Intervention de Anne Hidalgo

Réunion du 1er février 2017 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Anne Hidalgo, maire de Paris :

Je vous remercie. Je suis très heureuse d'être parmi vous et de retrouver les nombreux visages connus, et amis, de ceux avec qui, quelle que soit leur famille politique, j'ai plaisir à discuter et à partager des projets. Je tiens à saluer particulièrement deux anciennes ministres des sports, Valérie Fourneyron et Marie-George Buffet, qui jouent un rôle important dans la candidature de Paris. Je salue également mon collègue de Marseille, Dominique Tian : il fallait un projet aussi fédérateur que les Jeux olympiques pour rassembler nos deux villes – et pour que leurs maires se décernent mutuellement la médaille de leur ville respective !

La réunion de cette commission – parmi toutes les autres – n'est pas un hasard : vous débattez de la culture, de l'éducation, du sport et de la jeunesse. Or, cette candidature recouvre tous ces sujets parce que c'est celle de Paris, mais aussi parce que sport et culture sont liés et parce que nous avons voulu un projet très fédérateur pour l'ensemble de la société française et pour la jeunesse. Le lieu est donc tout indiqué pour évoquer cette candidature et la défendre, comme vous le faites tous sur l'ensemble du territoire.

Nous avons décidé de présenter cette candidature après trois échecs. Elle était évoquée au lendemain des élections municipales, et nous avons souhaité procéder avec sérieux. J'ai abondamment discuté avec Jean-François Lamour et Guy Drut qui, comme moi, avaient connu la candidature précédente et qui, comme moi, avaient besoin de poser un regard pleinement objectif : si nous nous engagions dans une nouvelle candidature, c'était pour gagner. Restait à savoir comment faire pour tirer le meilleur parti de l'expérience de nos candidatures précédentes tout en évitant de commettre certaines erreurs.

Pour y parvenir, nous avons eu la chance de rencontrer un mouvement sportif et des personnes – je pense en particulier à Tony Estanguet et Bernard Lapasset – qui ont su le fédérer pour poser ces questions et échanger avec les responsables politiques, d'abord au niveau de l'État – le Président de la République – puis au niveau de la ville, puisqu'il revient au maire de la ville candidate de signer le projet de candidature avec le comité national olympique. Or, Tony Estanguet et Bernard Lapasset ont su analyser avec sérieux la manière dont, en cas de candidature, nous parviendrions à gagner. Ils ont associé à ce travail non seulement les sportifs mais aussi de nombreux acteurs de la vie culturelle et du monde économique ainsi que les pouvoirs publics. En février 2015, ils ont proposé un projet non pas sur l'organisation détaillée des sites, qui a été pensée plus tard, mais sur la philosophie et la méthode à employer pour réussir.

J'ai alors souhaité, si nous décidions de défendre tous ensemble cette candidature, que le consensus soit assuré. Un tel projet ne saurait se fracasser sur la confrontation démocratique parfaitement légitime qui se profile, à l'approche d'une échéance électorale majeure. Il fallait donc bâtir un consensus tout en élaborant un projet suffisamment fédérateur pour tous.

L'expérience prouve qu'un référendum sur la question des Jeux peut tuer une candidature, comme ce fut le cas à Hambourg ; de même, à Rome, c'est l'opinion publique qui a incité la maire à renoncer à la candidature de sa ville. Avec les sportifs impliqués, j'ai donc souhaité partir des conseils municipaux du Grand Paris et des conseils d'arrondissement de Paris, afin que les assemblées délibérantes concernées débattent, se prononcent par un vote et s'engagent. L'Association des maires de France a relayé cette idée de délibération dans l'ensemble des conseils municipaux. Désormais, c'est l'union sacrée : chacun s'est engagé à ce que cette candidature ne soit aucunement affectée par les échéances électorales et le jeu politique ordinaire. L'unité de la candidature française est d'ailleurs visible et très remarquée à l'échelle internationale et au Comité international olympique (CIO) : loin d'être un simple affichage, elle donne l'image d'un projet défendu avec authenticité, ce qui lui confère une grande force.

Ensuite, cette candidature devait selon moi servir un projet de transformation urbaine et un projet pour la jeunesse. À l'évidence, ce n'est pas à Paris que la transformation urbaine doit produire ses principaux effets puisque la ville dispose déjà de presque tous les équipements. Le territoire dont il est nécessaire d'accélérer la transformation – dans le cadre de la construction de la métropole – est la Seine-Saint-Denis, territoire stratégique parce qu'il est le plus jeune et cosmopolite de France, mais aussi parce qu'il se trouve au contact géographique des grands bassins de vie et d'emploi du nord de l'Europe. Là encore, l'idée que la Seine-Saint-Denis soit la première bénéficiaire des transformations a fait consensus et s'est traduite dans le choix des sites : le village olympique à L'Île-Saint-Denis – où il deviendra ensuite un magnifique quartier – et la piscine olympique – le seul grand équipement qui nous manque – en face du Stade de France, auquel elle sera reliée par une passerelle, sur des terrains appartenant à la ville de Paris et occupés par Engie. Une négociation avec ce groupe et avec la Plaine-Saint-Denis a permis de libérer ces parcelles et de s'assurer que leur transformation serait utile à la population locale. Le village des médias, qui accueille une forte affluence pendant toute la compétition, se trouvera au Bourget, sur le territoire « Paris, terres d'envol ». Tous ces développements très intéressants se feront en lien avec la stratégie préexistante de construction du Grand Paris. Ajoutons que c'est à Marseille qu'il a été décidé après débat de situer les activités nautiques : les sites retenus sont spectaculaires et magnifiques. Marseille, en outre, apporte un argument supplémentaire au projet : l'ouverture sur la Méditerranée et sur l'Afrique.

C'est non seulement autour de la transformation de la Seine-Saint-Denis que se bâtit notre candidature, mais aussi en forme d'espoir pour la jeunesse. J'aime le sport, je le pratique et je suis entourée de sportifs, mais un autre argument a motivé ma décision de présenter la candidature de Paris : après les attentats de 2015, j'ai pris conscience que toute une jeunesse française avait besoin d'espoir et qu'aucun événement n'était plus fédérateur – et d'une envergure planétaire – que les Jeux olympiques. La jeunesse française, qui a des origines partout dans le monde et qui, parfois, ne sait guère où elle habite, pourrait ainsi se retrouver avec les adultes pour s'engager en faveur d'une vision optimiste de l'avenir. Les Jeux, en effet, prônent des valeurs : respect, travail, effort. Les athlètes qui soutiennent notre candidature incarnent ces valeurs et sont des modèles qui entraînent notre jeunesse vers un horizon que nous devons tous partager.

Sur le plan technique, la candidature de Paris est bien accueillie : nous avons un dossier magnifique, pour lequel nous avons abondamment sollicité l'avis des athlètes sur les choix importants, notamment celui du village olympique. Plusieurs sites étaient en compétition, mais ce sont in fine les athlètes qui nous ont incités à trancher en fonction du confort des sportifs et de ce que représente le village olympique pour les participants – un critère dont je n'ai pleinement pris la mesure qu'en me rendant à Rio. Il était donc très important de connaître les critères qui, selon les athlètes, font la réussite des Jeux en termes de confort, de conception et d'organisation du village olympique, et de partir de leur point de vue plutôt que de celui des aménageurs ou des élus locaux, chacun d'entre eux essayant de plaider pro domo – ce qui est bien normal. Guidé par l'avis des athlètes, notre dossier est non seulement crédible mais attractif.

Depuis le retrait, après référendum, de la candidature de Hambourg, puis de celle de Rome, trois villes restent en lice : Paris, Los Angeles et Budapest. Ce sont trois belles candidatures provenant, pour l'une, d'une relativement petite ville, Budapest – qui fait d'ailleurs campagne sur cet argument –, et, pour les autres, de deux mastodontes engagés dans une bataille acharnée pour gagner la confiance des membres du CIO. Notre candidature a été présentée une première fois à Doha, en novembre, lors d'une séance très positive au cours de laquelle le film que vous venez de voir ainsi qu'un autre ont été projetés. Avec Tony Estanguet, Bernard Lapasset, Teddy Riner et Denis Masseglia, nous avons fait la promotion de notre candidature qui, je le crois, plaît et attire, et qui est le fruit d'un travail très sérieux accompli dans le respect des règles fixées par le CIO auprès des fédérations internationales mais aussi de l'ensemble des membres du CIO qui incarnent un sport particulier, afin de leur présenter comment celui-ci sera traité aux Jeux de Paris.

Nous entrons cette semaine dans une nouvelle phase, puisque la campagne internationale sera lancée le 3 février. C'est ce qui explique l'utilisation de l'anglais. Je préside l'association des maires francophones et le français est historiquement la première langue du CIO grâce à Pierre de Coubertin ; néanmoins, la campagne internationale nous oblige à recourir à la langue qui est aujourd'hui la plus courante – sans pour autant perdre la nôtre – ainsi que d'autres langues d'ailleurs. C'est pourquoi Tony Estanguet a présenté notre candidature en anglais et je l'ai fait en espagnol.

Quoi qu'il en soit, nous pourrons, à partir du 3 février, promouvoir notre candidature à l'étranger. Le réseau diplomatique, les alliances françaises et instituts et lycées français du monde entier seront donc mobilisés en ce sens. Nous avons la chance de posséder ce tissu très dense qui nous permet d'être présents dans de nombreux pays. Le 8 février, le ministre des affaires étrangères réunira les ambassadeurs, qui seront eux aussi mobilisés afin qu'ils prennent toutes les initiatives nécessaires avec la communauté française de leur pays d'exercice et tous les partenaires impliqués. Lors du vote, le 13 septembre prochain à Lima, deux critères compteront : bien entendu, chaque membre du CIO se prononcera en fonction de la qualité et du sérieux du dossier, mais aussi en fonction de la ville qui donne le plus envie d'y organiser les Jeux – autrement dit, il s'agit d'un critère d'ordre émotionnel qui portera les votes vers la ville la plus attractive, la plus « en vogue ». Il nous faut aussi conduire cette bataille d'une influence mondiale sur l'attractivité de Paris et de la France, car cet élément sera déterminant. Notre dernière candidature a échoué à trois voix près ; ces trois voix peuvent basculer lors de la présentation générale et en fonction de ce qui est dit de notre pays au même moment. C'est pourquoi il est si important que notre candidature donne lieu à une union sacrée jusqu'au 13 septembre, afin que nous emportions les suffrages nécessaires à la victoire.

Nous sommes bien partis. Il nous est interdit de commenter les candidatures des autres villes en lice, et c'est d'ailleurs inutile – comme dans une élection politique, rien ne sert de parler de ses adversaires, mieux vaut tracer son propre chemin. Compte tenu du contexte géopolitique, cependant, il est vrai que Paris, à l'évidence, incarne le mieux les valeurs de l'olympisme : humanisme, accueil, ouverture au monde. Je ne vous cache pas que la manière dont Paris a accueilli des réfugiés est un élément fort, non seulement par rapport à nos convictions et nos valeurs, mais aussi parce que personne n'a oublié que le CIO a, pour la première fois, permis à une équipe de réfugiés de concourir avec les autres équipes nationales lors des Jeux de Rio en lui donnant les moyens et le personnel – kinésithérapeutes, médecins et autres – dont toute équipe a besoin pour s'entraîner. Le CIO travaille sur la question des réfugiés, en particulier la place des athlètes réfugiés. Ce que nous faisons à Paris est donc en accord avec les valeurs de l'olympisme.

Autre sujet qui en atteste : l'Agenda 2020 du CIO prévoit que les Jeux doivent être soutenables, sobres et entièrement écologiques. Or, c'est à Paris qu'a été signé l'Accord mondial sur le climat, alors même que le mouvement olympique entend se rendre utile pour relever les grands défis auxquels la planète fait face, dont celui du changement climatique. Tony Estanguet a réalisé un énorme travail avec le Fonds mondial pour la nature (WWF) sur ce sujet, de sorte que notre candidature – c'est la première du genre – soit parfaitement alignée sur l'Accord de Paris. Nous en faisons non seulement un argument de marketing, mais aussi un élément d'authenticité. L'empreinte carbone des Jeux de Paris sera mesurée et inférieure à celle des Jeux de Londres.

C'est Pierre de Coubertin qui a inscrit ces valeurs dans le patrimoine des Jeux modernes. Notre candidature est selon moi en pleine cohérence avec le rôle que le mouvement olympique veut jouer dans le monde et fait écho à l'héritage humaniste qui est au coeur des Jeux. La bataille sera rude et elle est loin d'être gagnée. La campagne internationale commence vendredi, puis plusieurs présentations auront lieu, l'une au Danemark en avril et une autre à Lausanne en juillet – ce sera l'avant-dernière devant tous les membres du CIO – et le vote final se déroulera le 13 septembre à Lima ; nous serons tous mobilisés d'ici là.

Je conclurai en vous présentant les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui. Les amateurs de rugby auront reconnu mon conseiller aux sports, Pierre Rabadan, qui fut longtemps capitaine du Stade français. Patrizianna Sparacino-Thiellay est notre nouvelle directrice des relations internationales et ma conseillère diplomatique ; ancienne ambassadrice issue du Quai d'Orsay, elle a longtemps été chargée des droits de l'homme et je suis ravie qu'elle soit la première femme à exercer ces fonctions à la ville de Paris, en particulier parce qu'elle jouera un rôle essentiel pour faire le lien avec le ministère des affaires étrangères et mobiliser nos représentations diplomatiques. Fabien Meuris, chargé de mission au secrétariat général de la ville, est le responsable de notre candidature aux Jeux et de son dossier technique et, à ce titre, est en lien permanent avec le groupement d'intérêt public (GIP) co-présidé par Bernard Lapasset et Tony Estanguet, qui anime la candidature de Paris à l'organisation des Jeux, ainsi qu'avec toutes les collectivités impliquées qui se réunissent dans le cadre d'un comité des territoires. Laurent Perrin, enfin, est mon conseiller parlementaire.

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