Intervention de Karine Daniel

Réunion du 22 février 2017 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKarine Daniel, rapporteure :

Parmi toutes les questions posées, celle du lien qu'entretiennent les agriculteurs avec la politique agricole commune m'apparaît comme la plus fondamentale, et c'est sans doute celle qui est revenue le plus souvent.

Il faut souligner la spécificité du secteur agricole : il est le plus soutenu par l'Europe, pourtant, les agriculteurs sont ceux qui expriment la plus grande défiance vis-à-vis de l'Union. Nous avons entendu des chercheurs en sociologie afin de creuser cette question politique majeure. Bien sûr, il n'y a pas de réponse unique, mais il nous est apparu qu'il est indispensable aujourd'hui de redonner du sens et de la lisibilité à la PAC. Les agriculteurs doivent se sentir partie prenante de la politique menée. Lorsque la PAC a été mise en oeuvre, ils ont compris et su relever le défi de l'augmentation de la production ; aujourd'hui, cette lisibilité des objectifs est perdue, et les agriculteurs ne sentent plus combien ni comment nous avons besoin d'eux.

S'agissant de la résilience et de la compétitivité, je n'ai pas l'ambition de forger aujourd'hui un consensus entre nous. Toutefois, il y a un objectif commun à l'une et à l'autre : faire diminuer les intrants. Les exploitations les plus résilientes, et donc potentiellement les plus compétitives à long terme, sont souvent celles qui ont consenti les plus grands efforts sur la réduction des intrants ; ce faisant, elles réduisent ainsi le risque lié au prix des intrants, en grande partie assujetti à celui de l'énergie. Préservation de l'environnement et compétitivité à long terme vont ici de pair.

En ce qui concerne les deux piliers de la PAC, le rapport n'entre pas dans le détail. Au cours des auditions, beaucoup d'idées ont été émises, notamment celle de la création d'un troisième pilier. Mais, lorsque l'on crée de nouveaux objectifs, il y a une propension à créer également de nouveaux outils, de nouvelles cases, de nouveaux budgets… Les critères environnementaux permettant d'allouer les crédits correspondant au premier pilier devront-ils être renforcés ? C'est une question qui n'est pas tranchée. Les deux premiers piliers se rapprocheraient alors, en allant éventuellement vers une fongibilité. On pourrait alors imaginer un budget unifié de la PAC.

Quant à la régionalisation, elle n'est traitée ici qu'en creux. Il nous a surtout paru important de réaffirmer le principe d'unité de la PAC. La politique est commune, les objectifs doivent l'être aussi. Il est logique d'en imaginer une déclinaison régionale ou territoriale, mais nous avons voulu insister sur les enjeux globaux, collectifs – changement climatique, capture du carbone…

Régionalisation et PAC ne s'opposent pas, mais je suis, pour ma part, très vigilante sur les questions de régionalisation et de renationalisation. Prétendre que puisque l'agriculture est diverse, elle doit être entièrement gérée au plus près du terrain, c'est facile ; mais c'est aussi aller vers une casse de la politique agricole commune. Il faut donc tenir un discours équilibré.

S'agissant des prix garantis et de l'encadrement des marges, je plaide plutôt pour une plus grande stabilité des prix. Pour cela, il faut des organisations de producteurs plus puissantes, qui construisent des valeurs ajoutées mieux réparties. L'idée d'encadrement des marges peut paraître intéressante, mais elle est difficile à appliquer.

Je voudrais préciser notre propos concernant les assurances. Les systèmes d'assurance public-privé peuvent, je l'ai dit, être difficiles à mettre en oeuvre. Mais nous avons entendu M. Louis-Pascal Mahé, professeur émérite à l'Agrocampus de Rennes, et M. Jean-Christophe Bureau, professeur à AgroParisTech, qui prônent des systèmes assurantiels mutualisés mis en place par les agriculteurs eux-mêmes. Cela me paraît une piste féconde, et cohérente avec la nécessité de renforcer les organisations de producteurs que je mentionnais.

Nous n'oublions évidemment pas les enjeux territoriaux, ni lorsque nous parlons d'emploi, ni lorsque nous parlons d'environnement.

Nous avons lourdement insisté sur le fait que si l'agriculture est soumise aux règles du marché, l'activité agricole présente des spécificités que les politiques publiques doivent prendre en considération. La question a été posée pour la viticulture, mais elle est pertinente pour de nombreux secteurs. Les agriculteurs doivent s'orienter vers une autre construction de la valeur ajoutée, c'est une évidence ; mais il est tout aussi évident que, là où l'agriculture produit des biens publics et des aménités positives, les politiques publiques doivent lui apporter leur soutien. L'équilibre à moyen et à long terme reste à trouver.

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