Intervention de Fleur Pellerin

Réunion du 2 novembre 2015 à 17h10
Commission élargie : finances - affaires culturelles - affaires étrangères

Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication :

Ce serait irrespectueux à l'égard des Français que d'attendre 2017 pour leur présenter vos propositions… De même, vous évoquez sans cesse la baisse des dotations aux collectivités territoriales : il est vrai que les collectivités, comme la sécurité sociale, ont été mis à contribution pour accompagner le redressement des finances publiques, et pour cause, puisqu'en 2012, le déficit et l'endettement de notre pays n'étaient pas soutenables. Nous avons donc dû redresser la situation, et cette action porte ses fruits. Certes, il sera demandé aux collectivités territoriales de réaliser 11 milliards d'économies, sachant que l'État prendra toute sa part à cet effort. Dans un tel contexte, l'augmentation de 2,7 % du budget de la culture est un signal très positif et témoigne de l'engagement de ce Gouvernement en faveur de la culture. Vous pourrez certes chipoter sur l'ampleur de cette hausse ; M. Lamour, pourtant, a estimé que la budgétisation de la redevance d'archéologie préventive était judicieuse. Elle correspond certes à une évolution du périmètre, mais cette évolution permet au ministère de la culture de sécuriser un financement qui était jusqu'alors très aléatoire, et qui fragilisait l'INRAP et de nombreux opérateurs publics et privés du secteur de l'archéologie préventive. Il s'agit d'une bonne mesure, indépendamment du fait qu'elle a pour effet d'abonder le financement du ministère de la culture.

Un mot encore sur le désengagement des collectivités : les villes qui signent avec moi des pactes culturels font elles aussi des efforts budgétaires – même si l'État veille à répartir l'effort de manière à protéger les collectivités les plus fragiles dont le potentiel fiscal est le plus faible. Malgré les économies qu'elles doivent faire, les villes signataires décident d'affirmer leur soutien à la culture. C'est une question de choix politique. Je ne prétends pas que ce choix est facile, et je ne minimise pas la difficulté des efforts à consentir – les ministères y prennent d'ailleurs leur part. Cela étant, certaines collectivités refusent de sacrifier la culture et de tailler dans ces dépenses d'avenir ; au contraire, elles en font un enjeu de cohésion sociale et d'émancipation individuelle et collective, et le ministère de la culture les accompagne dans cet effort.

J'en viens aux emplois du ministère de la culture. En 2016, les emplois des DRAC sont maintenus ; les services déconcentrés ne subissent donc aucune baisse, ce qui est très positif eu égard aux enjeux de proximité que nous avons évoqués. D'autre part, j'ai pris auprès des partenaires sociaux l'engagement qu'il n'y ait aucune mobilité géographique forcée. Enfin, la réforme donnera lieu au déploiement de conseillers de proximité, en particulier dans le secteur de l'éducation artistique et culturelle – une nouveauté qui permettra de mieux accompagner les collectivités. En ce qui concerne l'administration centrale, les établissements publics et les services à compétence nationale, il est vrai que 45 emplois de fonctionnaires sont supprimés – sur 10 000 emplois en tout, je le rappelle. Telle est notre contribution à la réduction du déficit public.

Le Président de la République a souhaité l'ouverture des musées nationaux sept jours sur sept afin d'accueillir davantage de jeunes et de publics éloignés de la culture – personnes âgées et personnes handicapées, par exemple. La journée supplémentaire d'ouverture constituera donc une véritable journée de démocratisation culturelle. Cette mesure ne cible pas les touristes, bien au contraire. En termes de moyens, 65 ETP seront créés et 85 emplois existants seront mobilisables, ce qui permettra d'ouvrir un jour de plus sans imposer une quelconque tension aux agents en exercice.

Exemple de démocratisation culturelle, la Villa Médicis qui sera installée à Clichy-Montfermeil est destinée à devenir un incubateur, un laboratoire emblématique de ce que seront les nouveaux lieux – les « tiers lieux » – que le ministère souhaite promouvoir dans les territoires pour en faire des espaces de résidence artistique, de diffusion, de formation mais aussi d'accueil du public, dotés de moyens de production tels que des ateliers de fabrication numérique, qui sont difficiles à acquérir par ailleurs en raison de leur coût élevé.

Le montant de 1 million prévu dans ce budget pour la Villa Médicis correspond à la préfiguration de l'établissement public qui sera chargé du projet et à la programmation d'actions culturelles avant même la livraison du bâtiment. Voilà en effet dix ans que les habitants de Clichy-Montfermeil attendent que le site de la tour Utrillo devienne quelque chose. Le projet est désormais lancé. J'ai décidé que la programmation culturelle serait élaborée avant même que la Villa Médicis sorte de terre, pour anticiper ce que sera ce futur établissement très représentatif d'une nouvelle manière de créer et d'accompagner la création contemporaine.

L'État, madame Povéda, apporte son soutien aux travaux d'entretien et de restauration du patrimoine où qu'ils aient lieu, en zones rurales comme en zones urbaines. Le ministère de la culture finance d'ailleurs les travaux de restauration des monuments historiques des collectivités, mais aussi de propriétaires privés. Les services du ministère sont également très présents pour aider les propriétaires privés et les petites collectivités à mettre au point leurs dossiers de travaux, car certaines démarches sont en effet complexes. Enfin, je crois à l'utilité des labels pour le patrimoine parce qu'ils permettent de distinguer les édifices les plus remarquables et de conduire une véritable politique de sauvegarde.

La contraction des ressources de la Fondation du patrimoine qui sont issues des successions en déshérence est en effet préoccupante. La Fondation est mobilisée pour y faire face et il faut mener une réflexion en lien avec le ministère des finances pour résoudre le problème ; j'y serai particulièrement attentive. La Fondation du patrimoine joue un rôle très important non seulement pour tisser le lien entre le public et le patrimoine, dans le cadre d'opérations reposant parfois sur un financement participatif, mais aussi pour protéger le patrimoine rural de proximité.

Je suis très attachée, madame Buffet, à la singularité de la Cartoucherie de Vincennes et à la place qu'y occupe le théâtre de l'Aquarium. Alors que François Rancillac achève son deuxième mandat, une évaluation est en cours – comme c'est la règle dans toutes les structures recevant des subventions publiques. J'ai souhaité que cette procédure d'évaluation soit partagée avec le conseil d'administration du théâtre, afin de choisir entre les différentes options proposées. L'engagement de l'État vis-à-vis de l'Aquarium n'est aucunement remis en cause : il n'a jamais été question de l'abandonner ou de mettre en question son financement public. Mon cabinet a convenu avec M. Rancillac de rencontrer le conseil d'administration pour arrêter un choix.

Depuis plusieurs années, madame Attard, l'accroissement des ressources propres des opérateurs du ministère est un moteur de leur développement, et le ministère continue de favoriser cette tendance. Un rapport d'évaluation de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires culturelles sur cette politique a été remis en juin 2015. J'ai souhaité qu'une réflexion soit conduite par le ministère et ses opérateurs sur la valorisation de leurs marques, qui peut constituer un vecteur efficace de l'offre touristique, et sur les nouveaux outils numériques. C'est l'une des pistes actuellement à l'étude pour diversifier les ressources propres, même si leur accroissement a ses limites – je pense en particulier à la politique tarifaire et au développement de la billetterie, qui ne doivent pas remettre en cause le principe du libre accès de tous à la culture, ou à la location d'espaces qui ne doit pas empêcher les établissements d'exercer leur mission de service public.

Enfin, je suis très sensible au rôle que joue sur le territoire le réseau des conservatoires, non seulement en matière de musique mais aussi dans le domaine de la danse et des arts dramatiques. Ces établissements ont fait la preuve de leur rayonnement et de leur contribution à la démocratisation et à l'accès de tous à la culture. Nous entamons une véritable réflexion sur les pratiques pédagogiques et collectives, et sur l'extension des activités à de nouvelles disciplines. Une nouvelle impulsion est ainsi donnée à la relation que l'État entend entretenir avec les conservatoires. C'est dans le cadre de cette réflexion que j'ai souhaité réengager l'État à hauteur de 15 millions d'euros, dont 13 millions pour les conservatoires et 2 millions pour l'éducation artistique et culturelle, dont les conservatoires bénéficient. Il faudra accompagner ce retour de l'État par une réflexion avec les collectivités territoriales sur l'accès des familles aux instruments de musique, dont le coût peut être rédhibitoire. Je souhaite donc créer un fonds – le Premier ministre l'a d'ailleurs confirmé lors du récent comité interministériel sur la citoyenneté – financé à parité par l'État et par les collectivités pour accompagner la location ou l'acquisition d'instruments par les familles les plus défavorisées. Je vous en préciserai prochainement le fonctionnement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion