Intervention de Général Pierre Sauvegrain

Réunion du 23 mai 2016 à 14h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Général Pierre Sauvegrain, sous-directeur de l'anticipation opérationnelle de la gendarmerie nationale (SDAO :

Monsieur le président, madame et messieurs les députés, merci de m'accueillir au sein de votre commission d'enquête relative aux moyens mis en oeuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015. Je suis très heureux de pouvoir m'exprimer devant vous sur l'activité de la sous-direction de l'anticipation opérationnelle au cours des mois qui viennent de s'écouler dans le cadre du défi posé par la menace terroriste à laquelle notre Nation est exposée. Le niveau de la menace n'a en effet n'a jamais été aussi élevé, et la mobilisation de tous est nécessaire pour y faire échec.

Mes propos liminaires viseront à brosser le tableau le plus complet possible de l'activité de la SDAO, service du second cercle du renseignement en France. Je veillerai surtout à vous présenter les adaptations et évolutions qu'a connues notre dispositif au cours des derniers mois. Mon propos s'articulera autour de trois points : dans un premier temps, je présenterai l'organisation de l'exercice de la mission renseignement en gendarmerie, dont la SDAO est la clé de voûte ; dans un deuxième temps, je décrirai la façon dont s'organisent les relations avec les deux principaux services partenaires, à savoir le service central de renseignement territorial (SCRT) d'une part, la DGSI d'autre part.

Je reviendrai sur les progrès accomplis dans l'amélioration des échanges à la faveur des drames que nous avons connus en 2015 ; sur le suivi par la gendarmerie des individus radicalisés, en vous donnant des chiffres précis sur l'action de la gendarmerie dans ce domaine ; enfin dans un troisième temps, je décrirai les mesures à étudier pour améliorer la lutte contre le terrorisme.

Le renseignement est une nécessité pour la gendarmerie nationale afin de réaliser avec succès sa mission globale définie à l'article 1er de la loi 2009-971 du 3 août 2009, codifiée à l'article L. 3211-3 du code de la défense selon lequel « la gendarmerie nationale est destinée à assurer la sécurité publique et l'ordre public, particulièrement dans les zones rurales et périurbaines, ainsi que sur les voies de communication. Elle contribue à la mission de renseignement et d'information des autorités publiques, à la lutte contre le terrorisme, ainsi qu'à la protection des populations. Elle participe à la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la nation, notamment au contrôle et à la sécurité des armements nucléaires ».

Cette nécessité s'impose à la gendarmerie compte tenu de l'étendue de sa zone de compétence – 95 % du territoire national et plus de 50 % de la population, et encore davantage lors des mouvements pendulaires estivaux – sur le territoire métropolitain et dans les outremers ; de la diversité des territoires dont elle a la charge ; de l'implantation dans ses territoires de 544 points d'importance vitale, civils et militaires ; enfin, de son implication dans la politique de défense de la France au travers de sa présence au côté des armées sur les théâtres d'opérations extérieures et sur les emprises du ministère de la défense, notamment les gendarmeries spécialisées – la gendarmerie assure la protection de 113 points d'importance vitale relevant des armées –, de son rôle dans la protection rapprochée de hautes autorités et de sa mission de protection des installations nucléaires, qui constituent le fondement historique de la politique d'indépendance nationale.

Depuis 2013, la gendarmerie nationale a procédé à deux transformations emblématiques. En premier lieu, elle s'est dotée d'un organe centralisé de traitement du renseignement : en vertu de l'arrêté du 6 décembre 2013, elle dispose désormais d'une structure spécialisée dans le traitement du renseignement nécessaire à l'exécution de ses missions : la sous-direction de l'anticipation opérationnelle (SDAO).

Cette création répondait à deux objectifs, dont le premier consiste à permettre l'interface entre le renseignement territorial (RT) et la gendarmerie nationale, sans toutefois créer une structure équivalente au SCRT et encore moins à la DGSI. J'insiste sur ce point : le dispositif de la gendarmerie nationale n'a pas pour ambition de concurrencer d'autres structures ou de faire doublon avec celles-ci, mais bien d'aboutir à une complémentarité indispensable en offrant une garantie de couverture intégrale des territoires.

Le deuxième objectif est de fournir du renseignement afin de répondre aux besoins opérationnels de la gendarmerie nationale, à l'instar de ce qui se fait dans les armées durant la phase de préparation d'une opération. Lors des manifestations organisées en ce moment contre la loi El Khomri, ou de celles ayant eu lieu contre le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, je vais commencer par m'intéresser aux modes opératoires adverses selon les angles d'approche spécifiques à la mission de la gendarmerie. En parfaite complémentarité avec le SCRT, je vais surtout concentrer la recherche de renseignement sur l'adversité, là où la gendarmerie va devoir engager des forces, afin de savoir précisément comment nos adversaires s'organisent.

La création de la SDAO, service appartenant au second cercle du renseignement, a été rendue nécessaire pour permettre à la gendarmerie nationale d'améliorer les conditions d'exercice de sa mission de renseignement. Conformément à son arrêté de création, la SDAO « propose la doctrine relative aux missions de renseignement au sein de la gendarmerie (…) ; traite l'information interne et externe permettant l'alerte des autorités, ainsi que le suivi des situations sensibles à court terme (…) ; participe à la recherche, au recueil, à l'analyse et à la diffusion des informations de défense, d'ordre public et de sécurité nationale nécessaires à l'exécution des missions de la gendarmerie (…) ; assure le traitement du renseignement opérationnel d'ordre public et du renseignement de sécurité économique en métropole et en outre-mer (…) ; anime ou participe, avec les autres sous-directions de la direction des opérations et de l'emploi de la DGGN, aux gestions interministérielles de crise (…) ; suit et coordonne l'action des unités dans son domaine de responsabilité. »

Schématiquement, la SDAO peut se comparer à une maison comprenant un « circuit d'eau chaude » et un « circuit d'eau froide ». Le circuit d'eau chaude permet la transmission d'informations dans le cadre de la fonction « veille-alerte » pour informer le directeur général, qui rend compte au ministre, sur la situation sur le territoire national. Le « circuit d'eau froide » dédié à l'analyse, permet l'exploitation des données brutes et informations avant de délivrer du renseignement en s'appuyant sur une chaîne « anticipation et connaissance » qui compte 540 analystes répartis sur l'ensemble du territoire national et 170 référents en intelligence économique. Cette chaîne s'articule en échelons territoriaux, à savoir les cellules renseignement au plan départemental et les bureaux renseignement au plan régional.

Le recueil des informations est réalisé par chaque militaire dans le cadre de ses missions quotidiennes et animé par les différents échelons de commandement, l'ensemble du dispositif étant piloté depuis Paris par la SDAO. L'information est intégrée dans le système d'information qu'est la base de données de sécurité publique (BDSP) en vue de son exploitation et de son analyse. Système d'information global devenu performant au fil du temps, la BDSP assure le stockage et le traitement de l'information et du renseignement collectés par l'ensemble des 60 000 capteurs de la gendarmerie que sont les gendarmes départementaux. La BDSP est le ciment assurant la cohérence du dispositif du renseignement gendarmerie et je suis moi-même l'administrateur de cette base de données, au nom du directeur général de la gendarmerie.

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