Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 24 janvier 2017 à 16h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, présidente :

Un débat me paraît tout à fait légitime et nécessaire, monsieur le rapporteur, d'autant que vous vous faites le relais de nombreuses questions posées par nos concitoyens. J'ai le plus grand respect pour votre travail, je sais votre sens de la précision et la force de vos convictions ; nul ne songe à vous dénier ces qualités.

Cela dit, puisque vous avez bien voulu faire référence aux nombreuses auditions que nous avons organisées et à ce que nous avons obtenu – saluons d'ailleurs la bonne volonté de Matthias Fekl et du Gouvernement –, notre commission me paraît convenablement informée. Par le fait même d'examiner votre résolution, nous allons d'ailleurs donner notre avis, comme l'a déjà fait aussi la commission des affaires européennes. En outre, un débat se tiendra en séance publique le 2 février prochain. On peut considérer que notre assemblée aura bel et bien été saisie de ces importantes questions.

Notre Constitution dispose qu'un traité ou un accord international peut être ratifié soit par la voie parlementaire, soit par referendum. Je ne me lancerai pas dans un examen des mérites respectifs de ces deux procédures. Il reviendra au prochain gouvernement de décider laquelle lui paraît la plus appropriée, mais, pour ma part, je suis d'accord avec François Loncle : la valeur d'une ratification référendaire n'est pas supérieure à celle d'une ratification parlementaire. N'oublions pas, d'ailleurs, que le président Mitterrand n'aurait probablement pas pu abolir la peine de mort s'il avait fallu en passer par le référendum. De même, la loi sur le « mariage pour tous » n'aurait sans doute pas été adoptée si elle avait été soumise à cette procédure.

Quant aux indications géographiques protégées mentionnées par l'accord, ce n'est pas parce que seules 42 d'entre elles, sur 173, sont françaises que quelque chose d'essentiel a été oublié. Dans une négociation, il faut choisir ses priorités, et les indications les plus importantes ont été retenues. Lors de son audition, Matthias Fekl a en outre indiqué que cette liste pourrait être complétée. La reconnaissance des indications géographiques – fromages et vins surtout – par un grand pays comme le Canada, qui privilégie traditionnellement les marques commerciales, est une première. Bien sûr, certaines professions agricoles peuvent éprouver quelque inquiétude, notamment les éleveurs bovins, à cause de ce quota annuel d'importation de viande bovine canadienne sans hormones – j'y insiste : sans hormones – de 45 800 tonnes, mais il faut comparer ce chiffre avec celui de la production européenne de viande bovine, qui est de 7,5 millions de tonnes. Le marché européen peut très probablement absorber ce contingent de viande canadienne, d'autant que l'entrée en vigueur du quota d'importation sera étalée dans le temps.

En ce qui concerne l'environnement, un chapitre du CETA est dédié au développement durable, et il est fait référence aux accords multilatéraux environnementaux. Par ailleurs, je le répète à la suite des propos tenus tout à l'heure par le secrétaire d'État au cours de son audition, le CETA n'impose de modifier aucune norme européenne. Et pour avoir accès au marché européen, il faudra les respecter toutes, normes sanitaires comprises.

De même, en ce qui concerne les services publics, la position européenne est absolument dépourvue d'ambiguïté. La préservation de la capacité des États et des collectivités à créer et à maintenir des services publics nationaux et locaux a toujours été une ligne rouge dans les négociations commerciales. Dans le cadre du CETA, cette capacité est explicitement prévue, dans une réserve à l'annexe 2, et elle autorise à conférer des droits exclusifs ou à définir des monopoles publics. Je considère que, compte tenu de ces dispositions, le CETA protège nos services publics et ne les menace pas.

J'en viens au règlement des différends, prévu dans le chapitre consacré aux investissements et à la cour publique. Nous avons déjà eu un rapport extrêmement détaillé de Seybah Dagoma, notre rapporteure sur ces sujets commerciaux internationaux. Elle a interrogé tous les acteurs et nous a dit, à plusieurs reprises, que si, dans le principe et dans l'idéal, il faudrait que le règlement des différends se fasse exclusivement devant des tribunaux nationaux de droit commun, nos opérateurs, nos exportateurs, nos producteurs demandent des tribunaux spécifiques. Je considère que cette cour de justice des investissements, introduite dans le CETA à la suite d'une initiative franco-allemande, marque un grand progrès : c'est une cour publique permanente qui tranchera.

Le CETA n'a rien de commun avec le projet d'accord transatlantique avec les États-Unis. Et, comme l'a justement souligné François Loncle tout à l'heure, il faut comparer ce que nous accordons et ce que nous obtenons : oui, le CETA prévoit des importations de viande bovine canadienne, mais, en retour, nous pouvons exporter nos vins, nos fromages et nos spiritueux, et nous ne concédons rien sur ce qui représente pour nous des lignes rouges. Telle est mon opinion, et c'est pourquoi je ne suis pas d'accord, monsieur Dolez, avec votre proposition de résolution, même si je vous remercie d'avoir suscité un débat que je crois absolument nécessaire – et que nous aurons d'ailleurs en séance.

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