Intervention de Veronika Wand-Danielsson

Réunion du 1er février 2017 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Veronika Wand-Danielsson, ambassadeur de Suède en France :

Je vous remercie de nous permettre de décrire notre politique de sécurité et de défense, les défis nouveaux auxquels nos trois pays sont confrontés et les mesures que nous avons prises aux niveaux national, régional et international. De nombreux Français, et même des Suédois, pensent que la Suède est encore un pays neutre ; je commencerai donc par brosser l'historique rapide de notre politique de sécurité et de défense.

Dans la période de l'après-guerre, la Suède avait opté, comme d'autres pays, pour une politique de non-alignement militaire en temps de paix et de neutralité en temps de guerre. Après plus de 200 ans de paix en Suède, la politique de neutralité était très fortement ancrée chez les citoyens suédois, et elle continue de l'être.

Pour rendre cette politique crédible, la Suède s'est dotée d'une défense nationale forte, son industrie de défense construisant ses propres avions de chasse et ses propres sous-marins grâce à un budget de la défense compris entre 3 et 3,5 % du PIB. Il en est allé ainsi jusqu'au milieu des années 1980 et la chute du Mur de Berlin.

À la fin de la guerre froide, l'Europe changea, et notre politique de sécurité évolua. Avec l'adhésion de la Suède à l'Union européenne, en 1995, la politique de neutralité fut abandonnée. Si nous restions militairement non-alignés en n'adhérant pas à l'OTAN, nous ne voulions plus être politiquement neutres mais pleinement associée à l'élaboration des positions de l'Union européenne. Depuis notre entrée dans l'Union, nous avons activement contribué au développement de la politique européenne de défense et de sécurité. La Suède est l'un des rares pays membres qui ont participé à toutes les missions de l'Union européenne, civiles et militaires : au Tchad, en République centrafricaine, au Mali, et encore le long des côtes de la Somalie dans le cadre de l'opération Atalante de lutte contre la piraterie maritime.

Un pas décisif fut pris en 2009 par le Gouvernement et le Parlement suédois, avec l'adoption d'une « clause de solidarité suédoise » visant à rendre notre législation conforme à l'article 42.7 du Traité de Lisbonne. Par cette clause, la Suède déclare qu'elle ne restera pas passive si une catastrophe ou une attaque frappe un autre pays membre de l'Union européenne ou un autre pays nordique – car la Norvège, non-membre de l'Union, n'est pas couverte par cet article du traité. La clause précise que nous nous attendons à ce que ces pays agissent de même si la Suède se trouve dans une telle situation.

Cette nouvelle doctrine de sécurité a rompu une fois pour toutes avec la politique de neutralité de la Suède. En parallèle, nous avons développé au cours des vingt dernières années notre collaboration avec l'OTAN dans le cadre du Partenariat pour la paix et du Conseil de partenariat euro-atlantique. Entre 1995 et 2015, nous avons approfondi cette relation par notre participation active aux opérations militaires de l'OTAN dans les Balkans, au Kosovo, en Afghanistan et en Libye. Nous restons présents au sein de la Force pour le Kosovo (KFOR) et en Afghanistan dans la « mission de soutien déterminé » – Resolute Support.

Notre coopération avec l'OTAN était également importante, et le demeure, pour le développement de nos capacités militaires et de leur interopérabilité avec celles des pays avancés de l'Alliance, notamment les États-Unis, par des exercices conjoints : en effet, les défis militaires à venir ne manquaient pas, puisque des projections étaient envisagées dans certains pays d'Afrique, d'Asie et du Moyen Orient.

Pensant l'Europe stable et en paix, la Suède a réduit sa défense territoriale au minimum, mis un terme à la conscription et fortement diminué son budget militaire, qui représente aujourd'hui quelque 1,1 % de son PIB. Les forces armées suédoises ont été reconfigurées, comme dans beaucoup de pays membres de l'OTAN, en unités plus petites, flexibles et réactives, prêtes à être déployées rapidement dans des régions lointaines.

Voilà où nous en étions au printemps 2014, quand le vent a tourné. La crise géorgienne, en 2008, avait été un premier avertissement, mais l'annexion illégale de la Crimée et l'attaque de l'Ukraine par la Russie ont sonné le véritable réveil, nous conduisant à revoir profondément notre politique de sécurité et de défense nationale.

La Suède considère que la crise avec la Russie, car c'est bien de cela qu'il s'agit, est le plus grave des défis sécuritaires pour notre pays, pour la région de la mer Baltique et pour l'Europe dans son ensemble. L'annexion de la Crimée et l'invasion du Donbass ukrainien constituent une violation manifeste du droit international qui déstabilise la sécurité européenne. À cela s'ajoute le renforcement considérable de l'armement russe, la Russie allouant plus de 4 % de son PIB à son budget de défense.

Cette évolution n'est pas restée sans conséquences pour la Suède. Comme le font beaucoup de pays membre de l'OTAN, nous augmentons à nouveau, et substantiellement, notre budget de défense : de 17 milliards de couronnes suédoises par an pour la période 2016-2020, soit une hausse de 11 %. Ces ressources supplémentaires sont prioritairement consacrées à des investissements dans les équipements destinés à la défense de notre territoire et, à court terme, au renforcement de notre défense aérienne. Nous réfléchissons au rétablissement de la conscription à peine abolie et nous visons à approfondir la coopération bilatérale avec des pays jugés stratégiques pour notre sécurité, à commencer par les pays nordiques – singulièrement avec la Finlande, comme mon collègue vient de le rappeler – mais aussi avec les États-Unis, que nous considérons comme un partenaire indispensable.

Nous participons bien sûr activement aux efforts continus de l'Union européenne mais aussi aux travaux d'institutions internationales telles que l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et l'Organisation des Nations unies où, comme vous le savez, la Suède siège au Conseil de sécurité depuis le 1er janvier 2017.

Quand, après les attentats commis à Paris en novembre 2015, la France a invoqué l'article 42.7 du traité de Lisbonne, la Suède l'a immédiatement assurée de son soutien ; notre contribution a été parmi les plus rapides et les plus importantes, et cet appui se poursuit.

Nous avons aussi renforcé notre coopération avec l'OTAN par le biais d'un accord « de soutien fourni par le pays hôte » – Host Nation Support – approuvé par le Parlement suédois. Cet accord, exceptionnel au regard de l'historique que j'ai retracé, autorise les pays alliés à baser des troupes et des équipements militaires sur le territoire suédois en temps de crise. Cela permet à la Suède d'apporter une assistance militaire à l'OTAN et d'en recevoir une de sa part en cas de crise, notamment dans la région de la mer Baltique. L'accord prévoit aussi que la Suède peut accueillir sur son territoire des exercices militaires décidés d'un commun accord.

La Suède souligne la nécessité de défendre la politique de sécurité euro-atlantique et aussi, bien sûr, de renforcer les capacités de défense européennes et de se soutenir mutuellement en temps de crise, pour la défense de nos démocraties, de l'État de droit et de nos valeurs communes si souvent menacées et qu'il est essentiel de sauvegarder.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion