Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 2 février 2017 à 9h30
Revalorisation des pensions de retraite agricoles — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Mon cher collègue, les retraités agricoles en sont conscients et apprécient votre pugnacité à sa juste mesure.

Je citerai en particulier la mise en oeuvre d’un complément différentiel de points de retraite pour les chefs d’exploitation, qui a permis d’atteindre le seuil de 75 % du SMIC net en 2017, et l’attribution de droits gratuits aux conjoints et aux aides familiaux pour les années antérieures à leur affiliation au régime complémentaire en 2011.

Ces réponses, nous le savons tous, ne constituent toutefois qu’une étape intermédiaire et en aucun cas un aboutissement. Elles doivent s’accompagner de mesures complémentaires qui permettent de garantir un niveau de vie décent aux agriculteurs à la retraite et corriger – enfin ! – les véritables inégalités de droit et de fait.

Le premier volet de la proposition de loi vise à élever le niveau minimum de pension agricole et à rétablir l’équilibre financier du régime de retraite complémentaire obligatoire, dit RCO.

L’article 1er pose le principe, pour les chefs d’exploitation justifiant d’une carrière complète, d’une garantie de retraite de 85 % du SMIC net, au lieu des 75 % prévus par le droit en vigueur. Cette mesure répond à une attente essentielle des exploitants à la retraite et à une revendication forte de l’ensemble des syndicats agricoles, notamment de l’ANRAF, l’Association nationale des retraités agricoles de France.

Le coût de cette mesure est évalué à 266 millions d’euros par la Mutualité sociale agricole. Elle bénéficierait à 85 000 exploitants supplémentaires, portant ainsi le nombre total de bénéficiaires à 334 000.

Elle serait financée par une nouvelle recette prévue à l’article 2. Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi prévoyait une taxation des revenus financiers des banques et des industries liées au secteur agricole et agroalimentaire mais nous avons réalisé que cette rédaction entraînait des difficultés, notamment du fait que la matière imposable était difficilement identifiable. Elle pouvait conduire en outre à une rupture d’égalité puisqu’elle se serait appliquée au seul secteur agricole et agroalimentaire.

Les travaux en commission et les différentes auditions ont abouti à une nouvelle rédaction de l’article 2, qui prévoit désormais l’instauration d’une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières. Le rendement d’une telle taxe, d’un taux de 0,1 %, est évalué à 500 millions d’euros.

Outre le financement de la garantie « 85 % du SMIC », elle permettrait donc d’assurer également le retour à l’équilibre du régime RCO. Selon les prévisions de la MSA, le déficit du régime, qui a atteint quatre-vingt-dix millions d’euros en 2015, ne cessera de se creuser au cours des quatre prochaines années. Or, contrairement au régime de base de la MSA, le RCO ne peut pas recourir à l’emprunt et est donc contraint de puiser dans ses réserves, qui fondent comme neige au soleil. La nouvelle recette sera donc décisive pour le redressement financier du régime.

Le second volet de la proposition de loi est consacré à la revalorisation des pensions de retraite dans les outre-mer. Je tiens à souligner la forte implication de notre collègue Huguette Bello, députée de la Réunion, dans l’élaboration de ce volet particulièrement important et attendu du fait de l’extrême faiblesse des pensions ultramarines.

L’article 3 concerne les non-salariés agricoles d’outre-mer. La situation alarmante que l’on constate aujourd’hui dans ces territoires résulte à la fois de la mise en place tardive des régimes d’assurance vieillesse outre-mer, de la spécificité des profils de carrière et de la particularité des paramètres de cotisations. Les justifications historiques ou sociales ne suffisent toutefois pas à légitimer une telle faiblesse des retraites agricoles. Nous appuyant sur le cadre ouvert par l’article 73 de la Constitution, nous proposons de faciliter l’accès des chefs d’exploitation agricole à la garantie « 75 % du SMIC » en supprimant la condition de durée d’assurance en tant que chef d’exploitation.

Quant à l’article 4, il vise à corriger une inégalité fondamentale d’accès à la retraite complémentaire entre salariés agricoles selon les territoires.

L’extension, en 1972, des régimes AGIRC – Association générale des institutions de retraite des cadres – et ARRCO – Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés – aux territoires outre-mer a laissé de côté les professions agricoles, en renvoyant l’extension des accords à une négociation entre partenaires sociaux. Ces négociations n’ont jamais abouti, en dehors de la Guyane en 1999 et de la Martinique en 2014. L’inégalité initiale entre les salariés agricoles de l’hexagone et ceux des outre-mer se double donc désormais d’une inégalité entre salariés ultramarins selon leur lieu de résidence.

La dernière réforme des retraites a renvoyé cet enjeu central à la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement. Trois ans sont passés et nous attendons toujours ce rapport.

Ces inégalités ne sont plus acceptables. C’est pourquoi nous proposons d’inscrire explicitement cet enjeu dans la loi en rappelant la responsabilité des partenaires sociaux dans l’extension du régime. À défaut de l’obtention d’un accord dans un délai déterminé, il reviendrait à l’État d’engager cette extension par voie d’arrêté.

Tels sont, mes chers collègues, les termes de notre débat. Bien sûr, d’autres enjeux fondamentaux resteraient à aborder – il ne s’agit là que d’une étape, comme toujours. Je pense notamment à l’exigence de parité. L’égalité entre les hommes et les femmes demeure une fiction en matière de retraites agricoles. Sachant ce que représente le travail d’une femme dans une exploitation agricole, il nous faudra un jour faire de nouveaux pas dans ce domaine.

J’ai néanmoins la certitude que les avancées contenues dans cette proposition de loi sont à la fois décisives, urgentes et attendues. Nous ne pouvons plus nous en tenir aux logiques du laisser-aller et du report à une éventuelle concertation ultérieure. Il ne nous reste que le temps d’agir avec détermination en rappelant notre solidarité la plus totale avec les travailleurs agricoles.

Pour conclure, et comme notre proposition de loi a été votée à l’unanimité de la commission des affaires sociales, je m’adresserai plus particulièrement à vous, monsieur le ministre. En 2014, à l’issue des débats sur la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, j’avais salué votre texte par ce beau vers de René Char : « L’inaccompli bourdonne d’essentiel. »

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