Intervention de Bruno le Roux

Séance en hémicycle du 7 février 2017 à 15h00
Sécurité publique — Présentation

Bruno le Roux, ministre de l’intérieur :

Je veux rappeler ici avec la plus grande solennité le devoir d’exemplarité qui doit guider l’action des forces de sécurité, même et surtout lorsque la force et la contrainte légitimes doivent être employées. C’est dans le rapport respectueux entre la population et les forces de l’ordre que notre pacte républicain puise toute sa force. J’aurai l’occasion d’y revenir au cours de notre débat.

J’en viens, mesdames, messieurs les députés, au texte qui nous occupe aujourd’hui et qui se veut précisément l’une des réponses aux difficultés d’exercice du métier de policier, de gendarme et plus généralement de tout dépositaire de l’autorité publique. Répondre à ces difficultés et conforter nos forces de sécurité, c’est aussi leur donner plus de sérénité et favoriser par là même un exercice plus apaisé des missions.

Je dois le dire : je suis très heureux et très fier de défendre ce projet de loi devant vous. C’est un des derniers textes importants de cette mandature et il porte sur la sécurité publique. Je veux y voir le signe d’une mandature pleinement déterminée à faire des enjeux de la sécurité intérieure l’un des socles du pacte républicain qui nous unit tous, dans cet hémicycle et bien au-delà.

Entre 2012 et 2016, mesdames et messieurs les députés, vous aurez voté quatre lois sur le renforcement de la lutte antiterroriste et contre la criminalité organisée, ainsi que sur le renseignement. Chacun de ces textes a été adopté par une large majorité, à l’issue de débats et d’échanges constructifs. C’est là, à n’en pas douter, sur ces questions de sécurité publique, le signe d’une maturité démocratique qui peut nous permettre de dessiner les contours d’un consensus républicain autour de cette nécessité centrale pour la cohésion de la Nation qu’est la sécurité de nos compatriotes. Je vous invite tous à essayer d’y contribuer une nouvelle fois. J’y reviendrai à la fin de mon intervention.

Avant de présenter les principales dispositions du texte qui nous occupe aujourd’hui et qui s’inscrit pleinement, vous l’aurez compris, dans la continuité des lois précédemment votées, je veux remercier le président de la commission des lois, Dominique Raimbourg, pour le travail remarquable qui a été fait et, si vous me le permettez, au-delà de ce texte, pour l’ensemble du travail conduit sous sa présidence au cours de la mandature. Je veux également remercier chaleureusement Yves Goasdoué, le rapporteur, et l’ensemble des membres de la commission des lois, tout particulièrement Pascal Popelin, pour leurs apports constructifs. Je veux enfin souligner l’esprit républicain qui a prévalu lors de l’examen du projet de loi au Sénat et en commission à l’Assemblée nationale. Il a permis l’adoption d’un texte équilibré, malgré l’introduction le Sénat de certaines dispositions que le Gouvernement ne souhaite pas retenir.

Je l’ai dit, le texte qui est soumis à votre examen se veut une réponse à la demande légitime de protection exprimée par les fonctionnaires de police. Il constitue le volet législatif d’un plan pour la sécurité publique décidé à l’automne dernier par le Gouvernement et qui a permis de déployer 250 millions d’euros pour remplacer et moderniser les équipements de protection, les armes et les véhicules mis à la disposition des fonctionnaires de la police nationale et de la gendarmerie. D’autres mesures vont être prises à la lumière des conclusions de la concertation qui a été conduite pendant plusieurs mois.

Introduites par le texte initial du Gouvernement, trois dispositions visent à augmenter le niveau de protection des forces de l’ordre. Il s’agit d’abord de la création d’un cadre juridique stabilisé et modernisé d’usage des armes, commun aux policiers, aux gendarmes, mais aussi aux douaniers et aux militaires déployés dans le cadre de l’opération Sentinelle, auxquels j’ai rendu hommage au début de mon intervention.

Le deuxième élément est la protection de l’identité des policiers et des gendarmes, dès lors que sa révélation constituerait un danger pour eux-mêmes ou pour leur famille. Nous sommes, je crois parvenus, avec le texte actuel, à un dispositif conciliant protection, respect des droits de la défense et simplicité de la procédure, ce qui est particulièrement important.

Enfin ce texte tend à augmenter le quantum des peines encourues en cas d’outrage à toute personne dépositaire de l’autorité publique. Des dispositions complémentaires concernant les peines encourues pour les faits de rébellion et de refus d’obtempérer ont été introduites par le Sénat. Elles rejoignent – je veux le dire très clairement – l’objectif de protection et de respect des forces de l’ordre poursuivi par le Gouvernement : je les ai donc accueillies favorablement. Des amendements seront également proposés pour adapter les pénalités encourues pour d’autres infractions portant atteinte aux dépositaires de l’autorité publique mais également aux sapeurs-pompiers, eux aussi trop régulièrement victimes dans l’exercice de leurs missions. J’ai pris connaissance avec attention de chacun de ces amendements et certains d’entre eux me semblent équilibrés et pertinents.

Je m’arrête un instant sur le cadre commun d’usage des armes, tel que prévu à l’article 1er de la loi, pour apporter trois précisions en réponse à certaines critiques que j’ai pu entendre.

Premier élément, ce cadre nouveau d’usage des armes ne se substitue pas au cadre général de la légitime défense. Deuxième précision, il est régi par les règles d’absolue nécessité et de stricte proportionnalité. L’article décrit d’ailleurs précisément les situations dans lesquelles les forces de sécurité peuvent faire usage de leur arme. Troisième élément, il présente toutes les garanties exigées par les jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de cassation, notamment celles qui sont relatives aux conditions d’absolue nécessité et de proportionnalité, que je viens d’évoquer. Ce texte, dont la qualité a été soulignée par le Conseil d’État, traduit notre volonté de parvenir à un point d’équilibre. Les interrogations suscitées par la rédaction des troisième et quatrième alinéas de l’article 1er ont conduit à l’adoption d’une nouvelle formulation qui me semble lever les doutes.

Enfin – nous en débattrons –, le Sénat a souhaité étendre aux polices municipales les cadres d’usage des armes prévus aux premier et cinquième alinéa de l’article 1er. Si je m’en suis remis à la sagesse de la Haute Assemblée s’agissant du premier alinéa, j’ai fait part de mon profond désaccord quant au cinquième. Nous devons en effet veiller scrupuleusement à ne pas glisser vers une confusion des missions, cette vigilance n’excluant nullement, et le Gouvernement l’a montré, une attention particulière au cadre d’exercice des policiers municipaux. Je n’oublie ni Clarissa Jean-Philippe, ni Aurélie Fouquet.

Mais nous y reviendrons au cours du débat, comme nous reviendrons sur la disposition que souhaite introduire M. Fenech et qui permettrait aux policiers et aux gendarmes porteurs de leur arme hors service de pénétrer dans un établissement privé accueillant du public sans que l’exploitant puisse s’y opposer. Je comprends le souhait que vous exprimez, monsieur le député, mais il me paraît délicat à concrétiser pour des raisons que j’aurai l’occasion de développer au cours de l’examen du texte.

Je voudrais également, mesdames et messieurs les députés, aborder les autres dispositions du texte.

Le projet de loi entend compléter des dispositions de la loi Savary du 22 mars 2016, relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs. Il se propose notamment de tirer les conséquences des enquêtes administratives visant les salariés qui occupent des emplois en lien direct avec la sécurité des personnes au sein de certaines entreprises de transport. Le Sénat a introduit des garanties supplémentaires.

Je comprends parfaitement les interrogations que vous avez exprimées sur le caractère obligatoire ou facultatif du licenciement du salarié occupant un emploi pour lequel un avis d’incompatibilité aura été émis ; je les ai eues également, monsieur le rapporteur. Le Conseil d’État est d’avis qu’en raison de considérations de sécurité publique, le licenciement doit être automatique. Si le Gouvernement n’a pas fait ce choix dans la rédaction initiale du projet de loi, c’était pour laisser ce débat prospérer au Parlement. La commission des lois a tranché et le Gouvernement n’entend nullement revenir sur cette décision.

Si le développement des enquêtes administratives permis par la loi du 22 mars 2016 est pertinent, je veux néanmoins mettre en garde contre la tentation d’un recours trop large à cet outil, qui n’a de véritable pertinence que pour certaines professions présentant un risque particulier et à la condition que le volume des enquêtes permette d’en préserver la qualité.

C’est ce même souci d’efficacité qui me conduit à vous inviter à la plus grande prudence dans l’élargissement du partage de l’information en matière de prévention de la radicalisation et de lutte contre le terrorisme. Si les sénateurs ont introduit des possibilités bienvenues de partage encadré de l’information entre autorités judiciaires et autorités administratives, ils ont rejeté un amendement relatif à la transmission des fiches dites «fiches S » aux maires. Ces fiches – je veux, là encore, être précis – résultent d’une activité de renseignement et celle-ci doit rester une prérogative exclusive de l’État, comme le rappelle d’ailleurs la loi relative au renseignement du 24 juillet 2015.

L’activité de renseignement, mesdames et messieurs les députés, se nourrit d’informations confidentielles venant notamment de services étrangers. Toute action qui laisserait à penser que le résultat de ces échanges n’est pas hermétiquement protégé nuirait gravement à la collaboration entre services de renseignement. Le travail de renseignement ne peut s’inscrire que dans un impératif de confidentialité qui conduit à limiter le partage d’information aux strictes nécessités. Vouloir partager le renseignement, c’est remettre en cause l’activité de renseignement en prenant le risque de dévoiler à ceux qui sont surveillés qu’ils le sont effectivement. Pour ces raisons essentielles – j’espère avoir l’occasion de vous en convaincre au cours du débat –, il ne me paraît pas opportun de partager ces informations avec les collectivités locales.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion