Intervention de Risto Piipponen

Réunion du 1er février 2017 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Risto Piipponen, ambassadeur de Finlande en France :

Merci pour votre invitation.

Pour ma part, je vous expliquerai comment la Finlande perçoit la situation sécuritaire dans son environnement proche et comment elle fait face aux défis induits par l'évolution de celle-ci. Mon analyse se fonde sur le Livre blanc sur la politique étrangère et de sécurité que le Gouvernement finlandais a soumis au Parlement en juin 2016. Celui-ci sera complété ce mois-ci par un autre Livre blanc sur la politique de défense, dont le contenu n'est pas encore connu.

Autrefois, la sécurité dans la région avoisinante de la Finlande était fondée sur la coopération entre les pays, celle-ci s'appuyant sur des principes communs ainsi que sur des traités internationaux et d'autres mesures de confiance renforçant la sécurité. Cette sécurité basée sur la coopération est toutefois mise à mal, voire ébranlée par la Russie. Les objectifs et les intentions exactes de celle-ci demeurent incertains, mais il semble que ses actions soient dictées par des concepts d'identité de grande puissance et de sphère d'influence.

Le développement sécuritaire en Europe s'est affaibli ces dernières années. La Russie a annexé illégalement la Crimée et engendré un conflit en Ukraine de l'est. La tension s'est accrue dans la région de la mer Baltique aussi, et l'on y assiste à un essor de l'activité militaire. De même, la Russie a renforcé sa présence et s'est montrée plus active dans la région arctique, bien que la situation y demeure, comme nous venons de l'entendre, relativement stable. En même temps, le développement interne de la Russie est inquiétant. Le Gouvernement russe tente de lutter contre l'instabilité interne, ce qui met en péril les valeurs telles que la démocratie, l'État de droit et les libertés citoyennes.

Promouvant ses propres intérêts, la Russie emploie une large palette de moyens, tant militaires que non militaires. En effet, la Russie fait usage d'une pression politique mais aussi économique et militaire, et recourt à différentes formes de guerre cybernétique et de l'information, et à des combinaisons de celles-ci, sans oublier d'autres moyens d'influence hybride, l'objectif étant de créer une pression et d'engendrer des dommages, de l'incertitude et de l'instabilité chez le tiers faisant l'objet de ces mesures.

Les agissements de la Russie ont conduit l'OTAN à mettre en exergue la consolidation de la dissuasion et de la défense commune. En réponse à la détérioration de la situation sécuritaire, l'OTAN s'efforce de stabiliser la région de la mer Baltique, tout en se préparant au déclenchement éventuel d'une crise militaire. Le renforcement des capacités de défense et le soutien accordé aux pays baltes et aux autres États membres de l'Est de l'Alliance jouent désormais un rôle central dans l'activité de l'OTAN.

Ce contexte de sécurité plus tendu a naturellement des répercussions directes pour la Finlande. La rapidité des changements et l'imprévisibilité caractérisent notre environnement de politique étrangère et de sécurité en mutation.

Quels sont alors les priorités et les objectifs de la politique de sécurité de la Finlande ? Ils peuvent être résumés en quatre points, à savoir, une défense nationale crédible qui se fonde sur la conscription générale ; la participation à l'intégration occidentale, les partenariats bilatéraux ainsi que le partenariat avec l'OTAN ; des relations franches et constructives avec la Russie ; le renforcement du système international basé sur des règles communes.

La conscription générale constitue le pilier de notre défense. La Finlande a été suffisamment prévoyante pour maintenir en vigueur ce dispositif que nombre d'États ont abandonné, et cette décision s'est révélée sage. En effet, d'après une récente enquête Eurobaromètre, 91 % des Finlandais font confiance à l'armée. Ce chiffre est de loin le plus élevé en Europe.

Une défense crédible constitue un frein efficace à d'éventuels projets d'invasion militaire, mais elle fait aussi de la Finlande un partenaire intéressant au plan international.

Une défense crédible suppose que nous préservions nos capacités d'action et notre niveau d'armement. Les forces terrestres ont déjà fait l'objet de réformes visant à renforcer nos capacités militaires. Dans les prochaines années, la Finlande effectuera également d'importantes acquisitions dans les domaines de la marine et des forces aériennes.

Le budget de la défense de la Finlande s'élève à 1,3 % du PIB. Celui-ci est encore plus élevé si l'on emploie la méthode de calcul de l'OTAN. En comptant les acquisitions futures de la marine et des forces aériennes, la part des dépenses du PIB s'élève à 2 %.

La Finlande est un pays générateur de sécurité. La participation active à la coopération internationale est conforme aux intérêts de la Finlande et constitue une preuve qu'elle prend part à la responsabilité globale. Actuellement, la Finlande n'appartient à aucune alliance militaire, mais elle se montre active dans l'établissement de contacts à l'échelle internationale, tout en gardant la possibilité d'une alliance militaire.

La Finlande soutient pleinement le développement de la coopération européenne de défense. Dans ce domaine, elle partage les vues de la France. La Finlande considère qu'il ne faut a priori rien exclure de la coopération, mais au contraire identifier des mesures qui pourraient faire l'objet d'une mise en oeuvre commune. Il va de soi que le développement des capacités militaires nécessite une base technologique et industrielle performante ainsi que des mesures de sécurité de l'approvisionnement en Europe.

La solidarité mutuelle est également importante. La clause d'assistance mutuelle de l'Union européenne a une forte signification en matière de politique de sécurité. En tant que membre de l'Union européenne, la Finlande ne saurait se tenir à l'écart si la sécurité dans ses régions avoisinantes ou ailleurs en Europe était menacée. Aussi la Finlande a-t-elle été parmi les premiers pays à répondre positivement à la demande de renforts de la France sur la base de l'article 42.7. En effet, elle a proposé de mettre à la disposition de la France des ressources humaines afin de permettre à celle-ci d'affecter ses propres ressources à la lutte contre le terrorisme et aux opérations conduites dans les régions voisines.

L'OTAN est un acteur central dans la promotion de la sécurité et de la stabilité tant transatlantique qu'européenne. La Finlande souhaite mener avec l'OTAN un partenariat de grande envergure ayant vocation à évoluer. Ceci présuppose un dialogue politique régulier ainsi qu'une coopération d'ordre pratique, par exemple sous forme de participation de la Finlande aux opérations de gestion de crise, à la planification des activités relatives aux opérations, à la formation et à l'entraînement de l'OTAN, ainsi qu'à la coopération en matière de cyber-sécurité.

Parallèlement, il importe à la Finlande que l'adhésion à l'OTAN demeure ouverte à tous les États européens qui possèdent la capacité et les moyens de promouvoir les objectifs du traité de l'Atlantique Nord, dont la Finlande.

Parmi les pays avec lesquels la Finlande mène une coopération bilatérale, la Suède a un statut particulier. La Finlande est disposée à promouvoir une coopération concrète et pratique avec la Suède, sur la base d'intérêts communs et sans restrictions. La coopération avec les autres pays nordiques est également importante pour la Finlande.

Avec les États-Unis, la Finlande a renforcé la coopération pour les matériels et l'entraînement.

Dans sa relation avec la Russie, la Finlande met l'accent sur la coopération et le maintien du dialogue. Ce dialogue est d'autant plus important que nous partageons une frontière commune de plus de 1 300 kilomètres. Il porte non seulement sur les questions concernant la région de la mer Baltique et la situation internationale mais aussi sur des questions bilatérales.

Une coopération renforcée entre l'Union européenne et la Russie permettrait d'améliorer la sécurité et de dynamiser l'économie dans toute l'Europe, ce qui présuppose toutefois que la Russie respecte le droit international et ses autres engagements internationaux, ce qui n'a pas été le cas ces dernières années.

Lorsque nous examinons les relations entre l'Union européenne et la Russie, nous devons garder en mémoire les raisons qui ont conduit l'Union à imposer des sanctions à la Russie. Celles-ci ont été imposées à la suite de l'annexion de la Crimée et du conflit dans l'est de l'Ukraine. La mise en oeuvre des accords de Minsk est donc nécessaire pour l'amorce de la levée des sanctions. L'unité de l'Union européenne est ici importante. Dans ce contexte, je veux remercier la France, qui s'est montrée active dans l'initiation du processus de Normandie et le maintien des négociations.

En dépit des sanctions, nous pouvons poursuivre une coopération pratique et transfrontalière avec la Russie. Il est par exemple important de faciliter les contacts directs entre la société civile et les citoyens.

De même, les questions relatives à la mer Baltique et à la région arctique continuent de faire l'objet de différentes formes de coopération, sans que celle-ci soit entachée par la situation sécuritaire tendue. Les activités du Conseil des États de la mer Baltique, du Conseil euro-atlantique de Barents et du Conseil de l'Arctique en constituent des exemples concrets.

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