Intervention de Nicolas Sansu

Séance en hémicycle du 2 février 2017 à 9h30
Conférence des parties de la finance mondiale l'harmonisation et la justice fiscales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Sansu :

Malheureusement, presque tous les gouvernements ont capitulé devant l’exigence des grandes entreprises visant à réduire leur participation à l’effort collectif. C’est ce que l’on appelle l’érosion des bases fiscales. Comme l’indique le rapport d’Alain Bocquet, les recettes des pays de l’OCDE issues de l’impôt sur les bénéfices des sociétés ont chuté en moins de dix ans de 3,6 % du PIB à 2,8 % en moyenne. Il ne s’agit pas uniquement de l’effet de la crise mais d’un choix assumé de ces pays consistant à s’engager dans la concurrence fiscale.

À ce sujet, la volonté du nouveau président américain de faire des États-Unis une sorte de grand paradis fiscal doit nous faire réagir ! C’est le business qui a pris le pouvoir ! Le gouvernement français actuel a d’ailleurs été en Europe l’un des plus zélés en la matière. En raison de l’adoption du crédit d’impôt compétitivité-emploi, l’impôt sur les sociétés perçu en France ne rapporte plus que 1,4 % du PIB, soit la moitié de la moyenne des pays de l’OCDE et moins de 30 milliards d’euros, et il devrait chuter à 1,25 % du PIB en 2018 !

Autant dire que les larmes de crocodiles versées par le MEDEF à propos de l’impôt sur les sociétés sont non seulement malvenues mais indécentes ! Bien entendu, cet évitement de l’impôt a des conséquences sur les services rendus et les investissements réalisés. Nous les avons subies dans notre pays sous la forme d’une politique budgétaire restrictive qui a contracté l’investissement public au-delà du raisonnable et a eu des conséquences dramatiques sur le niveau de l’emploi, notamment l’inscription de 500 000 chômeurs supplémentaires en cinq ans.

Ces pratiques d’évitement et d’évasion fiscaux ont également des conséquences directes sur certains salariés de notre pays, comme le montre l’exemple des employés de McDonald’s en région parisienne, privés de participation aux bénéfices par la pratique de prix de transfert excessifs faisant ressortir chaque année une perte nette de McDonald’s dans notre pays, comme si son implantation relevait de la philanthropie ! La lutte des salariés, y compris devant les tribunaux, leur a donné raison, mais ce cas montre bien ce qui est en jeu : donner des pouvoirs nouveaux aux salariés des entreprises afin qu’ils s’imposent face à une oligarchie financière qui tient les rênes et qui, par le truchement d’un sénateur célèbre et d’un ancien président du MEDEF, vient encore de s’illustrer en matière de fraude fiscale.

L’un des enjeux de la COP fiscale et financière consiste à contrebalancer le pouvoir exorbitant de cette oligarchie par la mise en mouvement des pays en développement et pas seulement des pays les plus riches, par l’intervention des citoyens semblable à celle constatée lors de la COP 21 et par la transparence sur ces pratiques insupportables. Alain Bocquet formule d’autres propositions relatives aux rescrits fiscaux en Europe, aux rapports d’activité des grandes firmes multinationales pays par pays, à l’instauration d’un statut européen des lanceurs d’alerte et de leur protection et à une liste réelle des paradis fiscaux.

Certains de nos collègues arguent que tout cela est utopique. « L’utopie d’aujourd’hui est la vérité de demain » écrivait le grand Victor Hugo ! Par-delà ce rappel, convoquer en France une COP fiscale et financière sous l’égide de l’ONU associant les ONG, les États, les chercheurs et les citoyens, c’est s’inscrire dans la lignée de ce génie français grâce auquel, partout sur la planète, si on invoque la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, c’est à la France que l’on pense, si on agit pour le climat, de Rio 1992 à Paris 2015, la France est un exemple et si on veut faire vivre les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, c’est la France que l’on convoque !

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