Intervention de Michel Sapin

Réunion du 12 avril 2017 à 11h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances :

C'est la quatrième fois que le secrétaire d'État au budget et moi-même vous présentons programme de stabilité et programme national de réforme. C'est un exercice auquel doit se prêter chaque membre de l'Union européenne – pas seulement de la zone euro – auprès des services de la Commission européenne, les documents étant ensuite diffusés auprès de l'ensemble des autres membres. L'objectif est que chacun donne aux autres des éléments sur les réformes menées, sur sa situation budgétaire et sur l'évolution prévisible de celle-ci. Il convient effectivement de respecter un certain nombre d'orientations que nous avons nous-mêmes fixées, et inscrites dans les traités.

Cohérents avec ce que nous avons déjà fait, les documents que nous vous présentons aujourd'hui s'inscrivent dans une continuité. Ils sont en outre conformes à nos engagements européens. Le contexte est particulier : l'élection présidentielle, qui n'est pas rien dans un système institutionnel comme le nôtre, se tient dans quelques jours, et elle sera suivie d'élections législatives, qui ne sont pas non plus sans importance. Nous n'en avons pas moins pris le parti de construire ces documents obligatoires sans tenir compte de l'élection présidentielle en tant que telle, ni, à plus forte raison, de son résultat. Il s'agit de disposer d'éléments de référence. Nous avons décidé de travailler jusqu'au dernier jour et de faire preuve du même sérieux et du même souci de précision que chaque année dans l'élaboration de ces documents – nous aurions pourtant pu nous contenter de faire le minimum requis par les traités. Nous avons donc mobilisé dès le début du mois de janvier et jusqu'à aujourd'hui, comme une année sans échéance électorale, l'ensemble de nos services afin qu'ils préparent ces deux documents importants – tant par leur longueur que par leur contenu. Cette démarche nous a paru non seulement utile mais nécessaire, à la fois pour permettre un bilan de notre action et parce que, quel que soit le résultat des élections, il y a un intérêt républicain à préparer le plus sérieusement possible ces documents, qu'examinera la Commission européenne avant de donner, avec le Conseil, une opinion, au cours de la première moitié du mois de mai. Nous avons vraiment un intérêt collectif à assurer cette continuité de l'action de l'État. La prochaine équipe gouvernementale disposera donc de documents de référence sur lesquels elle pourra s'appuyer pour faire ses choix et prendre les décisions utiles au pays, mais elle ne pourra pas s'en abstraire.

Le programme national de réforme est rédigé avec l'appui de quasiment tous les ministères. Cela aura notamment permis à nos services et aux parties prenantes qui ont été consultées d'évaluer, qualitativement et quantitativement, l'ensemble des mesures prises pendant le quinquennat, tout particulièrement lors de cette dernière année. Non seulement l'exercice montre l'ampleur considérable des réformes mais il témoigne aussi du fait que des réformes auront été adoptées jusqu'au dernier jour. Je pense notamment à la loi pour une République numérique, au prélèvement à la source et à la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II ».

Le programme de stabilité est encore plus essentiel à la continuité du travail gouvernemental. Avant que Christian Eckert ne vous en livre les grandes lignes, je vous en présente les grands enjeux.

Premier enjeu, il s'agit de mettre à jour les prévisions macroéconomiques du Gouvernement. Vous aurez remarqué que le Haut Conseil des finances publiques, usant de sa très subtile terminologie, les considère comme « plausibles », « raisonnables » et « prudentes » – qualificatifs que j'avais jusqu'à présent peu lus dans les documents du Haut Conseil. C'est « plausible », c'est même parfois « plausible et raisonnable »... le maître semble porter une appréciation plus favorable sur les efforts de l'élève !

Deuxième enjeu, il s'agit d'identifier comme chaque année les mesures de saine gestion budgétaire indispensables au respect de nos objectifs, notamment le retour du déficit public sous le seuil des 3 % du produit intérieur brut (PIB). Tous les ans, à cette époque-ci, des mesures d'adaptation, représentant entre 3 et 4 milliards d'euros, sont proposées pour faire face à des circonstances qui n'avaient pu être prévues en loi de finances initiale.

Troisième enjeu, il s'agit, au-delà de 2017, de tracer une perspective pluriannuelle à la fois cohérente avec ce que nous avons fait et conforme aux règles européennes.

Nous n'avons évidemment pas la prétention de dire que les grandes lignes proposées dans ce document devront être la politique budgétaire du prochain gouvernement. Ce serait irrespectueux du processus démocratique, mais c'est un document de référence sur lequel chacun pourra s'appuyer pour construire sa propre politique budgétaire, mais dont il ne pourra s'abstraire, toute modification par rapport à cette référence devant être assumée. Ainsi, toute baisse d'impôt supplémentaire devra être compensée par une baisse des dépenses, et toute augmentation des dépenses devra être compensée de manière appropriée, à moins de faire le choix de renoncer à toutes les cohérences européennes et ainsi à nos engagements les plus profonds.

Je dirai un mot du programme national de réforme. Depuis cinq ans, nous faisons preuve d'une volonté de réforme ambitieuse et progressiste.

En 2012, le contexte économique était difficile. La situation et la compétitivité des entreprises étaient pour le moins dégradées. Il nous est souvent rappelé, à raison, que les cinq années précédentes avaient été marquées par une grave crise financière, non sans conséquences économiques et budgétaires. Nul ne le conteste, même si nous pouvons débattre des moyens par lesquelles elle a été combattue. Cependant, une crise beaucoup plus souterraine, beaucoup moins spectaculaire aura eu des effets tout aussi massifs : la crise de l'euro, ouverte à l'été 2011, et dont les effets directs se sont fait sentir jusqu'à l'été 2013. Ce furent deux années extrêmement difficiles, une crise bien moins visible mais dont les conséquences sur la situation économique et sociale ont été évidentes – notamment avec l'augmentation du chômage. C'est à cela qu'il a fallu faire face au début de cette législature. Nous avons voulu rétablir les finances publiques et la compétitivité de nos entreprises, de même que nous avons voulu, en respectant un certain nombre de grands principes de dialogue des partenaires sociaux, faire en sorte que le marché du travail fonctionne mieux qu'il ne le faisait.

Renforcement de la justice sociale et de l'égalité des chances, renforcement de la compétitivité de nos entreprises, modernisation du marché du travail : voilà qui caractérise assez bien l'ensemble des décisions prises, que nous retrouvons dans ce programme national de réforme.

Nous avons travaillé jusqu'au dernier moment, disais-je. La loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II », aura permis à la France d'atteindre les meilleurs standards internationaux en matière de lutte contre la corruption mais aussi du point de vue du bon fonctionnement et du financement de l'économie. Tous ces textes d'application auront été pris et publiés d'ici à la fin du quinquennat, à l'exception d'une seule ordonnance qui nécessite un travail beaucoup plus long. La loi pour une République numérique aura pour sa part permis de lancer des grands projets nécessaires à la modernisation de notre économie. Enfin, la réforme du prélèvement à la source et la mise en oeuvre de la déclaration sociale nominative (DSN), qui mobilisent beaucoup notre administration fiscale, constituent une simplification historique tant pour les ménages que pour les entreprises. Pour chacune de ces lois, nous avions à coeur que l'ensemble des textes d'application soient adoptés avant la fin du quinquennat. Ce sera chose faite.

Au total, les réformes économiques menées en France depuis cinq ans auront permis de résorber les principaux déséquilibres de notre économie mais aussi de préparer l'avenir sur des bases plus saines. Des réformes aussi profondes que celle du marché du travail ou celles relative à la transparence de la vie économique et à la réorganisation territoriale auront des effets sur notre économie bien au-delà du quinquennat.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion