Intervention de Nicole Bricq

Séance en hémicycle du 4 février 2014 à 21h30
Renforcement de la lutte contre la contrefaçon — Après l'article 8

Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur :

Pour ma part, je ne vais pas m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée. L’amendement de Mme Untermaier est peut-être plus restrictif, mais cela ne change pas le fond de l’affaire.

Je salue le travail que vous avez fait, monsieur Galut, sur la lutte contre la fraude fiscale, notamment lors de l’examen de la loi relative à ce sujet dont vous étiez le rapporteur. Il est vrai que vous connaissez bien la question de la grande délinquance économique et financière. Je comprends donc votre position.

Nous avons évoqué la question des pièces détachées d’automobiles. Nous savons qu’elles font l’objet d’un trafic. J’étais hier en Picardie, où j’ai visité une entreprise qui est leader mondial sur le marché de la culasse de véhicules automobiles, un sous-traitant de rang un, l’entreprise Montupet. Il est clair qu’elle est très attentive à la protection de son savoir-faire, de son modèle, de son brevet, et il est vrai que s’il était piraté, ce serait très grave : il en va de la sécurité des personnes.

Mais, madame Untermaier, monsieur Galut, vous savez que le Conseil constitutionnel a censuré, dans la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale, les dispositions tendant à étendre la garde à vue à 96 heures, notamment aux infractions de corruption, trafic d’influence ou encore fraude fiscale en bande organisée, qui sont des délits très graves.

L’interprétation que vous faites de la décision du Conseil constitutionnel appelle des réserves de notre part. Je veux prendre la défense du Conseil constitutionnel ; il a distingué, parmi les articles visés dans la loi relative à la fraude fiscale, l’article 414, alinéa 3 du code des douanes comme pouvant sanctionner des infractions qui peuvent attenter à la sécurité des personnes. Néanmoins, il a déclaré non conforme l’ensemble du dispositif d’extension de la garde à vue à quatre-vingt-seize heures, y compris pour les délits que nous propose de viser Mme Untermaier dans son amendement.

Votre argumentaire repose sur l’analyse que la déclaration de non-conformité était nécessairement totale. Le Conseil constitutionnel, d’après votre interprétation, aurait ainsi laissé une ouverture pour étendre la garde à vue à 96 heures pour les délits visés à l’article 414, alinéa 3. Ce raisonnement est sujet à caution. Je comprends l’interrogation du rapporteur, d’autant plus que le Conseil constitutionnel est particulièrement affirmatif quant à la nécessité de respecter le principe de proportionnalité entre l’atteinte portée à la liberté individuelle et aux droits de la défense et le but poursuivi. Ce principe de proportionnalité est un principe de droit. Cela veut dire que les propositions que vous faites sont sujettes à un risque d’inconstitutionnalité. Je crains que la punition ne soit la même pour vos deux amendements.

Il est vrai que l’extension de la garde à vue doit demeurer extrêmement restreinte. Elle est applicable en cas de meurtres, tortures, actes de barbarie commis en bande organisée ou encore de traite des êtres humains. Par ailleurs, je rappelle que la législation actuelle permet déjà une extension de 24 à 48 heures en cas d’infraction douanière.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de ces deux amendements. À défaut, avis défavorable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion