Intervention de Victorin Lurel

Séance en hémicycle du 9 février 2017 à 9h30
Égalité réelle outre-mer — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVictorin Lurel, rapporteur de la commission mixte paritaire :

Madame la présidente, madame la ministre des outre-mer, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, si je n’avais qu’un seul mot à dire ce matin, et sans préjuger de votre vote dans quelques instants, ce serait « merci ».

Oui, merci tout d’abord à François Hollande, car rien n’aurait été possible sans l’ambition du Président de la République. Cette ambition d’égalité réelle pour les outre-mer, nous la portons collectivement au sein de ma famille politique depuis 2006. Nous l’avons pensée, travaillée, discutée et débattue depuis de longues années. J’ose même dire que François Hollande porte la paternité du concept d’égalité réelle pour l’avoir écrit dans un opuscule du parti socialiste publié en 2007 à l’occasion de l’élection présidentielle.

Aujourd’hui, nous la concrétisons. C’est notre honneur de porter ce projet, de lui donner corps en répondant à une promesse, celle de la République.

Merci donc au Gouvernement, et singulièrement à George Pau-Langevin et à notre ministre Ericka Bareigts, qui se sont inspirées du rapport de préfiguration remis à Manuel Valls en mars 2016 pour poser les bases du projet de loi que nous discutons depuis septembre.

Parti de quinze articles dans sa version initiale, le texte s’est progressivement et substantiellement enrichi au cours de la discussion parlementaire : une centaine d’articles ajoutés par nous, députés, et une soixantaine intégrés par nos collègues sénateurs. C’est un texte dense donc, équilibré, fruit d’un accord unanime des quatorze membres de la CMP dont je salue l’esprit constructif. Je rends hommage à leur sagesse et accueille favorablement leur souhait de voter, dans les mêmes termes, le texte que nous avons co-élaboré – et je rends ici un hommage appuyé à notre collègue sénateur Mathieu Darnaud.

Merci aussi à vous tous pour votre puissant engagement, pour votre investissement, jusqu’à parfois des heures tardives, pour votre créativité dans l’invention de nouveaux dispositifs en faveur du développement de nos territoires, pour votre opiniâtreté dans la défense de vos idées.

Je remercie aussi ceux qui, comme Éric Jalton, font d’ores et déjà vivre activement ce texte en le faisant connaître dans leur circonscription. Nous avons collectivement enrichi ce texte et je crois pouvoir dire que nos échanges nous ont tous personnellement fait progresser dans nos visions et dans nos approches.

Si nous avons, je le crois, réussi à transcender nos clivages, c’est qu’au fond nous n’avons ici, dans cette enceinte, qu’une seule mission commune : ouvrir les voies au progrès en répondant à une promesse, celle de l’égalité, celle de la République.

Depuis le 17 juin 2015, date à laquelle le Premier ministre me confiait la lourde mission de dessiner les contours d’une politique volontariste de long terme pour nos territoires et de réparer les injustices, deux mots ont guidé mon action : le progrès et le respect.

Progrès quand il s’est agi de réparer des inégalités sociales devenues insupportables soixante-dix ans après la départementalisation. Soyons fiers de ce que ce gouvernement et cette majorité font en parachevant dans ce texte l’égalité sociale outre-mer à travers l’alignement de la quasi-totalité des prestations et allocations sociales sur les montants versés en France hexagonale. C’était notre souhait, c’était l’attente légitime de nos compatriotes et c’est aujourd’hui notre honneur, à gauche, de le faire.

Progrès social encore lorsque nous facilitons l’accès à l’allocation de solidarité pour les personnes âgées afin de revaloriser le niveau de vie de nos anciens. J’ai là une pensée pour mes collègues Huguette Bello et Monique Orphé.

Progrès social toujours lorsque nous supprimons la condition inique, pour les travailleurs indépendants, d’être à jour des cotisations familiales pour pouvoir percevoir les prestations familiales. C’est là l’aboutissement d’un long combat et Gabrielle Louis-Carabin doit être remerciée pour sa persévérance.

Progrès considérable pour permettre à Mayotte d’accélérer le processus de départementalisation et la mise en oeuvre de la stratégie Mayotte 2025. Ce résultat, nous le devons aussi à Ibrahim Aboubacar, porteur du texte pour le groupe SER, et Boinali Said, dont nous reconnaissons tous ici la ferveur lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts des Mahorais dans la République.

Progrès pour nos jeunes lorsque nous réintégrons l’expérimentation d’une scolarité obligatoire de trois à dix-huit ans pour lutter contre l’illettrisme et le décrochage. Grâce à cette mesure, nous sommes à l’avant-garde de ce qui pourrait un jour inspirer l’ensemble de la politique éducative au niveau national.

Progrès pour nos familles lorsque nous étendons le bénéfice de l’allocation de restauration scolaire aux lycéens, ce qui permettra de réduire le coût de revient des repas de nos enfants.

Progrès social enfin lorsque nous mettons en oeuvre l’égalité de représentativité de nos syndicats locaux. Longtemps attendue par nombre de travailleurs ultramarins et de syndicalistes, cette reconnaissance syndicale est notre oeuvre : soyons fiers de renforcer cette démocratie sociale sans pour autant porter atteinte à la représentativité des filiales des cinq centrales nationales.

Ces voies vers le progrès social une fois ouvertes, nous ne pouvions faire l’impasse sur la conquête de nouvelles opportunités en matière économique, car nous restons aussi convaincus que la première des inégalités, c’est le chômage.

Ne nous résignant pas à une quelconque forme de fatalisme, nous avons donc collectivement cherché à offrir à chacun les mêmes chances de réussir et à chaque territoire les moyens de définir ses propres voies de développement au sein de la République. Nous avons ainsi donné aux acteurs économiques et institutionnels les moyens de s’engager dans une nouvelle dynamique de croissance propre. Dans ce travail, la commission des affaires économiques a pris toute sa part. Merci à Serge Letchimy pour son engagement et ses apports précieux.

Progrès économique donc quand nous renforçons, grâce au soutien du Gouvernement, les dispositifs de continuité postale et funéraire qui permettront de donner du pouvoir d’achat et de soulager financièrement les familles endeuillées.

Progrès économique encore lorsque nous parvenons enfin à étendre le champ de collecte du fonds d’investissement de proximité FIP DOM ; lorsque nous renforçons la lutte contre la vie chère, notamment à Mayotte et en Guyane ; lorsque nous prorogeons de deux ans les zones franches d’activités et mettons sur les rails le vaste chantier de la création à terme de zones franches globales.

Progrès économique toujours lorsque nous introduisons des mesures fiscales destinées à redonner du souffle aux entreprises et à relancer la construction, éléments essentiels pour nos économies. Ce travail, nous l’avons fait pour les DOM, mais aussi pour les collectivités d’outre-mer, les COM – et je salue à ce titre l’action résolue de notre collègue Philippe Gomes.

Progrès économique enfin lorsque nous innovons en créant un Small Business Act ouvrant de nouveaux marchés à nos entreprises locales et exonérant de TVA l’activité de nos petites entreprises jusqu’à un certain seuil de chiffre d’affaires.

Au début de cette intervention j’ai parlé de progrès, mais aussi de respect.

De respect, je crois en avoir personnellement fait preuve, dans l’esprit de la feuille de route indiquée par le Président de la République. Sans vouloir le paraphraser, François Hollande m’a dit dès 2015 que la République est notre bien commun, que penser donc l’avenir commun des outre-mer en son sein commande de le faire de manière trans-partisane, et que l’égalité réelle doit transcender les statuts et les régimes législatifs. Je ne voudrais pas être dithyrambique, mais c’est la première fois dans l’histoire de la Ve République que nous traitons sur un pied d’égalité les COM et les DOM.

À l’issue de nos travaux, je crois donc avoir respecté la parole présidentielle en restant ouvert aux remarques faites par la droite de cet hémicycle. Il ne s’agit pas là d’un projet égalitariste mais bien d’une politique de réelle égalité des chances telle que Patrick Ollier l’a souhaitée au nom de sa famille politique, vision à laquelle nous avons tous souscrit.

En bons législateurs, nous avons aussi respecté la diversité des statuts et des régimes législatifs. Cette loi ouvre ainsi les voies du progrès à tous les territoires de notre République, et je tiens à remercier chaleureusement nos collègues Maina Sage, Jean-Paul Tuaiva, Jonas Tahuaitu, Daniel Gibbes, Stéphane Claireaux, Napole Polutélé, Sonia Lagarde et Philippe Gomes qui ont permis de faire avancer des sujets qui répondent aux attentes de leur peuple. Parce que notre République est indivisible, elle leur doit attention et solidarité.

Pour les DOM, je dois aussi rappeler que nous avons respecté la pluralité des situations dans lesquelles nos peuples s’inscrivent. J’ai parlé de Mayotte, mais je souhaite aussi évoquer la Guyane, en remerciant nos collègues qui ont su, avec talent et efficacité, mettre en lumière des difficultés auxquelles nos compatriotes guyanais sont confrontés au quotidien et y apporter des réponses. Je ne les citerai pas tous ici mais merci à toi, Chantal Berthelot, pour ton combat contre l’orpaillage illégal et la valorisation de nos cultures ultramarines.

Du respect, enfin, je crois que les membres de notre commission mixte paritaire en ont fait preuve, lundi, en supprimant la notion de risque négligeable pour l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Nous respectons par-là la souffrance d’un peuple, l’engagement d’élus locaux et la parole présidentielle – je me permets de saluer la délégation polynésienne présente ici, avec le président Édouard Fritch. Par cette avancée, que j’ose qualifier d’historique, nous ne sombrons ni dans le dolorisme, ni dans l’irresponsabilité budgétaire, ni dans la déloyauté politique vis-à-vis du Gouvernement, ni dans quelque forme de prétendu chantage victimaire. Nous respectons là le vécu d’un peuple. Nous respectons la fraternité et la solidarité que la République doit à tous ses enfants. Je sais que le Gouvernement nous a entendus, et j’espère compris, madame la ministre.

Mesdames, messieurs, je conclurai avec une chose simple : cette loi sera une grande et belle loi. Soyons-en fiers. Défendons-la. Faisons-la vivre et soyons collectivement fiers d’avoir pu nous hisser à la hauteur de la promesse. Tout à l’heure, nous ferons, à notre échelle, avancer l’histoire des outre-mer et je suis persuadé que le Gouvernement sera fier de ce que votera cette assemblée dans le respect de son travail et du consensus unanime patiemment construit en commission mixte paritaire.

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