Intervention de André Vallini

Séance en hémicycle du 16 février 2017 à 9h30
Modification du code des juridictions financières — Présentation

André Vallini, secrétaire d’état chargé des relations avec le Parlement :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, l’article 86 de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnance toutes mesures relevant du domaine de la loi et ayant pour objet, d’une part, la modernisation du code des juridictions financières, « afin d’en supprimer les dispositions devenues obsolètes, redondantes ou de les clarifier », et, d’autre part, l’adaptation de règles statutaires, avec des objectifs circonscrits, notamment le régime disciplinaire, la garantie de l’indépendance, ou encore la qualité du recrutement par le tour extérieur.

Cette ordonnance a été publiée le 13 octobre 2016, soit moins de six mois après l’entrée en vigueur de la loi, comme celle-ci le prévoyait. Le projet de loi de ratification, qui ne contient qu’un article, a été délibéré en Conseil des ministres le 4 janvier dernier et déposé le même jour sur le bureau de votre assemblée. Il est prévu que cette ordonnance entre en vigueur le lendemain de la publication au Journal officiel du décret relatif à la partie réglementaire du code, dont le projet est actuellement examiné par le Conseil d’État, et au plus tard le 1er juillet 2017.

Les évolutions contenues dans ce texte concernent l’ensemble des livres du code des juridictions financières, donc la Cour des comptes mais aussi les chambres régionales des comptes, les chambres territoriales des comptes et la Cour de discipline budgétaire et financière.

L’ordonnance modernise les dispositions relatives aux missions, à l’organisation et aux procédures des juridictions financières. Ce texte, certes important en volume, n’introduit que peu de modifications sur le fond. En effet, il procède principalement à une révision légistique du code des juridictions financières, qui avait perdu de sa cohérence au fur et à mesure que lui avaient été ajoutées des dispositions législatives ponctuelles au cours des dernières années. Je ne m’étendrai pas sur les points de pure légistique ; j’évoquerai simplement les principales évolutions en termes de modernisation et de clarification.

La structure du code est clarifiée par l’introduction de sections, établies par type de mission et par la reventilation de certains articles. En effet, les juridictions financières ont vu leurs attributions s’élargir au cours des quinze dernières années et il était nécessaire d’en tirer les conséquences en termes de lisibilité du code.

Cet élargissement a touché leurs métiers, puisqu’au jugement des comptes et au contrôle de la gestion se sont ajoutées l’évaluation des politiques publiques et la certification des comptes. Il a également touché leurs publics, avec notamment le développement des demandes d’enquêtes par le Parlement, et enfin le périmètre de leurs compétences. Ainsi ces juridictions se sont récemment vu confier, depuis la loi relative à la modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, le contrôle des comptes et de la gestion des établissements sociaux et médico-sociaux et des cliniques privées.

Un effort de lisibilité générale des procédures a donc été réalisé afin de les homogénéiser – à la marge, le déroulement des contrôles restant très largement identique – et de faciliter leur intelligibilité par les organismes contrôlés et les citoyens.

À cette occasion, les droits des personnes contrôlées ont aussi été renforcés, avec notamment une extension et une clarification de leur droit à être entendues directement en audition par les formations de délibéré des juridictions financières.

Par ailleurs, des procédures devenues trop complexes ou dont la spécificité n’était plus justifiée ont été simplifiées. C’est le cas notamment des dispositions relatives au contrôle des entreprises publiques, qui résultaient d’une rédaction datant de 1976.

D’autres procédures ont été harmonisées. Ainsi, lorsque la Cour des comptes procédera aux enquêtes demandées par les commissions des affaires sociales du Parlement, elle pourra intervenir dans le domaine de compétence des chambres régionales et territoriales des comptes, et donc notamment auprès des établissements de santé, en cohérence avec la disposition applicable lorsque la saisine émane des commissions des finances.

Les dispositions relatives au droit de communication sont, elles aussi, mises à jour. En effet, les juridictions financières disposent traditionnellement d’un droit étendu de communication des documents utilisés par les organismes qu’elles contrôlent, mais ces articles avaient besoin d’être adaptés. Adaptés, tout d’abord, du fait de la dématérialisation croissante de l’information : le droit de communication doit avant tout, aujourd’hui, être un droit d’accès à des données et traitements informatiques. Adaptés, également, dans leur champ d’application, notamment en ce qui concerne les dossiers des commissaires aux comptes de ces organismes, puisque le code des juridictions financières n’avait pas été modifié à la suite des extensions du périmètre de l’obligation de certification des comptes, en particulier aux établissements publics de santé.

Deuxième grande avancée de ce texte : le projet d’ordonnance apporte quelques modifications relatives au statut des membres des juridictions financières.

Vous vous souvenez que, lors des discussions sur le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, il avait été envisagé de retirer les dispositions concernant les magistrats des juridictions administratives et financières et d’habiliter le Gouvernement à prendre une ordonnance sur ces points. Vous aviez toutefois choisi, in fine, de réintégrer dans la loi elle-même nombre de ces sujets. Dès lors, l’ordonnance, sur ces questions statutaires, n’avait pas vocation à embrasser le domaine de manière très large.

Ainsi, s’agissant de la Cour des comptes, elle porte principalement sur la mise à jour de quelques dispositions du code qui n’étaient plus cohérentes au vu d’évolutions législatives antérieures, que ce soit la loi organique relative aux lois de finances, la fameuse LOLF, du 1er août 2001, qui a supprimé la notion de vacance de poste, ou le passage du grade d’auditeur au grade de conseiller référendaire en trois ans et non plus en sept ans, réforme déjà ancienne qui a aujourd’hui des conséquences sur la suite de la carrière des magistrats.

Enfin, si la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles a prévu l’adoption par la Cour et les chambres régionales des comptes de normes professionnelles, elle avait restreint leur champ d’application aux seuls magistrats.

L’ordonnance aligne ce champ sur celui prévu par la loi précitée du 20 avril 2016 pour l’application de la charte de déontologie, à savoir également les rapporteurs extérieurs, les conseillers maîtres en service extraordinaire, les conseillers référendaires en service extraordinaire et les conseillers experts.

S’agissant des magistrats des chambres régionales des comptes, le régime d’incompatibilité applicable à leur détachement est aménagé : pour tenir compte de l’élargissement des ressorts géographiques des chambres, l’ordonnance rend possible une mobilité vers une collectivité ou un organisme de ce ressort, ce qui n’était jusqu’à présent pas possible avant un délai de trois ans.

Toutefois, elle l’assortit de conditions strictes : au cours de ses trois dernières années à la chambre, le magistrat ne doit pas avoir participé au jugement de ses comptes, au contrôle de ses comptes et de sa gestion ou au contrôle de ses actes budgétaires, ni à ceux d’une autre collectivité ou d’un organisme ayant pour représentant légal celui de la structure qu’il souhaite rejoindre.

Par ailleurs, l’ordonnance simplifie et modernise les procédures de la Cour de discipline budgétaire et financière, sans toucher toutefois à ses compétences, que ce soit sur le plan des infractions et sanctions ou sur celui des justiciables.

La Cour de discipline budgétaire et financière, juridiction administrative spécialisée chargée de réprimer les violations par les gestionnaires publics des règles de protection des finances publiques, est régie par des règles qui proviennent essentiellement, nous l’avons tous appris à la faculté, de la loi du 25 septembre 1948. Celle-ci a été entièrement codifiée dans la partie législative du code des juridictions financières dans les années 1990 et n’a été modifiée, s’agissant des règles de procédure, qu’à la marge depuis 1948.

Dès lors, certaines de ces règles étaient imprécises et méritaient, au regard des exigences tant du droit interne que du droit européen, d’être clarifiées et modernisées.

Les modifications portent sur des règles d’organisation et de procédure, comme les possibilités de représentation du procureur général dans ses fonctions de ministère public, le plan de déroulement de l’audience, la possibilité pour les procureurs de la République de déférer des faits à la Cour – ce qui était déjà le cas dans la pratique – ou la date d’interruption de la prescription.

Ces modifications renforcent les droits de la défense en clarifiant les règles d’incompatibilité et de récusation des membres de la Cour et des rapporteurs, en élargissant les droits d’accès au dossier des personnes mises en cause et en affichant expressément le caractère de sanction de la décision de publication de l’arrêt que peut prendre la Cour.

L’ordonnance supprime enfin certaines dispositions obsolètes ou susceptibles d’être déclarées non conformes à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, comme le suivi du déroulement de l’instruction par le ministère public, la demande d’avis des ministres, la présentation de son rapport par le rapporteur à l’audience ou encore la voix prépondérante du président en cas de partage égal des voix.

Ainsi peuvent être résumées, mesdames et messieurs les députés, les dispositions de l’ordonnance que le Gouvernement vous propose de ratifier.

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