Intervention de Guillaume Bachelay

Séance en hémicycle du 2 février 2017 à 9h30
Conférence des parties de la finance mondiale l'harmonisation et la justice fiscales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Bachelay :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, auquel j’adresse un salut tout particulier ce matin, mes chers collègues, le projet de résolution européenne soumis à notre assemblée dénonce une impudence – celle du capitalisme financiarisé –, formule une exigence – lui assigner des limites et des règles –, propose une alliance à l’échelle de la planète, car à un défi global il faut une réponse mondiale, et indique enfin une échéance, laquelle doit se compter non pas en décennies mais en années, car c’est le développement humain qui est ici en question.

Sur l’initiative du Gouvernement et de la majorité parlementaire, des avancées majeures ont été réalisées en France ou, sous l’impulsion de notre pays, dans le monde et notre débat est aussi l’occasion de dresser ce constat. Ces actions, initiatives, décisions visent à lutter contre les stratégies de fraudes, d’évasion ou d’optimisation fiscales, qui sont des manquements à l’intérêt général et qui sont le fait de banques, de cabinets de conseil, d’États, de multinationales, d’individus. Elles sont autant de ressources en moins pour financer les services publics, investir dans l’économie réelle, consolider la démocratie, qui est indissociable de l’impôt citoyen, ou encore combattre la pauvreté. À cet égard, l’ONG CCFD-Terre Solidaire – Comité catholique contre la faim et pour le développement – estime ainsi que l’évitement fiscal priverait les pays en développement de 250 milliards d’euros de recettes fiscales chaque année, soit six fois le financement mondial requis pour lutter contre la faim.

Le texte que nous examinons aujourd’hui, et je remercie le groupe de la Gauche démocrate et républicaine de susciter ce débat, met en avant la nécessité d’être ambitieux et sérieux, car les deux vont de pair, et d’agir à tous les échelons de l’action publique.

Le cadre national reste un premier niveau pertinent d’intervention. Depuis 2012, la France a, entre autres décisions, et cela a été rappelé, instauré pour les très grandes entreprises une obligation de transparence sur leurs activités pays par pays, créé un parquet financier spécialement dédié à la lutte contre la délinquance financière et la fraude fiscale, renforcé les moyens de TRACFIN, accru la protection des lanceurs d’alerte. C’est aussi durant cette législature qu’a été créé le service de traitement des déclarations rectificatives. Vous avez rappelé tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, le montant des redressements notifiés et des sommes déjà recouvrées qui ont permis notamment de financer une partie des baisses d’impôts pour les ménages modestes et les classes moyennes, ce qui n’est que justice.

L’action, pour être efficace, se décline aussi en Europe. C’est le sens de la directive de 2014 voulue par la France et l’Allemagne qui dote l’Union européenne d’un arsenal pour combattre l’optimisation, selon des recommandations de l’OCDE. En 2015, l’Union européenne est parvenue à un accord sur la transparence des règles fiscales accordées à des multinationales, les rulings. C’est certain, il faudra d’autres avancées dans le futur. Je pense en particulier à une assiette commune et consolidée de l’impôt pour les sociétés, car l’Europe, que nous voulons solidaire et volontaire, ne peut, pas plus que le monde, être régie par le principe « tous concurrents et que le moins cher gagne ». L’actualité des derniers mois a montré que l’Union et la Commission européennes sont, en la matière, sorties de la torpeur, et je m’en réjouis.

Toutefois, et c’est l’intérêt majeur de cette proposition de résolution, c’est à l’échelle internationale que peuvent et doivent être menées et remportées les batailles décisives. La coopération entre États et la détermination de ces derniers – détermination est aussi l’autre sens du mot « résolution » – sont cruciales. On l’a vu à Antalya en novembre 2015 lorsque, en cohérence avec la position défendue par la France, les pays du G20 ont décidé de mettre en oeuvre le projet sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices. On l’a vu en octobre dernier, lors de la réunion du FMI – le Fonds monétaire international – et de la Banque mondiale à Washington, quand le Gouvernement français a plaidé pour un système de sanctions collectives contre les pays non coopératifs en matière fiscale ; ces derniers figureront sur la liste noire qui sera publiée l’été prochain.

Une COP de la finance sous l’égide des Nations unies accélérerait ce processus, et la France, fidèle à ses valeurs, à son histoire, à sa mission, est fondée à la proposer. Parmi les chantiers que cette initiative permettrait très concrètement d’engager et que les travaux de l’OCDE ont utilement préparés, mentionnons la généralisation de l’échange automatique d’informations et de comptabilité pays par pays, la mise en place d’un cadastre financier international, ou encore l’élaboration d’une liste des paradis fiscaux au niveau des Nations unies.

Mes chers collègues, cette cause, cette grande cause, suppose une mobilisation intellectuelle, politique, éthique, technologique des gouvernements, ainsi que des forces sociales et des peuples pour un commun sursaut en faveur de l’intérêt collectif. La méthode proposée, une conférence des parties, a fait ses preuves fin 2015 en France et pour le climat. Je tiens d’ailleurs à rendre ici hommage à l’action de Laurent Fabius pour la réussite de la COP 21 ; inspirons-nous de ce chemin. Par les principes de responsabilité, de transparence et d’universalité qui la justifient et qu’elle consacre par des engagements juridiquement contraignants, une COP est un outil de régulation puissant et pertinent. C’est pourquoi je salue et soutiens ce projet de résolution.

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