Intervention de Christophe Caresche

Réunion du 6 février 2013 à 16h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Caresche :

Ce projet de loi s'inscrit dans un processus européen de régulation des activités bancaires, avec lequel il importe donc d'assurer sa cohérence.

Ce processus fut lancé après la crise, sur la recommandation du G20, non seulement en Europe, mais aussi aux États-Unis, avec la loi Dodd-Frank, monument législatif de plus de 2 000 pages. L'agenda européen a été défini par M. Michel Barnier, qui nous a transmis un document recensant une vingtaine de directives et règlements, pour la plupart encore en cours de discussion. Le débat, parfois conflictuel, avance au gré des compromis entre les États, beaucoup d'entre eux s'efforçant de préserver leurs prérogatives nationales. La discussion sur la directive ayant trait à la garantie des dépôts, par exemple, est en panne.

Trois sujets me semblent devoir retenir notre attention. Le premier est la réglementation prudentielle, à travers le paquet CRD 4 qui, composé d'une directive et d'un règlement – celle-là laissant plus de latitude que celui-ci, d'application directe –, constitue sans doute la réforme la plus ambitieuse que l'Union ait mise en oeuvre en la matière. Actuellement en cours de discussion au sein du trilogue, elle sera menée à bon port par la présidence irlandaise, puisque la présidence chypriote n'a pu le faire l'été dernier. Ce paquet inclut la transcription, au niveau européen, des normes de Bâle III, s'agissant en premier lieu des ratios prudentiels. Dans ses discussions avec le comité de Bâle, la Commission européenne a d'ailleurs surmonté certaines difficultés touchant, par exemple, aux ratios de liquidité dont on a pu voir qu'ils étaient un sujet de préoccupation majeure pour les banques françaises. Malgré l'accord conclu avec la Commission, cette question fait encore débat au sein du Parlement européen et du Conseil européen.

Le paquet CRD 4 concerne aussi les rémunérations, pour lesquelles le Parlement européen souhaite établir une stricte parité entre la part variable et la part fixe. En tout état de cause, ce paquet devrait être adopté d'ici à la fin de l'année.

Le deuxième sujet d'importance est le paquet relatif à la supervision et à la résolution. Sur la supervision, les propositions du rapport de Larosière n'ont été appliquées que de façon minimaliste, dans un cadre de coordination nationale : je pense à la création du Comité européen du risque systémique, de l'Autorité bancaire européenne et de trois autorités de supervision pour les marchés, les banques et les assurances.

Quant à la résolution, elle fait l'objet, depuis mai dernier, d'un projet de directive largement anticipé par le texte qui nous est soumis, puisque cette directive préconise la création d'un mécanisme dans chacun des États avant une harmonisation globale.

L'Union bancaire, décidée par le Conseil européen de juin dernier sous l'impulsion de la France, de l'Italie et de l'Espagne après d'âpres négociations – l'Allemagne étant bien plus réservée –, a sensiblement accéléré le mouvement sur ces deux points. Elle permettra au Mécanisme européen de stabilité, dit MES, de refinancer directement les banques sans passer par les États. La question de la supervision européenne, autrefois posée par le rapport de Larosière, a donc refait surface. Aux termes de l'accord conclu à la fin de l'année dernière, la Banque centrale européenne – BCE – pourra superviser l'ensemble des banques, et non les seuls grands établissements systémiques. Elle séparera bien entendu ces activités de celles qui relèvent de son rôle de banque centrale ; selon certains de ses représentants, que Mme la rapporteure et moi avons rencontrés, elle devrait bientôt être en mesure d'accomplir cette mission, même si des discussions sont toujours en cours. En cette matière, faut-il le rappeler, la dimension européenne revêt une importance toute particulière car une supervision nationale pose des problèmes de proximité.

Les décisions de juin dernier ouvrent aussi la voie au mécanisme de résolution unique – MRU – au niveau européen. Sur ce sujet, il serait sans doute intéressant, monsieur le président, que la commission des Finances auditionne le responsable du MES, puisque cet organisme me paraît tout désigné pour assurer la résolution dans la mesure où il est déjà chargé du refinancement des banques.

Le troisième grand sujet est bien entendu la séparation des activités bancaires préconisée par le rapport Liikanen, sur les conclusions duquel je ne reviens pas. Selon Michel Barnier, un texte européen sur ce thème sera sans doute proposé courant 2013, mais il ne pourra être adopté avant la fin du mandat de la Commission actuelle, en 2014. Ces délais justifient pleinement, à mes yeux, la volonté française d'anticiper.

En conclusion, si ce projet de loi anticipe sur certaines dispositions européennes, il le fait avec une exigence de cohérence et d'articulation. Enfin, après l'accord sur l'Union bancaire et les interventions de la BCE, qui ont contribué à la stabilisation financière que nous observons, le risque est sans doute de voir l'application des décisions prises s'enliser. L'Allemagne, en particulier, ne semble pas très pressée, compte tenu notamment de ses prochaines échéances électorales. L'Europe doit néanmoins mettre ces mesures en pratique ; faute de quoi, les doutes reviendront sur les marchés. Le projet de loi dont nous discutons participe en ce sens d'une dynamique salutaire.

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