Intervention de Michel Sapin

Réunion du 12 avril 2017 à 11h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances :

Avant de vous décrire la perspective tracée pour la période 2018-2020 dans ce programme de stabilité, je voudrais revenir sur un point qui concerne l'année 2017 et qui avait retenu votre attention, de même que celle du Haut Conseil des finances publiques ou des observateurs. Les interrogations concernant l'Unédic sont levées, et nous en tenons compte : l'accord signé n'ayant pas, pour 2017, les effets budgétaires attendus, nous l'avons en quelque sorte retiré de notre esquisse, mais comment traitons-nous la recapitalisation d'Areva et de la filière nucléaire ? Nous ne mettons pas le sujet de côté ni ne l'oublions, nous faisons le plus sérieusement possible. Mais alors, si nous n'avions pas intégré, l'automne dernier, d'impact de cette opération dans notre trajectoire centrale de déficit, pourquoi ne le faisons-nous toujours pas ? Lorsqu'il s'agit d'une cession ou d'une recapitalisation pas encore réalisée d'une entreprise publique, pour laquelle le choix d'acteurs privés n'est pas encore totalement arrêté, il serait irresponsable de la part de quelque gouvernement que ce soit de préjuger plusieurs mois à l'avance de l'issue de négociations difficiles et délicates. Il est de plus parfaitement hasardeux de préjuger de l'impact d'une opération de recapitalisation sur le déficit public au sens de Maastricht : cela dépend de la qualification du montant des recapitalisations en fonction des entreprises, des secteurs, des autres investisseurs – est-ce un investissement avisé ou non ? Personne n'est aujourd'hui capable de dire quel serait l'effet maastrichtien de l'opération. Ce sont l'INSEE et Eurostat qui nous éclaireront, une fois l'opération définitivement conclue. Cela dit, d'une part, nous travaillons à ce que les crédits budgétaires nécessaires aux opérations de recapitalisation de l'année soient disponibles. Depuis l'été 2016, nous avons entamé, vous l'aurez remarqué, plusieurs cessions d'ampleur, afin que tout gouvernement dispose, dans le compte d'affectation spéciale correspondant, des sommes nécessaires aux recapitalisations déjà annoncées. Il n'y a là aucune bombe à retardement et l'État pourra assumer les choix que nous avons faits, dont je ne crois d'ailleurs pas qu'ils aient vraiment, en l'occurrence, été remis en cause. D'autre part, si une telle opération devait avoir un quelconque impact maastrichtien – à mon avis, elle en aura un, relativement faible –, celui-ci ne remettrait pas en cause la dynamique pluriannuelle d'assainissement des comptes publics puisqu'elle serait considérée comme une mesure d'effet exceptionnel et temporaire, dite « one-off » en jargon.

Pour conclure, j'aimerais dire quelques mots de l'esprit dans lequel nous avons construit, dans ce programme de stabilité, la trajectoire de finances publiques pour les années 2018, 2019 et 2020. Je l'ai dit : nous avons fait le choix de retenir une trajectoire respectant à la lettre les règles européennes. Cela ne préjuge évidemment ni d'éventuelles flexibilités que pourrait demander la France dans les années qui viennent, ni même du choix de s'abstraire tout simplement de ces règles. Les flexibilités prévues par nos pactes et engagements divers sont réelles, même si elles ne peuvent jouer tant que le déficit est supérieur à 3 % du PIB – elles le pourront donc en 2018, 2019 et 2020 – et même si elles ne peuvent le faire qu'a posteriori, ce qui signifie qu'elles peuvent servir non à définir une trajectoire à l'avance mais à expliquer une évolution qui ne serait pas exactement conforme à la trajectoire précédemment prévue. Nous avons voulu, en particulier pour l'année 2018 intégrer à la trajectoire la totalité des effets en termes de baisse d'impôts des décisions qui ont déjà été votées. Pas de faux procès, donc ! Les effets budgétaires de certains crédits d'impôt prévus pour 2017 se feront sentir en 2018 ; c'est tout à fait intégré au calcul de la trajectoire pour l'année 2018 et au-delà. Il n'y a pas de bombe à retardement !

Enfin, la trajectoire que nous avons décrite dans ce programme de stabilité, qui me semble constituer une référence intéressante, nous oblige à regarder quel effort sera nécessaire pour que l'effort de réduction de notre déficit soit conforme aux règles européennes. Dans la trajectoire que nous proposons, il suffit de prolonger l'effort de maîtrise des dépenses publiques fourni ces dernières années, au même niveau. Il n'est pas nécessaire de l'amplifier. Si une approche plus dure devait être mise en oeuvre, ce serait, par exemple, pour compenser de moindres recettes fiscales – peut-être si l'impôt des plus aisés devait être réduit... Si les efforts faits depuis quatre ans sont poursuivis, la trajectoire que nous visons est parfaitement atteignable.

Ce message ne me paraît pas sans importance à l'heure de certains débats.

La France n'est pas dans une situation de faillite, ni à la veille d'un cataclysme financier. En réalité, après cinq ans de gestion sérieuse, la France est sur la voie du rétablissement définitif de ses finances publiques – elle n'y est pas encore, il faut encore des efforts, mais la catastrophe est plutôt derrière nous que devant nous. Nul besoin de couper brutalement dans les dépenses sociales ou de réduire à peau de chagrin nos services publics. Un simple effort de bonne gestion, poursuivi comme cela a été le cas ces dernières années à tous les niveaux de l'administration, nous permettra d'atteindre rapidement l'équilibre structurel de nos finances publiques et d'engager pour de bon une baisse du ratio de la dette publique rapportée au PIB.

Ainsi, de la position qui est la nôtre aujourd'hui, après plus de trois années passées à Bercy et à partager avec vous, mesdames et messieurs les députés, le plaisir de ces débats, le voeu le plus sincère que nous pouvons former pour l'avenir est que le prochain gouvernement conserve cet esprit de sérieux qui a guidé notre action. Cela n'empêche ni n'interdit des politiques différentes – chacun en propose aux électeurs – mais cela montre qu'à partir du rétablissement de la situation budgétaire et économique de la France des politiques nouvelles peuvent être menées, qui ne mènent pas la France à la catastrophe.

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