Intervention de Alain Tourret

Séance en hémicycle du 16 février 2017 à 9h30
Réforme de la prescription en matière pénale — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Tourret, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Nous arrivons en 1808. L’Empereur est alors dans toute sa force, y compris sa force créative, entouré par Portalis et d’autres juristes. Cela va aboutir non seulement au code civil, que l’on connaît bien, mais aussi au code pénal. Celui-ci aura, sur la prescription, des mots très forts, d’une qualité et d’une lucidité parfaites. La prescription est reconnue, défendue, et ne court qu’à partir du moment où les faits sont constatés.

Et puis il y eut l’évolution des choses… On a vu que l’intrusion de l’économie dans le judiciaire donnait lieu à la possibilité de poursuivre plus longtemps dans de nombreux dossiers parce que la prescription de trois ans en matière de délits apparaissait insuffisante. C’est le mérite de la chambre criminelle de la Cour de cassation que de s’être, je n’hésite pas à le dire, opposée avec conviction au Parlement. Le seul problème est qu’elle a ainsi créé un chaos juridique dont on a mis près de quatre-vingts ans à sortir.

En effet, depuis 1935, l’analyse jurisprudentielle de l’abus de confiance faisait partir le délai de trois ans non pas de la commission des faits mais de leur révélation. Certes, il y eut la position de la Cour des comptes, ou encore celle de l’assemblée générale de la Cour de cassation, mais il n’en reste pas moins que nous avions alors un bloc judiciaire opposé au bloc législatif. Au bout d’un certain temps, cet état de fait est intolérable.

Beaucoup ont essayé – M. le garde des sceaux l’a rappelé – de trouver une solution : tous ont échoué, en particulier à régler le problème juridique causé par la délinquance économique. Je rappelle l’échec de M. Mazeaud, pourtant président de notre commission des lois puis du Conseil constitutionnel et ami personnel de Jacques Chirac – ce n’était donc pas n’importe qui. Je rappelle aussi l’échec de M. Hyest et de tous ceux qui ont, à un moment ou à un autre, essayé de résoudre par la loi les problèmes de prescription.

Il a fallu, pour sortir du chaos, tout d’abord une rencontre entre un parlementaire de l’opposition et un parlementaire de la majorité. Je ne dirai jamais assez l’intérêt que j’ai eu à travailler avec Georges Fenech, ici présent, et je l’en remercie. Nous sommes tous les deux comme l’eau et le feu. Lui est un magistrat – de droite, qui plus est, sinon plus à droite que la droite.

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