Intervention de Camille de Rocca Serra

Séance en hémicycle du 21 février 2017 à 21h30
Ratification d'ordonnances relatives à la corse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCamille de Rocca Serra :

Tout le problème est là. Monsieur le ministre, nous aurions pu construire un autre projet, mais vous êtes contraint, depuis le début, par la loi NOTRe. Vous l’avez dit vous-même lors de notre première rencontre : vous n’aviez pas d’autre mandat que de la soutenir, alors même que, comme moi, vous ne l’avez pas votée, même si c’est pour des raisons différentes : vous souhaitez maintenir les départements, quand je suis pour une collectivité nouvelle, unique, et pour la fusion des départements avec la collectivité de Corse, tout en préservant un équilibre des pouvoirs, des compétences et des moyens financiers.

Il convient, en effet, de marcher sur deux jambes : d’une part, une collectivité renforcée, qui pourrait même bénéficier d’un surcroît de décentralisation en se voyant transférer davantage de compétences par l’État ; d’autre part, le déplacement vers de grandes intercommunalités des pouvoirs, des moyens financiers et des compétences fiscales des conseils départementaux. Tel était l’équilibre auquel il aurait fallu parvenir et qui nous aurait permis d’avancer ensemble. Mais un tel consensus n’était possible qu’en adoptant une loi spécifique pour la Corse ou, du moins, une loi concomitante aux ordonnances permettant de sortir du cadre de la loi NOTRe.

Je le répète, c’est pour moi un regret. Ne dites pas que je m’oppose à ces ordonnances pour des raisons politiciennes. Ce qui s’est passé au Sénat est d’une autre nature. Hugues Portelli lui-même m’a dit que nous avions parcouru la moitié du chemin et que la fameuse chambre des territoires n’était qu’une coquille vide. Il a raison. Qu’aurait été, en effet, une coquille pleine ? Un établissement public disposant de la personnalité morale, de compétences réelles, de moyens financiers et d’une fiscalité propre. Or qu’avons-nous là ? En gros, un conseil de coordination des politiques publiques, organisme qui a déjà existé mais qui n’a jamais fonctionné. Cela ne marchera pas mieux cette fois-ci ! La grande nouveauté est que cette chambre siégera à Bastia. Très bien ! On peut ainsi prétendre vouloir maintenir un équilibre entre les différentes collectivités. Afin d’éviter un centralisme régionalisé à Ajaccio, capitale régionale, on fait croire que certains pouvoirs seront transférés ailleurs. Ce n’est pas le cas !

Sans créer une collectivité nouvelle et sans recourir à des artifices, nous aurions pu concevoir une organisation territoriale fondée sur un véritable partage des compétences. L’outil stratégique est l’outil de proximité, qui passe par un territoire organisé sur la base du regroupement des intercommunalités. Tels étaient le grand projet et la grande ambition ! Nous n’y parviendrons pas, et je le regrette. Il faudra donc poursuivre nos efforts.

Il existait aussi un projet de statut fiscal, qui aurait permis de doter la collectivité de Corse d’une fiscalité propre, renforcée, plus dynamique, et de développer l’économie en soutenant nos entreprises. C’est un rendez-vous raté. Je ne vous en veux pas, monsieur le ministre, même s’il faudra, sur ce point encore, poursuivre le travail. Mais pendant combien de temps allons-nous débattre de la Corse dans cet hémicycle ? J’aurais été d’accord pour le faire avec vous, monsieur le ministre, ou avec Mme Lebranchu, d’autant que vous connaissez ma constance : cela fait deux ans et demi que je dis la même chose. Continuons donc à travailler sur ces matières que nous avons laissées de côté. C’est du reste pour cela que nous ne sommes pas d’accord. Quant à la chambre des territoires, elle n’est qu’un ersatz.

Monsieur le ministre, vous parlez de la dotation de continuité territoriale et de reliquats potentiels. Je le dis aux représentants de l’exécutif de Corse présents dans la tribune : des politiques nouvelles seront certes engagées pour leur faire plaisir, mais avec des ressources qui ne sont ni pérennes, ni garanties. En effet, la dotation de continuité doit être prioritairement utilisée pour résoudre le problème du coût des transports, qu’il s’agisse du fret ou du transport de passagers. Si nous souhaitons innover en proposant, par exemple, un nouveau tarif pour les retraités dans le domaine du transport aérien, les entreprises du secteur nous expliquent que le reliquat, qu’elles qualifient plutôt d’excédent d’exploitation, résulte de deux phénomènes : l’amélioration de leurs pratiques et l’évolution du prix du carburant. Or, ce dernier va augmenter. Les ressources ne sont donc pas pérennes. Nous devons nous attendre à des déséquilibres qui risquent de peser sur les choix stratégiques, l’essentiel étant négligé au profit du subalterne. Des ressources propres seraient pourtant utiles au développement de l’intérieur de la Corse, des zones de montagnes.

Monsieur le ministre, telles sont les raisons de notre désaccord avec vous, que je regrette profondément. J’ai voté en faveur de la collectivité unique en 2003. Je n’ai pas peur d’un référendum. Je pense qu’il aurait été gagné, s’il avait été organisé sur un vrai projet.

Aujourd’hui, j’ai une pensée pour l’ensemble des personnels, car je sais qu’ils sont inquiets. Si la collectivité nouvelle est créée, nous ferons tout pour les rassurer. Qu’ils soient agents départementaux ou territoriaux, ils ont travaillé pour la Corse et continueront à le faire. Nous serons là pour les défendre, parce que demain, quelle que soit l’organisation de la Corse, il faudra continuer à construire son avenir.

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