple français se faire déposséder de son régime politique et des valeurs qui fondent la démocratie représentative."

Est-ce le peuple français qui se fait déposséder de son régime politique, ou bien est-ce l'oligarchie régnante qui se fait déposséder de son régime politique ?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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