Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 14 février 2017 à 15h00
Réforme de la prescription en matière pénale — Présentation

Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, c’est donc une nouvelle étape dans la discussion d’un texte auquel les deux chambres ont montré un commun attachement. À ce stade de nos travaux, il n’est donc pas utile de revenir en détail sur les raisons pour lesquelles nous nous retrouvons.

Au nom du Gouvernement, je veux simplement redire notre intérêt pour le travail conduit en 2015 par Alain Tourret et Georges Fenech, qui ont entamé leurs travaux – il s’agissait, à l’époque, d’une mission d’information – dans un scepticisme généralisé : beaucoup pensaient que ce travail ne pouvait être mené à son terme. Pourtant, ils avaient raison de nous engager dans une réforme nécessaire, tant le droit de la prescription, hérité du code d’instruction criminelle de 1808, était devenu complexe, inadapté à l’exigence de répression des infractions, notamment criminelles, et insuffisamment respectueux du principe de sécurité juridique. Leur détermination, mais aussi la qualité de leurs propositions, ont eu raison de toutes les fatalités.

J’ai retrouvé dans les cartons de la Chancellerie un avant-projet de réforme du code de procédure pénale, soumis à concertation par Mme Michèle Alliot-Marie, alors garde des sceaux. Ce texte proposait déjà une réécriture, notamment, de dispositions encadrant la prescription pénale, mais il est resté lettre morte ; la complexité du sujet est telle que les propositions apparaissaient soit audacieuses soit insuffisamment claires.

Le présent texte, qui a déjà été adopté à deux reprises par votre assemblée – le 10 mars 2016 et le 12 janvier de cette année – s’efforce donc de répondre à l’inadaptation du cadre juridique actuel, afin de mieux protéger les intérêts de la société tout entière. Son adoption définitive était déjà possible lors de notre dernier débat, le 12 janvier, mais une disposition voulue par le Sénat et adoptée par la commission des lois de l’Assemblée nationale a nécessité une prolongation des échanges. Le Gouvernement avait dit son hostilité à cette mesure, parce qu’elle touchait à l’équilibre fragile, complexe, subtil de la loi de 1881. Nous avions pris acte de la divergence entre les deux assemblées – non pas entre l’opposition et la majorité, mais entre l’Assemblée nationale et le Sénat – et j’avais pris, au nom du Gouvernement, un engagement de moyens : j’avais ainsi indiqué que le Gouvernement s’engageait à « utiliser tous les moyens pour que l’Assemblée nationale soit à nouveau saisie ». Tel est l’objet de cette nouvelle lecture, après une commission mixte paritaire qui n’a pas abouti. Le Gouvernement souhaite, à présent, que ce texte termine son cheminement.

La procédure suivie appelle d’ailleurs de ma part, en tant que garde des sceaux mais aussi d’ancien parlementaire, attaché aux droits et devoirs du Parlement, ainsi qu’au bicaméralisme, quelques observations. En effet, cette proposition de loi, qui est le fruit d’un – rare – travail transpartisan, n’est-elle pas l’illustration des critiques qui, parfois, stigmatisent la lourdeur de la procédure parlementaire ? N’y aurait-il place, dans l’avenir, pour une procédure qui ne s’inscrirait pas nécessairement dans le droit commun, et qui correspondrait à une situation du type de celle qui est l’objet de cette proposition de loi ? Ne faudrait-il pas réfléchir, pour la prochaine législature, à une procédure plus souple – une procédure qui permettrait aux différentes assemblées de se concentrer sur les textes nécessitant vraiment un débat en séance publique, une procédure permettant de libérer les trop nombreux créneaux qui encombrent vos ordres du jour, alors que le résultat final est déjà connu ? De fait, comment ne pas considérer comme stérile une navette parlementaire qui se résume à ce qu’une chambre défasse ce que l’autre chambre a fait ?

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