Intervention de Yves Goasdoue

Séance en hémicycle du 15 février 2017 à 15h00
Sécurité publique — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Goasdoue :

Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, chers collègues, il m’incombe de faire le point sur les travaux de la commission mixte paritaire qui s’est réunie lundi après-midi au Sénat. Nous avons, avec le rapporteur nommé par le Sénat, François Grosdidier, qui s’est beaucoup investi dans l’élaboration de ce texte, fait un bon travai. Le dialogue entre les commissions des lois de l’Assemblée et du Sénat a été constructif et cela a permis à la CMP d’être « conclusive » – ce qui signifie dans notre jargon qu’un accord a été trouvé entre les deux chambres.

Les points de désaccord qui subsistaient ont été levés. Il s’agissait notamment du champ d’application du régime d’usage des armes défini dans un projet d’article modifiant le code de la sécurité intérieure, la question étant de savoir s’il devait ou non être étendu aux policiers municipaux – je reviendrai sur ce point. Il y avait également désaccord sur la procédure d’identification administrative des enquêteurs, appellation plus juste sur le plan juridique que celle d’anonymat, ou encore sur la définition de la sécurité périmétrique des établissements pénitentiaires.

Philippe Bas, président de la commission des lois du Sénat, a proposé en commission mixte paritaire une disposition visant à rétablir le délit de consultation habituelle de sites djihadistes. Cette proposition – je dois le dire en toute objectivité – a provoqué un débat très intéressant et suscité des réserves assez vives chez certains membres de la commission mixte paritaire. Cet amendement a cependant été adopté, ou plus exactement la commission mixte paritaire ne s’est pas opposée à son adoption.

Pour mémoire, cette infraction a été introduite par la loi renforçant la lutte contre le crime organisé du 3 juin 2016, contre l’avis du rapporteur du texte, Pascal Popelin – que je salue –, et de la majorité, dans le cadre d’un accord global élaboré en commission mixte paritaire.

Le président de la commission des lois du Sénat entendait tirer les conséquences d’une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 10 février 2017. Par celle-ci le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité – QPC –, a jugé que la création d’un tel délit portait atteinte à la liberté de communication et qu’elle n’était ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée, ce qui, vous en conviendrez, mes chers collègues, laisse assez peu de portes d’entrée pour corriger ce texte.

Le président Bas s’y est néanmoins essayé en proposant un texte très travaillé, je dois le reconnaître, qui définit l’infraction en assortissant la consultation habituelle de sites djihadistes de la condition d’une manifestation d’adhésion à l’idéologie exprimée et d’une définition plus précise du motif légitime susceptible d’empêcher sa répression – informer si l’on est journaliste ou s’informer si l’on est parlementaire, par exemple.

Ce dispositif a été accepté et je vais vous dire ce que j’en pense en toute honnêteté, comme je l’ai fait en commission mixte paritaire. Je ne suis pas certain – qui peut l’être ? – qu’il résisterait à une nouvelle QPC mais je ne m’opposerai pas à son adoption parce que les garanties qui accompagnent ce texte sont telles qu’il ne peut plus nuire à grand monde, pour parler un peu simplement. Toute négociation en commission mixte paritaire doit faire la part du dialogue et celle des concessions réciproques des deux assemblées.

J’en viens au fond, éminemment plus important à mes yeux, et d’abord à l’extension de la nouvelle législation relative à l’usage des armes aux policiers municipaux. J’ai exactement la même position que vous, monsieur le ministre : il n’est pas possible d’étendre l’intégralité du régime défini par le nouvel article du code de la sécurité intérieure aux polices municipales, en particulier les dispositions relatives au « périple meurtrier » et je tiens à expliquer pourquoi aux Françaises et aux Français qui nous regardent.

Pour qu’il y ait périple meurtrier il faut qu’il y ait danger imminent de commission d’un nouveau crime par un individu en fuite ou en déplacement après avoir commis ou tenté de commettre un assassinat. Tout cela devrait donc être connu des membres des forces de l’ordre susceptibles de faire usage de leur arme. Quand on sait que presque aucune police municipale de France n’utilise la même boucle radio que la police nationale ou la gendarmerie nationale et ne peut donc disposer de telles informations, on ne propose pas ce genre de choses, même si on peut comprendre les policiers municipaux, exposés autant que les autres et au même titre que les autres.

En revanche, conscients de la portée symbolique de cette mesure, nous avons accepté que l’alinéa 1er de ce nouvel article, qui protège l’ensemble des forces de l’ordre et reprend les dispositions relatives à la légitime défense, soit étendu aux polices municipales.

S’agissant de l’identification administrative des enquêteurs exposés à des risques de représailles, le Sénat souhaitait que tous les délits et les crimes soient concernés. J’ai exposé longuement aux syndicats de police qu’une telle disposition serait un leurre, dans la mesure où elle portait une atteinte manifestement exagérée au principe du contradictoire ainsi qu’aux droits de la défense et qu’elle ne résisterait pas à la première QPC.

Il me semblait plus respectueux à leur égard et plus conforme à leurs attentes de les protéger au travers d’une mesure inattaquable sur le plan juridique. Cette mesure a donc été limitée, avec l’accord du Sénat, aux procédures portant sur un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement ou au cas où le mis en cause serait considéré comme particulièrement dangereux. Les conditions définies par notre assemblée ont été maintenues : l’autorisation doit être délivrée par un responsable hiérarchique « d’un niveau suffisant » – chacun pense aux commandants de groupement ou aux directeurs départementaux de la sécurité publique – et elle doit être motivée.

Concernant la sécurité périmétrique des établissements pénitentiaires, les sénateurs, se rangeant avec sagesse aux observations du garde des sceaux et à celles que j’ai pu leur faire parvenir par écrit, ont conservé la notion d’emprise foncière affectée au service public pénitentiaire, à l’exclusion des abords immédiats. Autoriser de tels contrôles dans les abords immédiats des établissements – qui recouvrent, dans les zones urbaines, la voie publique – serait risquer de mettre des personnels non formés en contact direct avec des publics qui n’ont rien à voir avec la prison.

Dernier point, qui n’est pas de détail, nous nous sommes mis d’accord pour supprimer l’article 9 ter, relatif à une ordonnance portant sur le blanchiment et le financement du terrorisme. Très honnêtement, le texte était trop compliqué ; les dispositions qu’il contenait auraient mérité un projet de loi dédié et auraient dû être soumises à l’examen des commissions des finances des deux chambres.

Ce projet de loi ne se limite pas à ces dispositions. Il vise aussi à protéger les citoyens. Il permet d’examiner la situation de personnes qui risqueraient d’exposer les autres de manière très particulière dans le domaine des transports. Il permet de renforcer le contrôle des personnes de retour de Syrie ou d’Irak. Il vise à rendre plus fluides les échanges d’informations entre le monde judiciaire et les services spécialisés de renseignement. Il permet aussi de protéger les jeunes qui reviennent de Syrie ou d’Irak. Ces jeunes sont-ils perdus pour la République ? Je crois que non. Devons-nous les garder à l’oeil ? je crois que oui et ce texte le permet.

Enfin, il comporte une disposition assez méconnue, qui crée un statut hybride entre le statut de militaire et celui de stagiaire de la formation professionnelle. Je crois beaucoup dans ce dispositif : arriver à placer entre 75 et 80 % des jeunes en grande difficulté qui sont visés par cette mesure, c’est une réussite qu’il faut saluer.

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