Intervention de Christophe Sirugue

Réunion du 24 juin 2015 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Sirugue, rapporteur :

Voici un an, nous adoptions le projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public (ERP), des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées, dont l'article 4 prévoyait le dépôt d'un projet de loi de ratification de l'ordonnance. C'est le texte qui nous revient après avoir été substantiellement modifié et adopté le 2 juin par le Sénat.

Sans refaire tout l'historique de la législation relative à l'accessibilité, je rappelle que le recours au processus de l'ordonnance fait suite au constat que la France se dirigeait à grands pas dans une impasse : trop d'acteurs – ERP, collectivités, autorités organisatrices de transports (AOT) – n'étaient pas en conformité à la veille de l'échéance fixée par la loi de 2005 et ne pouvaient plus espérer l'être. Cet échec s'explique par des raisons multiples, parmi lesquelles certainement des imperfections de la loi de 2005, que l'ordonnance s'efforce de corriger, mais aussi le manque de mobilisation de certains acteurs pour qui la mise en accessibilité n'a jamais été une véritable priorité. C'est un fait que toutes les emprises de l'État n'ont pas été aménagées, que nos gares sont loin d'être toujours accueillantes pour des personnes à mobilité réduite, que de nombreux établissements accusent du retard en matière d'accessibilité, que les efforts des collectivités ne sont révélés insuffisants. C'est dire la pertinence de l'ordonnance dont il est ici question.

Face à ce constat, le Gouvernement a lancé un vaste travail de concertation, mené par notre collègue sénatrice Claire-Lise Campion dont je salue l'engagement. La concertation a dégagé des points de consensus qui ont trouvé leur traduction dans la loi d'habilitation ainsi que dans l'ordonnance, même s'il reste des points de crispation, notamment de la part du monde associatif.

N'oublions pas l'intérêt de cette ordonnance qui est de poursuivre l'effort de mise en accessibilité. Même si certaines critiques sont justifiées, elle prévoit des aménagements et des clarifications relativement au cadre bâti existant ; elle met à jour les obligations de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics pour les petites communes ; surtout, elle met en place les fameux agendas d'accessibilité programmée (Ad'AP) et les schémas directeurs d'accessibilité-Ad'AP pour les services de transport (SDA-Ad'AP). Ces documents, essentiels, doivent être déposés d'ici au 26 septembre. Ils traduisent un engagement concret de mise en accessibilité, des points de vue financier, de la nature des travaux et du calendrier, dans des délais raisonnables. Leur mise en oeuvre devrait permettre de sortir par le haut des blocages actuels.

Nos collègues sénateurs ont considéré que l'ordonnance était globalement conforme à l'habilitation, à quelques réserves près qui les ont conduits à amender le projet de loi.

Ils ont notamment prévu : de mieux encadrer les conditions de prorogation des délais de dépôt et de mise en oeuvre des Ad'AP et SDA-Ad'AP ; de reverser l'intégralité du produit des amendes liées à la mise en oeuvre des Ad'AP et SDA-Ad'AP au profit du fonds d'accompagnement pour l'accessibilité universelle ; de renforcer les obligations de formation à destination des employés d'ERP en contact direct avec le public ; des mesures de simplification ou d'allégement de contraintes, portant notamment sur les documents de mise en accessibilité de la voirie des petites communes ; l'extension jusqu'à trente ans de l'âge légal d'engagement en service civique pour les jeunes en situation de handicap.

Mais les sénateurs ont aussi adopté des dispositions que je trouve, pour ma part, regrettables. Aussi vous soumettrai-je quelques amendements afin de revenir au plus près de l'esprit du projet de loi d'habilitation.

Ainsi, à l'article 3, je vous proposerai, à travers un amendement de suppression des alinéas 2 et 3, de revenir sur une disposition qui me paraît fragiliser très sensiblement le processus de mise en accessibilité du parc locatif social.

À l'article 5 bis, les sénateurs ont prévu de renforcer les garanties apportées aux parents d'enfants handicapés scolarisés lors de la demande de mise en accessibilité des points d'arrêt de transport scolaire, ce qui est une bonne chose. Ceux-ci pourront désormais se faire assister par les équipes pluridisciplinaires des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Malgré cette avancée, le dispositif ne me semble pas encore satisfaisant : la rédaction sénatoriale de l'ordonnance exclut du droit à la mise en accessibilité les points d'arrêt pour les enfants scolarisés à temps partiel – pourquoi cette différence avec les enfants scolarisés à temps plein ? Je vous proposerai de corriger ce point.

Enfin, je vous proposerai la suppression de l'article 9. Introduit par le Sénat, il prévoit des avantages fiscaux en faveur des propriétaires ou gestionnaires d'ERP mettant leur établissement en accessibilité dans le cadre des Ad'AP. Ce dispositif ne me semble ni juste ni efficace : ni juste, car ces avantages fiscaux ne bénéficieront qu'aux retardataires et pas à ceux qui sont en règle ; ni efficace, car le dépôt des Ad'AP étant encadré par le texte, il n'y aucune raison de prévoir un quelconque avantage fiscal.

Moyennant ces propositions de modifications, je forme le souhait que ce projet de loi recueille le soutien le plus large possible de la Commission, faute de quoi nous en reviendrions à la situation antérieure à la loi du 11 février 2005.

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