Intervention de Christian Eckert

Réunion du 12 avril 2017 à 11h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget et des comptes publics :

Je voudrais mettre en perspective cette présentation afin que chacun puisse apprécier le chemin parcouru depuis 2012, car c'est bel et bien dans la durée que s'inscrivent nos résultats – qui n'ont rien de fictif...

N'oublions pas d'où nous partons. J'aime à le dire, en forçant quelque peu le trait : en 2012, nous avions les huissiers à la porte ! Le Premier ministre de l'époque parlait d'un État « en faillite ». Le déficit était supérieur à 5 % du PIB en 2011, la zone euro était en crise, les marchés attaquaient nos partenaires et nous étions souvent évoqués comme les prochaines cibles.

Que constatons-nous aujourd'hui ? Que les résultats sont au rendez-vous ! Le déficit public s'est à nouveau résorbé entre 2015 et 2016, comme chaque année depuis cinq ans. L'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) révise souvent, six mois ou un an plus tard, sinon davantage, ses estimations, dans l'indifférence générale, mais la première estimation du déficit public pour 2016 est de 3,4 % du PIB, soit 0,2 point de mieux qu'en 2015, et, pour la troisième année consécutive, la réduction du déficit s'accompagne d'une baisse du taux de prélèvements obligatoires.

Au cours de ce quinquennat, le rythme d'évolution de la dépense – je le dis à celles et ceux qui voudraient nous faire la leçon – a connu une véritable rupture. Hors crédits d'impôt, les dépenses publiques ont progressé de 1,2 % en 2016, comme chaque année en moyenne depuis 2013, alors que cette progression annuelle moyenne était de plus de 3,2 % entre 2007 et 2012. La maîtrise de la dépense ne nous a cependant pas empêchés de financer nos priorités nationales : la sécurité de nos concitoyens, l'emploi et l'éducation. Elle ne nous a pas empêchés non plus de réduire les prélèvements obligatoires, dont la part dans le PIB diminue chaque année depuis plus de trois ans. Le résultat, encore une fois, c'est que la dette est stabilisée après avoir explosé au cours du quinquennat précédent.

L'assainissement a été rendu possible grâce à l'effort conjoint de toutes les administrations publiques.

Entre 2012 et 2016, le déficit de l'État a été ramené de 87 à 69 milliards d'euros, ce qui représente non pas une explosion, comme je l'entends dire, mais une diminution de plus de 18 milliards d'euros. Pour la première fois depuis 2008, le déficit de l'État est repassé sous la barre des 70 milliards d'euros. Pourtant, au cours de cette même période, c'est bien l'État qui a assumé l'intégralité du coût des allégements de charge et des baisses d'impôts en faveur des entreprises – je veux parler du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du pacte de responsabilité –, leur coût total s'élevant à près de 40 milliards d'euros sur la période 2014-2017.

Les comptes de la sécurité sociale ont continué à s'améliorer en 2016 de près de 3 milliards d'euros. Depuis 2012, année après année, la réduction du déficit s'est poursuivie. Les comptes de toutes les branches se sont améliorés, y compris ceux du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), et la branche retraite est même excédentaire de plusieurs centaines de millions en 2016. La dette de la sécurité sociale – la dette de court terme portée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et celle de long terme portée par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) – diminue chaque année depuis 2015 et est aujourd'hui inférieure à son niveau de 2012 ; ce ne sont pas là des prévisions, ce sont des constats ! L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour l'année 2016 a aussi été tenu, comme chaque année depuis le début du quinquennat. Il faut également relever que les partenaires sociaux, pour les régimes qui les concernent, ont su prendre des décisions courageuses, avec l'accord de 2015 relatif à l'Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) et à l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (ARRCO) et le récent accord sur l'assurance-chômage.

Après avoir retrouvé l'équilibre en 2015, le solde des collectivités territoriales est excédentaire en 2016. Ce résultat est la conséquence d'un fort infléchissement de leurs dépenses de fonctionnement, qui n'ont progressé que de 0,1 % en 2016, contre 1,1 % en 2015. Ce ralentissement est manifeste pour les dépenses de personnel, dont je sais qu'elles vous tiennent à coeur, monsieur le président : elles progressent de 0,8 % en 2016, après l'avoir fait de 1,7 % en 2015 et de 4,1 % en 2014. Les derniers chiffres de l'INSEE sur les effectifs, qui portent sur l'année 2015, montrent par ailleurs que ceux-ci se sont stabilisés, ce qui est inédit.

Je souhaite enfin rappeler que, depuis trois ans, Michel Sapin et moi-même avons su tenir en exécution les engagements de maîtrise des dépenses que nous avions pris devant vous au moment du vote de la loi de finances initiale, et ce malgré les aléas, les circonstances, les imprévus, les décisions qui ont pu être prises en cours d'année, tels le lancement du plan d'urgence pour l'emploi au mois de janvier 2016 ou les mesures en faveur de la sécurité de nos concitoyens, à la suite des attentats terroristes de 2015. Cette capacité à redéployer des crédits en cours d'année, à nous montrer réactifs, nous a permis de tenir nos objectifs.

Cela étant dit, je tiens à vous présenter plus en détail l'année 2017. Nous avons légèrement ajusté notre trajectoire, tout en restant fidèles à nos engagements et à l'esprit de réforme et de sérieux qui nous anime depuis 2012. L'objectif, ainsi que l'a rappelé Michel Sapin, est de rendre une maison en ordre avec un passage sécurisé sous les 3 % en 2017. En 2012, je vous le rappelle, la maison brûlait !

Le programme de stabilité est construit sur des hypothèses macroéconomiques sérieuses. La croissance a redémarré depuis deux ans – elle fut de 1,3 % en 2015 puis de 1,2 % en 2016 –, et ce malgré les facteurs exceptionnels qui ont pesé l'an dernier, notamment, sur l'agriculture, le commerce mondial et le tourisme.

Le pouvoir d'achat progresse fortement, et la consommation des ménages gagne en vigueur : elle progresse de 1,8 % en 2016 après avoir progressé de 1,5 % l'année précédente. Les marges des entreprises se sont redressées – leur taux de marge atteint 31,6 %, soit une progression de 1,7 point depuis la fin de l'année 2013 – et l'investissement des entreprises, en faveur duquel nous avons pris des mesures, accélère vivement, croissant de 4 % en 2016 après avoir augmenté de 2,7 % en 2015.

La très forte dynamique du marché immobilier se confirme et se concrétise par une contribution positive de l'investissement des ménages à l'activité.

Le moral des chefs d'entreprise et la confiance des ménages indiquent que l'activité est train d'accélérer. Les créations d'emplois marchands ont été très importantes : 300 000 créations nettes depuis le début de l'année 2015. Le taux de chômage baisse, passant, en France métropolitaine, de 10,2 % au troisième trimestre de l'année 2015 à 9,7 % à la fin de l'année 2016.

Au mois de mars 2012, la quasi-totalité des voyants étaient au rouge, ils sont quasiment tous au vert aujourd'hui !

La cible de déficit pour l'année 2017 est décalée à 2,8 % du fait de la prise en compte de l'intégralité des informations les plus récentes, notamment du résultat de l'exécution 2016. Le déficit de l'année 2016 est globalement en ligne avec la prévision de la dernière loi de finances, mais légèrement plus élevé que prévu, ce qui explique cette révision de la cible, mais je rappelle aussi que s'appliquent des règles d'arrondi. Finalement, cette cible de 3,3 % aura été manquée de moins de 1 milliard d'euros – 0,1 point de PIB d'écart, en fait, ce ne sont pas 2 milliards d'euros, c'est moins de 1 milliard d'euros du fait de l'arrondi à la première décimale. Cette cible est conforme à la recommandation du Conseil de l'Union européenne du mois de mars 2015. Pour 2017, nous suivons également sa recommandation, en révisant notre cible à 2,8 %.

Toutefois, un certain nombre d'informations nouvelles, qui sont le lot des finances publiques, ont été intégrées, comme tous les ans. D'une part, le texte de l'accord de la convention Unédic, adopté par les partenaires sociaux au mois de mars 2017, soit plus tard que prévu, ne permettra pas un montant d'économies de 1,6 milliard d'euros en 2017 comme nous l'escomptions lors de l'élaboration de nos textes ; nous avons intégré cette réalité dans notre trajectoire. D'autre part, nous avons pris en compte une légère dégradation des finances publiques liée à l'environnement macroéconomique : moins de recettes d'impôt sur les sociétés (IS) du fait d'une croissance légèrement inférieure, en 2016, à nos prévisions. De même, la charge d'intérêts de la dette a été révisée à la hausse, en raison d'une inflation supérieure à ce qui était prévu ; une part non négligeable des obligations que nous émettons sont effectivement indexées sur l'inflation.

Comme chaque année – j'y insiste –, nous prenons des mesures de redressement pour compenser ces mauvaises nouvelles ; en l'occurrence, elles représentent un montant de 3,4 milliards d'euros. Nous avions pris des mesures pour 4 milliards d'euros en 2014 et 2015 et pour 3,8 milliards d'euros en 2016 ; je vous renvoie aux précédents programmes de stabilité.

Cet ensemble est constitué d'un abaissement de la cible de dépenses de 1,7 milliard d'euros, dont 200 millions d'euros au titre de la révision à la baisse de la prévision de versement du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), compte tenu des informations actualisées dont nous disposons aujourd'hui, et 1,5 milliard d'euros au titre des dépenses des ministères, objectif qui sera sécurisé par un « surgel » – nous avons parfois fait des annulations, à pareille époque ; compte tenu de la période électorale, nous recourons à un « surgel » pour laisser toute liberté à ceux qui nous succéderont.

Comme vous en avez été informés et comme il y a un an, les crédits reportés, sauf cas particuliers et reports sur fonds de concours, ont été systématiquement gelés, et ce dès la fin du mois de mars ; cela représente une augmentation complémentaire de la réserve de précaution de 2,3 milliards d'euros, ce qui permettra le respect de la cible de dépense.

Nous avons également sécurisé des sous-exécutions pour des dépenses de prestations sociales, et intégré une augmentation substantielle, de 500 millions d'euros, du dividende versé par la Banque de France, très supérieur à notre prévision en loi de finances initiale.

Nous avons également révisé à la baisse la prévision de dépenses locales pour tenir compte de ce que nous avons observé en 2016.

En ce qui concerne le budget de l'État, il n'y a pas d'annonces nouvelles en matière de dépenses, hors la situation guyanaise, qui fera l'objet de dépenses étalées dans le temps et à propos de laquelle les discussions ne sont pas terminées.

Nous prenons toutes les dispositions pour assurer le respect de l'ONDAM fixé, en hausse de 2,1 % seulement, notamment en portant les gels de crédits à un niveau un peu supérieur au minimum prévu par la loi de programmation des finances publiques.

Mesdames et messieurs les députés, nous avons réduit les déficits, nous avons fait baisser la part des dépenses publiques dans le PIB, nous avons amélioré la compétitivité des entreprises et redistribué, grâce à des marges de manoeuvre, au profit des entreprises et des ménages – sous la forme des baisses d'impôts que vous avez régulièrement votées.

Voilà une photographie réaliste, qui n'a rien de fictif. Elle pourra être examinée dans le cadre d'éventuels audits.

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