Intervention de Daniel Lenoir

Réunion du 8 février 2017 à 16h15
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Daniel Lenoir, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales :

Cet exercice est une excellente idée. J'accompagnais la conseillère du Président de la République en Allemagne il y a quinze jours pour y échanger sur les politiques familiales. Rapidement, nous en sommes venus à ce point devenu essentiel pour la politique des familles : l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. L'intitulé du ministère de Laurence Rossignol en atteste : « Ministère des familles, de l'enfance et des droits des femmes. » Cette association de termes, qui a pu sembler étrange à certains, répond en fait à un objectif principal des politiques familiales.

Les objectifs assignés aux politiques familiales ont évolué au cours du temps. Avant la Seconde Guerre mondiale, leur visée était essentiellement nataliste, ce qui n'a pas disparu puisque nous gardons un des taux de fécondité les plus élevés d'Europe, qui assure le renouvellement des générations. Puis ces politiques ont accompagné la croissance, lorsque les prestations familiales constituaient un élément essentiel du revenu, c'est moins le cas aujourd'hui. À partir des années 1970 est apparu l'objectif de concilier vie familiale et vie professionnelle. Cela explique que la France connaisse concomitamment un taux de natalité élevé et un taux d'activité féminin parmi les plus élevés d'Europe. Dans les années 1980-1990, l'objectif de lutte contre la précarité a gagné en importance. Or 60 % des familles en situation précaire sont des familles monoparentales, et dans 85 % des cas, les familles monoparentales sont formées par la mère et ses enfants.

Aujourd'hui, l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, et non la simple égalité de droit, est devenue un objectif prioritaire. Cette préoccupation est partagée par les Allemands, bien qu'ils n'aient pas du tout la même histoire des politiques familiales. En dix ans, ils ont créé 400 000 places de crèche, ils ont mis en place un système de congé parental utilisé à 30 % par les pères – nous sommes loin de ces chiffres – et ils ont instauré un droit opposable à une place en crèche qui repose sur les communes.

Vous avez raison, madame la présidente, de signaler que les politiques publiques ne se limitent pas aux mesures législatives et à leur application. L'action de la branche famille dans ce domaine est encadrée par la convention d'objectifs et de gestion (COG), qui n'a pas de caractère législatif et qui est dans sa dernière année. Au-delà des mesures législatives, il est donc important d'évaluer les autres formes des politiques publiques.

La COG avait un objectif extrêmement ambitieux d'accès aux dispositifs d'accueil de la petite enfance, et nous avons mis en place plusieurs réformes législatives et réglementaires, dont la PREPARE, mais aussi d'autres comme la garantie des impayés de pension alimentaire.

Nous n'avons pas encore de bilan définitif de la PREPARE, ses effets réels ne commenceront à se faire sentir qu'à partir du mois d'avril 2017. Elle peut être perçue 36 mois si les deux parents décident d'y recourir, ou 24 mois au maximum si seul l'un des deux parents en bénéficie.

La CNAF anime l'Observatoire de la petite enfance, dont je vous ai apporté le rapport 2016 et la lettre annuelle. La prochaine lettre annuelle, en juin 2017, sera consacrée aux premiers résultats de l'exercice 2016 et en partie aux résultats de l'exercice 2015.

Le bilan dressé dans la dernière lettre annuelle n'est pas très positif, mais l'on sait toutefois que le taux de pères bénéficiaires est passé de 2,5 % en 2010 à 5,1 % en 2016 pour le rang 1, c'est-à-dire pour le premier enfant. Si nous constatons un doublement du recours des pères depuis 2010, nous ne savons pas du tout si cela résulte de la mise en place de la PREPARE. Par ailleurs, le recours au congé parental avait commencé à diminuer avant la mise en place de la PREPARE.

Je rappelle que le Conseil d'administration de la CNAF, dans sa majorité, avait exprimé un avis négatif sur cette réforme, non pas sur le principe du partage du congé entre pères et mères, mais parce que compte tenu des pesanteurs sociologiques, elle contribuerait à diminuer la durée du congé parental.

Dans une contexte générale de diminution du recours au congé parental, que l'on constate depuis 2010, la part des pères ayant recours au congé parental augmente donc, mais elle augmente extrêmement lentement. C'est à partir d'avril 2017 que nous pourrons estimer les effets plus réels de la PREPARE : c'est à ce moment que nous verrons si le congé des mères, qui ont pris 24 mois, est prolongé par un congé de 12 mois pour les pères. Il y en aura sûrement, mais il est peu probable qu'il s'agisse de gros bataillons.

Le dispositif mis en place en Allemagne porte sur des périodes plus courtes, avec des montants de revenu de remplacement plus élevés. Il faudra que nous utilisions les comparaisons internationales au moment de dresser le bilan de cette réforme. Celle-ci a sûrement eu un effet, mais on ne peut pas vraiment le mesurer, et en tout état de cause il sera faible.

S'agissant des enfants de rangs 2 et plus, l'effet est moins important : le taux de pères prenant ce congé passe de 3,6 % en 2010 à 4,1 % en 2015.

En ce qui concerne la politique d'accueil du jeune enfant, la COG prévoyait 275 000 solutions d'accueil supplémentaires – les termes sont un peu ambigus – réparties en raison de 100 000 solutions d'accueil en « Équipement d'accueil du jeune enfant » (EAJE), 100 000 solutions d'accueil individuelles et 75 000 places en classes passerelle ou en préscolarisation.

La préscolarisation a connu une baisse très importante entre 2000 et 2012. Il y a eu un ressaut en 2012, puis une stabilisation, mais nous n'avons pas vu de croissance significative. En tout état de cause, nous sommes loin des 75 000 places prévues.

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